Mathey-Tissot and the 1886: the new talking piece
Baselworld

Mathey-Tissot et sa 1886: la nouveauté dont tout le monde parle

L’une des enseignes suisses les plus riches en histoire horlogère et en designs iconiques lance à Baselworld 2018 une création signée Eric Giroud. Un challenge, une pièce retour de flamme qu’il fallait oser.

Par Joël A. Grandjean
Contributeur

«Cette nouveauté, c’est le retour de l’élégance et du dessin». En 2018, l’enseigne Mathey-Tissot fondée en 1886, avec la complicité du designer Eric Giroud, lance à Baselworld en série limitée le modèle 1886 qui place à nouveau sous le feu des projecteurs de l’actualité horlogère, une saga historique, pétrie d’audace, de créativité et surtout de légitimité.
 

La 1886, trait et design, une création qui n’est pas faite de juxtapositions 

Avec cette nouveauté totalement inattendue, la marque se rappelle ainsi au meilleur souvenir des passionnés et afficionados de l’horlogerie, ceux-là même qui, s’habituant à cette signature si présente sur les marchés du monde, avaient presque oublié la luxuriance et la noblesse de son passé.
 

L’acte est plus que légitime puisque, à feuilleter les pages du Journal Suisse d’Horlogerie du siècle dernier ou à passer en revue les contenus d’autres publications de la branche, la marque neuchâteloise regorge de modèles iconiques, comme cette pièce dessinée avec Elvis Presley, comme cette ‘coin watch’ d’or ou d’argent, comme enfin cette ‘Type 20’ dont l’esthétique universelle, indéniablement associée aux «tool watches» de l’aviation, a fait l’objet de plusieurs tentatives récentes d’appropriation. Bref, côté pluralité de designs, dans les années septante, Mathey-Tissot est en pleine âge d’or.
 

Légitime, elle l’était également avec en 2016 le lancement de son calibre maison, une bien belle manière de célébrer ses 130 années d’existence ininterrompue et surtout, de «remettre quelques pendules à l’heure» puisque Edmond Mathey-Tissot, le père fondateur aux Ponts-de-Martel, dans le Canton de Neuchâtel, de la Fabrique d’Horlogerie éponyme, livrait ses calibres mécaniques ou compliqués à des marques dont les noms et le prestige donnent encore aujourd’hui le vertige: les horlogers Breguet, LeCoultre, Piaget, Henri Moser, Ulysse Nardin, Edmond Heuer, Louis Audemars ou Vacheron  Constantin… (lire notre sujet historique)
 

Sablé ultrafin, douceur des formes, clin d’œil contemporain aux seventies

A quoi un designer jouissant d’une présence médiatique et d’une notoriété indéniable peut-il penser lorsqu’il réalise, dans cette mission-là, qu’il ne se trouve pas face à un énième briefing créatif, mais en présence d’une immensité historique? Certes, Eric Giroud assure. Et c’est peut-être parce qu’il est en mesure de gérer ce genre de pression qu’il réussit avec la 1886 un coup de maître. Il parle de «ciment» lorsqu’il évoque l’assise historique. A première vue, et ce n’est que personnel, la pièce en photo, tout au moins sur le fond d’écran des actuels dirigeants de Mathey-Tissot, me touche. Indéniablement, elle respire l’équilibre intemporel d’une esthétique dont le simple effleurement visuel me laisse imaginer qu’elle pourrait se frayer un chemin vers les horizons enviés de l’îconisation.
 

Quelques jours après, je la prends en main, la tourne et la retourne. Il s’agit d’un prototype dont quelques détails stylistiques doivent encore être affinés. Là, j’avoue tomber dans une surprise quasi organique, prévue peut-être par le designer qui savait qu’au toucher des surfaces mates de la lunette et de la boîte en acier 316 L, comme arrondies par une érosion intemporelle aussi inexorable qu’un coulis de sable ultrafin au goulet d’un sablier, j’allais être envahi par l’émotion. Cette pièce d’un diamètre de 42 millimètres pour une épaisseur de 11.8 millimètres, étanche à 5 atmosphères, dispose d’une force que seule sa dose de classicisme et d’épure parvient à distiller. Le passé devient fissure qui filtre la lumière et la concentre.
 

Couleurs vivifiantes au-delà du cadran noir

A propos de lumière, de luminosités plutôt, Mathey-Tissot offre à Eric Giroud l’occasion d’assouvir un fantasme: certaines teintes de cadrans retrouvées dans l’histoire de la marque s’imposent à lui comme autant de légitimes invitations. Des incitations même, à faire pâlir ceux qui auraient été tentés d’en revendiquer l’antériorité mais qui se heurtent à ces traces marquées du passé. Faut-il se juste se baisser pour ramasser de tels éclairages? Non, c’est plus subtil. Eric Giroud offre à cette inattendue 1886, hormis son cadran noir façon gravité des grands sages, d’incroyables dégradés de vert fumé, de marron fumé, de rouge fumé, et gris fumé et de bleu fumé.
 

Bien que terriblement prolifique durant les années auxquelles se réfère ce modèle, la marque Mathey-Tissot respirait toutefois la cohérence en matière de codes visuels. Eric Giroud a su les capter. Son approche est basée sur une géométrie et un rapport à la lumière très doux, dont l’effet est de rendre la 1886 plus contemporaine, plus urbaine dans ses allures, plus lifestyle que sportive dans sa rondeur et ses ouvertures. Sa couronne s’encastre sans heurts dans l’arrondi de sa lunette, son verre facial est légèrement bombé, son fond ajouré suit les mouvements du rotor d’un Sellita SW200, un calibre automatique. Le système d’attache à boucle déployante, s’installe à l’extrémité d’un cuir italien pur jus, imprimé de motifs de type croco.
 

Mathey-Tissot, loin de se laisser enfermer dans un segment réducteur, enhardie par les découvertes d’archives familiales récemment réapparues et par la prise de valeur et les prix qu’atteignent dans les enchères online certains de ses modèles légendaires, lance la 1886… en 1886 exemplaires. Sans complexe, du haut de ses plus de 130 ans, ingénue et diablement séductrice…

Mathey-Tissot 1886 : interview exclusive

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