Sistem51, l’excellence industrielle selon le Swatch Group
Pour commémorer les 30 ans de la naissance de la Swatch, le groupe du même nom fait une démonstration éclatante de sa maîtrise technique en présentant un mouvement mécanique révolutionnaire constitué de 51 pièces, tenues par une seule vis, et dont la construction est totalement robotisée. C'est une magistrale leçon de maîtrise industrielle!
On a tout entendu à propos de l'évolution de la technique horlogère, y compris que l'on tournait en rond car plus rien ne restait à inventer. Quelle erreur!
D'abord, il faut rappeler que Swatch est, et a toujours été, une manufacture. Mieux même, les montres qu'elle construit sont 100 % Swiss made, ce qui n'est pas le cas de toutes les marques manufacturières. Si, pour être qualifiée de "garde-temps de Haute Horlogerie" une montre doit être réalisée par une manufacture et comme le soulignait avec pertinence Nicolas Hayek, les Swatch sont bel et bien des montres de luxe.
Elles auraient en conséquence parfaitement leur place dans le giron de la Fondation de la Haute Horlogerie.
Bouquet de compétences industrielles multiples
Dans cet esprit, alors que les premières idées de développement d'un mouvement mécanique à remontage automatique totalement inédit se faisaient jour, la marque a posé cette exigence de 100% Swiss made comme premier principe philosophique. Cela veut dire que la recherche, le développement, la construction et la production d'absolument tous les éléments et composants de la montre Sistem51 ont été pensés avec cette approche. Et de fait, tout a été réalisé à l'interne du groupe et totalement en Suisse. Cette révolution technique et industrielle est le fruit d'une collaboration entre ETA, Nivarox, le CDNP, (Centre de développement des nouveaux produits), Comadur et bien sûr Swatch. Mais ce qui est le plus ébouriffant c'est qu'il n'aura fallu que deux ans pour passer de la feuille blanche à la montre terminée, livrable sur les marchés. C'est là aussi un exploit d'autant que plusieurs sociétés ont apporté leur pierre à l'édifice.
S'il est vrai que le Swatch Group dispose de moyens extrêmement vastes et diversifiés, il ne serait rien sans les femmes et les hommes qui le constituent.
La preuve en a encore été donnée à travers l'aventure du Sistem51. Dans chaque compagnie du groupe partenaire de l'idée, les meilleurs spécialistes ont mis leur savoir à disposition pour transformer l'idée de base en réalité tangible. Ensemble ils ont donc réfléchi, confronté leurs propositions, discuté, modifié leurs approches pour finalement se réunir autour d'un concept. Enfin, il faut souligner que, généralement, dans les sociétés de grande dimension, beaucoup de spécialistes mènent des recherches dans différents domaines. Et, petit à petit, la recherche devient très spécialisée donc de plus en plus fine et pas toujours très efficace. Ce n'est pas le cas au Swatch Group puisque, et l'aventure du Sistem51 le démontre, la philosophie de développement a toujours été de travailler, chercher et mettre au point des techniques en gardant présent à l'esprit le produit final. C'est en tous cas ainsi que M. Pierre-André Buhler, directeur général d'Eta, a harmonisé les prestations des uns et des autres afin de garantir les délais.
Coordination et d’émulations
On peut bien juger de l'importance de cet aspect de coordination, d'autant qu'il a fallu tenir des réunions et surtout communiquer en n'oubliant personne car, à chaque avancée du projet, tous les participants devaient être au courant afin de pouvoir faire évoluer la partie sur laquelle ils travaillaient, toujours dans l'esprit du produit final.
Cela étant, il a fallu réunir plus d'une centaine de personnes pour relever le défi. On a pris les meilleurs spécialistes de la construction des Swatch, les plus fins connaisseurs des mouvements mécaniques. Pour le module d'échappement, on a confié l'entier du développement à Nivarox qui a accepté, pour la première dois dans l'histoire de cette compagnie, d'étudier, de développer et de produire un module entier d'échappement. Mais, comme le relèvent les pilotes du projet, chacun était enthousiaste et fier de présenter son module ou ses attributions dans le dossier. Le temps aussi a été un moteur puissant de dynamisme et il était indispensable faire vite et bien. Enfin, et il faut également le relever, c'est la première fois que les équipes de spécialistes du groupe partent d'une idée et qu'en finalité ils ont réussi à promouvoir une construction d'un mouvement mécanique à remontage automatique totalement automatisée et robotisée, y compris les réglages des ébats. Par ébats on entend le jeu, l'espace entre deux organes dont l'un est mobile par rapport à l'autre.
Dans cette philosophie de conception et d'industrialisation en parallèle, certaines idées fortes. La première a été de dire qu'il fallait réaliser un mouvement exceptionnel.
Toutefois, il devrait pouvoir être produit à des coûts tels que la montre qui en serait équipée devrait parfaitement correspondre à la philosophie de Swatch, c'est-à-dire une montre bon marché facilement intégrable dans les collections de la marque.
Chronométrie exemplaire
Immédiatement découlant de ce principe, se fit jour celui qui disait que ce n'est pas parce que ce garde-temps sera économiquement très accessible qu'il faut renoncer à créer un mouvement dont la chronométrie serait exemplaire. C'est un bien beau principe, mais il y a loin de la coupe aux lèvres. Toutefois, les principes de ce nouveau mouvement ayant été clairement établis, il devenait possible de travailler en profondeur sur les différents segments qui le composent. De fait le principe retenu est celui des modules. En clair, cela signifie que le mouvement de la Sistem51 est composé de plusieurs modules. Les composants de chacun de ces modules sont produits et assemblés de manière industrielle, c'est-à-dire sans intervention humaine au niveau de l'assemblage.
Chaque module terminé est ensuite posé, de manière automatique et robotisée, dans la platine de la montre. Une fois installés, et grâce à leur conception tout à fait particulière, ces modules sont fixés par la seule et unique vis, également par un robot. Le mouvement de la Sistem51 est ainsi terminé.
Il ne reste plus qu'à installer l'habillage de cette Swatch Sistem51 et le tour est joué.
Techniquement révolutionnaire
Avec ses 51 composants, au lieu de 130 à 150 pour un mouvement mécanique à remontage automatique traditionnel, le nouveau calibre automatique a la même dimension que le mouvement 2824 d'ETA, soit une hauteur de 4,8 millimètres, un diamètre de 27,5 millimètres. Cette dimension a été spécialement pensée pour pouvoir utiliser ce nouveau mouvement dans des pièces aussi bien destinées aux hommes qu'aux femmes. Et ce n'est pas tout car il possède une réserve de marche de 90 heures. Enfin, il bat à 3 hertz, c'est-à-dire 21'600 alternances par heure. Les spécialistes du Swatch Group ajoutent immédiatement que, sans la raquetterie, (raqueteria) ce mouvement est aussi précis qu'un mouvement mécanique qui bat à 4 hertz, soit qui affiche 28'800 alternances à l'heure, étant entendu qu'il est généralement admis que plus les mouvements tournent vite, plus ils sont précis. Et pour prévue, le mouvement à quartz qui apporte une précision d'environ 10 à 15 secondes par année, bat à 32768 oscillations à la seconde!!!
On modifie la marche de la montre en tournant la raquette, les divisions marquées sur le coq permettent d'apprécier approximativement l'effet de la retouche.
Réglage au lazer
De fait, ce nouveau mouvement n'a pas de raquetterie et il est réglé définitivement par faisceau laser lors de la fabrication du module d'échappement. Tous les amateurs d'horlogerie savent qu'avec sa compagnie Nivarox, le groupe possède des capacités extrêmement large en matière de fabrication des organes réglants qui sont le véritable coeur de la montre. D'ailleurs, jusqu'il y a très peu de temps, toutes les marques suisses qui produisent des mouvements mécaniques étaient clientes de Nivarox. Dans ce projet, c'est donc Nivarox qui s'est chargée de développer le module contenant tout le système d'échappement. Il faut signaler que c'est la première fois que cette compagnie accepte de mener un tel développement. Le résultat est à la hauteur des espérances puisque le module d'échappement est pré réglé dans une valeur déterminée lors de sa construction. Ensuite, lors du réglage final, lorsque le module est posé dans la montre, c'est donc un laser qui va effectuer le réglage à la valeur finale en soudant en quelque sorte les ébats. Et ce mouvement n'aura plus jamais besoin d'être réglé, grâce aux calculs effectués par les outils industriels.
Si le fait d'avoir supprimé la raquetterie et figé le réglage représentent des avancées techniques exceptionnelles, il fallait encore assurer une bonne chronométrie en essayant d'être compatible avec les critères du Contrôle Officiel Suisse des Chronomètres. Ce bureau de mesure officiel admet une variation de 10 secondes par 24 heures pour un mouvement mécanique, c'est-à-dire qu'il accepte d'une montre qu'elle retarde de 4 secondes ou qu'elle avance de 6 secondes par 24 heures. Le mouvement de la Sistem51 est largement au-dessous de ces valeurs et pourrait donc facilement recevoir l'appellation COSC.
En ce qui concerne la production du module qui contient la platine et le bâti, Swatch utilise un alliage, l'ARCAP. Il affiche des couleurs de qualité et permet d'être directement décoré, le tout avec une production totalement robotisée. Quant à la masse oscillante de cette montre, qui se remonte au poignet dans un seul sens, elle a été pensée en matière transparente pour permette au porteur d'admirer la construction de ce mouvement tout à fait particulier. C'est donc le saphir qui a été utilisé avec un développement spécialement étudié par Comadur, la compagnie du groupe qui produit notamment les rubis synthétiques et les céramiques.
Mais ce ne fut pas si simple car il fallait non seulement permettre de voir le mouvement tout en assurant le remontage, donc cerner de très près le poids des matériaux afin d'assurer une régularité de marche.
En conclusion
Nous dirons que ce nouveau mouvement, que je qualifierai d'exceptionnel et historique, a vu le jour grâce à la mise en réseau des meilleures compétences du Swatch Group. Ces spécialistes ont travaillé sans aucun esprit de clocher pour atteindre l'objectif qui leur était fixé. Ils ont réussi un pari fou en moins de deux ans, en partant d'une feuille totalement blanche. C'est remarquable quand on sait la difficulté de créer un nouveau mouvement de A à Z.
Dernier aspect qu'il faut mettre en valeur, celui de la maîtrise industrielle. Lorsque l'on imagine la création d'un nouveau mouvement, il faut garder à l'esprit toutes les contraintes de production. Elles sont généralement un frein puissant à la créativité. Il suffit pour s'en convaincre de voir la difficulté qu'ont les marques à développer de nouveaux calibres en partant d'une feuille blanche. Dans le cas de la Sistem51, depuis le premier jour, tout a toujours été pensé dans une optique de production de grandes quantités. Cela veut donc dire que de nombreux outils industriels ont été inventés et mis au point pour relever le défi de cette production.
Et pour réussir le pari, il faut des compétences extrêmement étendues. Avec cet exercice, le Swatch Group et la marque Swatch ont démontré qu'ils avaient non seulement des idées décoiffantes, mais qu'ils se donnaient les moyens techniques de les réaliser. C'est la preuve flagrante de la maîtrise des savoir faire du plus important groupe horloger mondial.