Piaget, manufacture, maîtrise des outillages, gage d’indépendance
Des pièces historiques exposées ou confiées, une dimension d’indépendance qui se traduit par la maîtrise de la fabrication de ses outillages, Piaget, tant à Plan-Les-Ouates qu’à La Côte aux Fées, transcende le mot Manufacture.
Au sortir d’une route sinueuse, le petit village de la Côte-Aux-Fées semble tout droit issu d’une carte postale. A l’origine, en vieux français, ce paisible lieu du Val de Travers, à l’extrémité ouest du Canton de Neuchâtel, s’appelait la «Coste aux Fayes.» Autrement dit, la colline aux montons. Rien à voir avec une étymologie qui tirerait son inspiration de quelque contrée peuplée de génies merveilleux. Dans cette bourgade où l’hiver dure bien plus long qu’en plaine, l’histoire horlogère, en lien avec la paysannerie d’alors, est pétrie de dimension spirituelle, de piété et d’humilité.
Chaleur accueillante, pérennité
Telle était cette famille Piaget, particulièrement représentative d’un état d’esprit propice aux méticulosités et aux patiences infinies, ces valeurs qui ont apporté à ce secteur microtechnique à part, leur lot d’inventions et de recherches. C’est dans ce genre de terreau qu’ont été pensées les complications les plus incroyables, peaufinées les esthétiques les plus soignées. Chez Piaget, cette propension à ne «jamais compter son temps» quand il s’agissait de faire «mieux que nécessaire» – une maxime du père fondateur encore célébrée à l’interne – s’est cristallisée autour de la quête d’une miniaturisation maximale, faite de squelettisation de mouvements et d’extra plat. En 2013, ces directions maîtrisées figurent encore dans les gènes de la marque, dans ce que l’ère moderne qualifie d’ADN.
Chaleureux est l’accueil, convivial. La célèbre Fabrique de la Côte aux Fées, rue Les Bolles-du-Temple, fait face à la bâtisse originelle, toute première domiciliation de Georges-Edouard Piaget, le fondateur en 1874 de ce qui deviendra une marque rayonnant dans le monde entier, forte d’un réseau de plus de 800 boutiques, d’une propension à séduire les grands de ce monde dont les têtes couronnées. Une valeur sûre acquise par le Groupe Richemont en 1988. A lui seul, Yves Bornand, fraîchement retraité mais encore actif lors de visites de Manufacture, est un livre d’histoire. Son titre de Directeur des Ressources Humaines, son insondable réservoir d’anecdotes aptes à traverser le temps pour lui donner plus d’éclat, en font le guide idéal.
Au premier abord, il semble sur la réserve. Au contact de la passion, lorsqu’il la discerne chez le visiteur, il s’ouvre peu à peu. Dans le plus pur respect de cette marque dont il a contribué à écrire l’histoire, avec force de références acquises de la bouche même des membres de la famille Piaget, il la fait aimer comme personne, ajoutant à ses actuels langages marketing nécessaires, une attractivité faite de rêve et de mythe. Il m’ouvrira même une pièce secrète dans laquelle reposent encore quelques trésors historiques susceptibles d’intéresser les historiens de l’horlogerie, lorsqu’ils prendront le temps du recul.
La richesse du patrimoine
Il est un autre décor, plus industriel, qui regorge aussi d’une puissance historique rare. Il s’agit de l’atelier du service après vente situé, grand écart oblige, dans une aile claire de la Fabrique de la Côte aux Fées. A l’heure de ma visite, j’aurais le privilège d’y croiser quelques merveilles issues d’intimités variées. Un véritable saut dans le temps, ponctué de styles différents, d’une maîtrise complicationnelle rare. Cet écrin éphémère offert aux richesses du passé, prouve que la marque su être prolifique, qu’elle vit encore dans le cœur de ceux qui en ont un jour acquis les joyaux, qu’elle dispose d’un immense capital inspirant.
Ateliers hautes complications, montage et finitions
La lumière de la campagne environnante se déverse généreusement dans cette pièce, à l’image de ces fermes neuchâteloises reconnaissables à leurs fenêtres agrandies pour mieux favoriser l’exercice des arts horlogers. Dans ce sanctuaire, peuplé d’êtres humbles et de personnalités riches, on comprend mieux comment se sont transmis des gestes séculaires qui font aujourd’hui rêver les grands collectionneurs de la planète. Du calme, de la sérénité, une propension à la patience et à la méticulosité, le tout empreint d’un respect absolu pour ceux dont les doigts d’or savent encore ce qui ne s’apprend plus.
Savoir fabriquer les outils, l’indépendance suprême
De retour à l’immense navire architectural de Plan-Les-Ouates, là où se sont désormais ancrés les pôles de direction et de marketing de Piaget, cet esprit d’indépendance se ressent également. Car, et cela s’ajoute à ses spécificités, la marque y cultive les arts du prototypage et d’une création assistée par ordinateur à grands renforts de prouesses 3D.
Cette pépinière de talents créatifs côtoient d’autres départements placés eux aussi sous le signe de l’indépendance revendiquée. Comme ces vastes espaces dédiés au montage des montres finies, à la fabrication autonome de bracelets ou la maîtrise des matériaux à partir de son propre four. Egalement à la riche culture de sa dimension joaillière, une autre facette de son code identitaire. Mais ceci est une autre histoire…
Dossier Piaget «Un patrimoine vivant», lire également la partie I.