MB&F, la HM8 Can-Am débarque avant l’heure
Les HM - Horlogical Machines de Maximilian Büsser ne se suivent pas toujours toutes et parfois se ressemblent. Décidément, ce chantre de la nouvelle horlogerie, à connotation ludique, n’a pas fini de nous surprendre.
Hervé Estienne, le manager de la boutique M.A.D Gallery à Genève est matinal. L’horaire sur la porte indique une ouverture à 10h00. Toutefois, sa silhouette s’active déjà à l’intérieur alors qu’il n’est pas encore 9h00. Je passe devant tous les matins, chanceux que je suis d’habiter à quelques encablures. Rarement vitrine n’aura à ce point capté les regards, y compris ceux des plus jeunes qui, fréquemment, forcent leurs parents à stopper net tant la magie mécanique et la poésie des objets qui s’en dégage les interpellent. J’esquisse un signe de la main, j’entre. Aurais-je le privilège de pouvoir découvrir avant l’heure la HM8 «Can-Am»? Suspense…
MB&F HM8 en or blanc et titane
Marketeur malgré lui
Bien qu’il s’en défende, Maximilian Büsser mériterait d’avoir une chaire universitaire d’enseignement du marketing. L’homme fait des choix, il les attribue aux hasards des rencontres, à cette sorte d’opportunisme curieux qui transforme les idées et les contacts en dessein de vie, en parcours entrepreneurial. Il se garde bien de dire qu’ils sont issus d’une vision, d’une planification, bref d’un quelconque calcul. Et pourtant, ses choix pourraient être enseignés comme des cas de figure dans les plus nobles institutions du marketing. N’a-t-il pas un jour, en croisant François-Paul Journe dans les allées de Baselworld, lancé la saga des Opus pour une marque dont il avait la garde et qui, avant son coup de génie, n’avait qu’une image séculaire de haute-joaillerie? En un tour de main, bravant toutes les mises en garde que les pros du secteur auraient distillées à tout téméraire désireux de s’aventurer sur les terres du co-branding, il confère à Harry Winston une dimension d’horlogerie ultra-complexe, prisées par les collectionneurs et les découvreurs du monde.
MB&F HM8 en or blanc et titane
Autre fait à haute valeur marketing ajoutée, il lance sa marque en ajoutant à ses initiales, la notion de friends. En un certain sens, il applique à l’horlogerie ce que la street culture a offert au hip hop, la dimension de featuring. Et d’ouvrir les zones presse où les visuels en haute définition se chargent et où les derniers communiqués se téléchargent, alors que d’autres les barricadent à grands renforts de codes et d’inscriptions à confirmer donc à trier. Un open source de l’information, là encore, une petite révolution qui va dans la même direction que celle de jouer la plus totale transparence en révélant les identités de ses fournisseurs, subtilement transformés en friends. Enfin, en créant sa M.A.D. Gallery, il s’offre non seulement un écrin pour les objets qu’il aime, aimera et continuera de découvrir, mais il crée un modèle inédit et élégant de boutique de marque. On oublierait presque qu’on y vend aussi ses garde-temps, et que tout y incite. Quel meilleur endroit pour s’imprégner de son esprit retro futuriste, de son âme d’enfant qui se laisse aller parfois à des créations osées?
MB&F HM8 or blanc/titane et or rouge/titane
Des arceaux en clin d’oeil à la Can-Am
Un peu à la John Harrison, l’homme d’origine menuisière qui remporta la course à la longitude, il numérote ses oeuvres par un chiffre intervenant après un H, comme Horological. Puis il y insère un M pour Machine. Les aficionados le savent, ils attendaient patiemment la HM7. Celle-ci n’étant pas prête (on oublie que chez les vrais horlogers la phase fiabilisation peut durer parfois aussi longtemps que la phase création-conception), c’est la numéro 8 qui voit le jour, en cette fin de septembre 2016, une année après le 10ème anniversaire. Et pas question d’en changer la numérotation, puisqu’en fait - le hasard fait si bien les choses - cette pièce pourrait être la contraction esthétique, architecturale et fonctionnelle de la HM3 et de la HM5.
MB&F HM8 en or blanc et titane
De la première elle revendique l’héritage de ce rotor bleui en or 18 carats astéro-hache visible côté face, de la seconde, cette lecture de l’heure latérale, hommage à la montre angulaire Amida des années 1970 ou à la fameuse casquette de Girard Perregaux ainsi qu’à leurs affichages prismatiques.
Maximilian Büsser aurait voulu être designer automobile. Raté, il sera créateur d’une nouvelle race de garde-temps! Reste qu’avec sa HM8 et sa boîte en or blanc - titane ou rose - titane, le clin d’oeil à la Can-Am, cette course américano canadienne (2 villes du Canada et 4 du Nord des US) a marqué son esprit. C’était, entre 1966 et 1974 puis entre 1977 et 1986 - cent ans en 2016 -, la plus rebelle et dérèglementée des compétitions automobiles, une véritable course à l’innovation, une orgie de puissance et de technologie. Aucune restriction, tant au niveau des moteurs que des carrosseries! Bref, une totale carte blanche offerte aux plus fous d’alors, une compétition mêlant prototypes et véhicules détournés, au cours de laquelle certains n’hésitaient pas à suralimenter leurs engins tandis que les autres traficotaient les carburants. De quoi booster l’imagination, puisque c’est dans ce cadre, en 1969, qu’un certain Bruce McLaren lance son premier bolide.
MB&F HM8 en or blanc et titane
Les arceaux sont les vedettes de ce design, ils évoquent, lorsque les voitures se retournaient, la vie sauve des pilotes et l’échappée belle. Ils sont usinés dans un bloc massif de titane grade 5. Puis ils sont méticuleusement polis à la main ce qui renforce leur brillance tubulaire. Le moteur, vrombissant à 28’800 alternances par heure et disposant d’une réserve de marche de 42 heures - la base d’un calibre Girard-Perregaux sur lequel a été entre autres ajouté un module développé en interne d’heures sautantes bidirectionnelles et de minutes traînantes - se laisse déshabiller du regard, sous toutes les coutures, puisque l’étendue du verre saphir assure au passage le rétro-éclairage de l’affichage ou le chargement en potentiel de luminescence les chiffres des heures et des minutes. Au dos, la surprise stylisée de deux carters dont les formes n’auraient pas été reniées par les véhicules débridés de l’époque. Tiens, sur les côtés et malgré l’illusion optique - c’est bien le propre des arceaux -, il n’y a pas de verre. Juste un espace, laissant passer l’air, fougueux, rebelle. L’air libre des créations d’un génial serial concepteur…