Visite exclusive à Boncourt, chez Swatch. Le Sistem51 dévoilé!
Assurer une qualité permanente, assurer une chronométrie meilleure que les règles du COSC, réguler la production en continu, remettre l’être humain au centre des décisions opérationnelles, maîtriser chaque étape de la construction des composants et de l’habillage de la montre, ce sont les ingrédients de la révolution industrielle qui permet de produire la Sistem 51.
Aucun journaliste n’avait encore réussi à s’introduire à Boncourt. Eric Othenin-Girard notre contributeur, y est parvenu. Libre, curieux, il a pu se promener dans ces usines que tous aimeraient visiter. Chasse gardée! Watchonista était ainsi dans l’antre industriel mystérieux d’une révolution sans précédent: un calibre mécanique dont la production et l’assemblage se fait de manière automatisée. De l’intelligence industrielle tellement bien utilisée qu’elle s’autorise le luxe des performances chronométriques ultimes.
De Bienne, le train emmène le visiteur dans le Jura, jusqu’à la frontière franco-suisse, plus précisément à la gare de Delle, la première bourgade française, juste après Boncourt.
Le voyageur se trouve alors au pied nord de la chaîne de montagnes du Jura, là où commence la plaine d’Alsace. A quelques centaines de mètres, le voyageur repasse la frontière pour se rendre dans la toute nouvelle zone industrielle de Boncourt, juste à la sortie de l’autoroute qui mène à Strasbourg ou Paris. Et quand le soleil chauffe l’atmosphère et luit, les lumières deviennent tremblotantes comme dans le désert. Toutefois, dans le désert, le voyageur n’est point, au contraire ! Car, au milieu des champs, se dressent deux bâtiments ultra-modernes, et deux autres, tout aussi imposants, qui sont encore en construction. Contraste étonnant donc entre cette région qui semble totalement dévouée à la culture des sols et ces unités de production dont production et la fourniture d’énergie fait appel aux techniques écologiques les plus sophistiquées. Il suffit d’ailleurs de pousser la porte du bâtiment principal pour se retrouver dans un monde industriel totalement nouveau et révolutionnaire dont on ne trouve aucune comparaison dans les annales de l’horlogerie. Mais pour comprendre, il faut un peu remonter dans le temps.
Révolution permanente, Swatch réinvente la production horlogère
Lorsque M. Nicolas Hayek Senior a décidé de lancer la Swatch, en 1983, en pleine crise horlogère, tous les observateurs ont été très étonnés de constater qu’il était possible de réinventer une nouvelle manière de produire des montres.
De fait, c’était le premier pas d’une révolution qui se poursuit aujourd’hui. Car Swatch n’a pas cessé d’être innovatrice depuis sa création. A titre d’exemple nous dirons qu’intégrer boîte de la montre et platine, miser sur un habillage synthétique, utiliser des couleurs vives, ces points parmi bien d’autres, ont montré que la révolution Swatch se voulait permanente. C’est ainsi que, pendant 31 ans, la marque a produit des millions d’exemplaires de ses montres qu’elle a déclinées à travers…7'680 modèles différents ! Pour commémorer le 30ème anniversaire de Swatch et poursuivre dans la voie révolutionnaire et innovatrice, Nick Hayek a souhaité faire un pas supplémentaire. L’objectif a donc été de créer une montre automatique dont le mouvement compte 51 composants, alors qu’il en faut au moins 150 à 180 dans un mouvement automatique traditionnel, 51 pièces qui ne sont fixées que par une seule vis et qui assure 90 heures de réserve de marche et une chronométrie meilleure que la certification du Contrôle officiel suisse des chronomètres (COSC) puisque la Swatch Sistem51 assure une variation de 6 secondes par jour alors que les montres bénéficiaires du certificat COSC peuvent varier de 10 secondes pour la même durée. Et cerise sur le gâteau, cette montre devait être assemblée à 100% par des robots.
Tirer à la même corde
Dans cet esprit, alors que les premières idées de développement d'un mouvement mécanique à remontage automatique totalement inédit se faisaient jour, la marque a posé, pour cette nouveauté, une exigence de 100 % Swiss made comme premier principe philosophique. Cela veut dire que la recherche, le développement, la construction et la production d'absolument tous les éléments et composants de la montre Sistem51 ont été pensés avec cette approche. Et de fait, tout a été réalisé à l'interne du groupe et totalement en Suisse. Cette révolution technique et industrielle est le fruit d'une collaboration entre ETA, Nivarox, le CDNP, (Centre de développement des nouveaux produits), Comadur et bien sûr Swatch. Mais ce qui est le plus ébouriffant c'est qu'il n'aura fallu que deux ans pour passer de la feuille blanche à la montre terminée, livrable sur les marchés. C'est là aussi un exploit d'autant que plusieurs sociétés ont apporté leur pierre à l'édifice.
S'il est vrai que le Swatch Group dispose de moyens extrêmement vastes et diversifiés, il ne serait rien sans les femmes et les hommes qui le constituent. La preuve en a encore été donnée à travers l'aventure du Sistem51. Dans chaque compagnie du groupe partenaire de l'idée, les meilleurs spécialistes ont mis leur savoir à disposition pour transformer l'idée de base en réalité tangible.
Ensemble ils ont donc réfléchi, confronté leurs propositions, discuté, modifié leurs approches pour finalement se réunir autour d'un concept. Enfin, il faut souligner que la philosophie de développement a toujours été de travailler, chercher et mettre au point des techniques en gardant présent à l'esprit le produit final. On peut bien juger de l'importance de cet aspect de coordination, d'autant qu'il a fallu tenir des réunions et surtout communiquer en n'oubliant personne car, à chaque avancée du projet, tous les participants devaient être au courant afin de pouvoir faire évoluer la partie sur laquelle ils travaillaient, toujours dans l'esprit du produit final.
Plus de 100 spécialistes
Cela étant, il a fallu réunir plus d'une centaine de personnes pour relever le défi. On a pris les meilleurs spécialistes de la construction des Swatch, les plus fins connaisseurs des mouvements mécaniques. Pour le module d'échappement, on a confié l'entier du développement à Nivarox qui a accepté, pour la première fois dans l'histoire de cette compagnie, d'étudier, de développer et de produire un module entier d'échappement. Le temps aussi a été un moteur puissant de dynamisme et il était indispensable faire vite et bien.
Enfin, et il faut également le relever, c'est la première fois que les équipes de spécialistes du groupe partent d'une idée et qu'en finalité réussissent à promouvoir la construction d'un mouvement mécanique à remontage automatique totalement automatisé et robotisé, y compris les réglages des ébats. Par ébats on entend le jeu, l'espace entre deux organes dont l'un est mobile par rapport à l'autre.
The assembling line of the Sistem51 in Boncourt
N’accepter que l’exceptionnel
Dans cette philosophie de conception et d'industrialisation en parallèle, certaines idées fortes. La première a été de dire qu'il fallait réaliser un mouvement exceptionnel. Toutefois, il devrait pouvoir être produit à des coûts tels que la montre qui en serait équipée devrait parfaitement correspondre à la philosophie de Swatch, c'est-à-dire une montre bon marché facilement intégrable dans les collections de la marque. Immédiatement découlant de ce principe, se fit jour celui qui disait que ce n'est pas parce que ce garde-temps sera économiquement très accessible qu'il faut renoncer à créer un mouvement dont la chronométrie serait exemplaire. C'est un bien beau principe, mais il y a loin de la coupe aux lèvres. Toutefois, les principes de ce nouveau mouvement ayant été clairement établis, il devenait possible de travailler en profondeur sur les différents segments qui le composent. De fait le principe retenu est celui des modules.
Les composants de chacun de ces modules sont produits et assemblés de manière industrielle, c'est-à-dire sans intervention humaine au niveau de la construction et de l'assemblage.
Aujourd’hui, l’usine de Boncourt produit ces mouvements et ces montres d’exception et absolument uniques. De fait, la Sistem51 possède une masse oscillante en saphir transparente, c’est une première mondiale, un mouvement produit sans intervention humaine, autre première mondiale, mouvement dont la hauteur est comparable au célèbre calibre ETA 2824, autre première mondiale. Enfin, on dira encore que le mouvement de la Sistem51 a fait l’objet du dépôt de 17 brevets.
De la feuille blanche à la chaîne de production
Si le mouvement de la Sistrem51 est totalement révolutionnaire, c’est également le cas de la production de cette montre. En effet, lorsque Swatch dit que les composants de la montre et le montage du mouvement sont faits sans intervention humaine, c’est parfaitement exact. De fait, quand on visite une manufacture horlogère, on se trouve face à des machines CNC, pilotées par des opérateurs. Ensuite les composants sont repris à la main, nettoyés, polis, anglés et montés à la main.
Dans le cas de la Sistem51, il en va autrement. A Boncourt, nous avons découvert une usine de production totalement différente. D’abord, toute la production est réalisée dans des locaux semi-blancs. Cela nécessite donc une tenue particulière car la gestion de l’air ambiant est très importante, notamment au niveau des poussières. Ensuite, nous avons découvert un alignement de machines totalement inédit. De fait, les créateurs du mouvement ont repris toutes les opérations de construction et de montage des composants pour les intégrer à la chaîne de production. C’est ainsi que dans cette nouvelle unité de production, on ne trouve ce que nous appelons les « petites mains » c’est-à-dire des femmes et des hommes qui doivent répéter la même opération et les mêmes gestes toute la journée durant. A Boncourt, les métiers ont changé et celles et ceux qui, auparavant, devaient réaliser ces opérations inintéressantes sont devenus des spécialistes de la gestion des robots de production. Ils ont passé d’une phase de production à une phase de contrôle permanent.
Certes les machines assurent une certaine partie du contrôle de la production mais les opératrices et les opérateurs doivent contrôler également et, au besoin, prendre des mesures correctives.
Ils ont donc passé à un autre statut et à parler avec eux, ils sont parfaitement heureux car, disent-ils, leur intérêt au travail s’est énormément développé avec ces nouvelles techniques de production. De fait, dans l’usine, on assiste au mariage de l’horlogerie et de l’automation et les collaborateurs sont devenus des automaticiens horlogers. Et bien entendu, dans la foulée, l’usinage a lui aussi été totalement modifié et réinventé. Chaque module terminé est ensuite posé, de manière automatique et robotisée, dans la platine de la montre. Une fois installés, et grâce à leur conception tout à fait particulière, ces modules sont fixés par la seule et unique vis, également par un robot. Le mouvement de la SISTEM51 est ainsi terminé. Il ne reste plus qu'à habiller cette Swatch SISTEM51 et le tour est joué.
Pour Swatch enfin, qui dit production robotisée ne dit pas du tout montres tristesse ou austérité. La marque entend bien conserver son image «fun» qui plaît particulièrement à la clientèle jeune. C’est pourquoi la ligne de production du «digital printing» permet de procéder à des décorations, que ce soit sur les masses oscillantes de la Sistem51 ou sur le cadran de ces nouvelles pièces automatiques. Les «robots décorateurs» ont en effet la capacité de traiter toutes les couleurs et toutes les formes.
Cela correspond parfaitement à la philosophie de Swatch et la production de la deuxième collection de montres Sistem51 prouve bien que la marque n’a rien perdu de son côté «décalé.»