Ferdinand Berthoud: The Return Of A Marine Chronometer-Maker

Ferdinand Berthoud, le retour d’un chronométrier de marine

Le retour sur le devant de la scène d’un horloger illustre a toujours quelque chose de fantastique car le métier, dans ces conditions, se comporte comme une  machine à remonter le temps et permet de composer le passé au présent mais aussi d’écrire hier au futur.

Par Vincent Daveau
Contributeur

Il y a des noms comme cela qui résonnent dans les mémoires plus que d’autres. Celui de Ferdinand Berthoud, horloger du roi et de la Marine, en fait partie. Mais il aura fallu toute la passion de Karl Friedrich Scheufele, co-Président de Chopard, pour l’histoire de l’horlogerie et pour sa région de Fleurier, pour que germe chez lui l’idée de redonner vie à un des horlogers les plus illustres et les plus créatifs du Siècle des Lumières.

Ferdinand Berthoud with his Légion d'Honneur Ferdinand Berthoud porte sa Légion d'Honneur

Aujourd’hui, grâce à la volonté d’un industriel, le nom de Ferdinand Berthoud n’est aujourd’hui plus seulement un nom, même fameux, inscrit dans les pages du dictionnaire raisonné des horlogers, mais une marque à part entière qui présentait le mardi 22 septembre 2015 aux principaux acteurs du marché horloger, la première pièce d’une collection que Karl-Friedrich annonce comme tout à fait distincte de la manufacture Chopard..

Une vie, une œuvre

Si Karl Friedrich Scheufele, en redonnant vie aux œuvres de Ferdinand Berthoud, fait une nouvelle fois se poser la question du bien fondé de la chronométrie appliquée aux montres mécaniques, il révèle en premier lieu un homme dont le parcours incroyable est étonnamment méconnu du public des initiés. Aussi, avant de se pencher sur la nouveauté horlogère au design très tranché et inspiré par l’un des premiers chronomètres de cet horloger à la production littéraire incroyable, il faut impérativement se pencher sur l’homme.

Karl-Friedrich Scheufele, President of la Chronométrie Ferdinand Berthoud Karl-Friedrich Scheufele, President de la Chronométrie Ferdinand Berthoud

Ferdinand Berthoud est né au sein d’une famille de notables établis dans le commerce horloger, le 18 mars 1727 à Plancemont sur Couvet, un village inscrit dans le Val-de-Travers, dans le Canton de Neuchâtel, en Suisse. Agé de 18 ans, le jeune homme ayant acquis une formation horlogère part se perfectionner dans son art à Paris, alors capitale horlogère majeure. En 1753, après avoir été un moment horloger libre travaillant chez différents maîtres établis, il obtient la maîtrise à 26 ans. Apprécié des élites intellectuelles de son temps pour son ouverture d’esprit, il rédige pour le compte de l’Encyclopédie Méthodique dirigée par Diderot et d’Alembert, des articles de référence sur l’horlogerie dès 1755.

En plus de ses productions horlogères appréciées du public de l’époque pour leurs qualités de fonctionnement, il publie en 1759 un traité de vulgarisation connu sous le titre: «l’art de conduire et de régler les pendules et les montres.» Suivra, en 1863, son traité  sur «l’essai sur l’horlogerie

Ferdinand Berthoud FB-1 The chronometer Ferdinand Berthoud FB-1 est disponible en or blanc et or rose

En 1763, sa carrière connaît un tournant car, doté d’un sens inné de la communication, il est diligenté par l’académie des sciences pour aller en Angleterre examiner l’horloge marine de John Harrison. En 1764, fort de son talent et de son esprit d’ouverture, il est élu comme associé étranger à la Royal Society de Londres. C’est à cette date qu’il prend la décision de se consacrer à la réalisation de pendules ultra précises dédiées à la mesure de la longitude en mer. En 1766, il entreprend alors la réalisation de deux horloges marine les N°6 et N°8, conservées au Musée des Arts et Métiers à Paris. Après leur expérimentation en mer réussie pendant 18 mois à bord de l’ISIS, Ferdinand Berthoud reçoit le titre d’horloger mécanicien du roi et de la marine ayant l’inspection de la construction des horloges marines.

S’ensuit la commande de 20 horloges marines à l’usage de l’amirauté pour les expéditions de cartographie du monde et les expéditions scientifiques. En 1802, l’homme, par essence français puisqu’il était officier civil lors de la Révolution Française, publie l’un de ses plus important ouvrage: «histoire de la mesure du temps par les horloges» dans lequel il démontre son savoir exceptionnel dans l’art de la mécanique horlogère. Conscient de l’importance de l’œuvre et de l’apport de cet horloger au rayonnement français, Napoléon le fait chevalier de la légion d’honneur en 1804. Le 20 juin 1807 Ferdinand Berthoud décède à l’âge de 80 ans à Groslay, en France. Ses neveux, Pierre-Louis Berthoud (1754-1813) et Charles-Auguste Berthoud (1798-1876) poursuivront l’œuvre de leur oncle et connaîtront une grande renommée dans l’art de la chronométrie.

Chronomètre Ferdinand Berthourd FB 1 Le fond transparent du Chronomètre Ferdinand Berthourd FB 1

Une œuvre contemporaine pour célébrer le génie d’un visionnaire

Fruits d’une réflexion en hommage au génie horloger de Ferdinand Berthoud, le nouveau garde-temps dévoilé mardi 22 septembre 2015 incarne une vision moderne des créations qu’aurait pu réaliser le maître s’il avait vécu à notre époque. Karl-Friedrich Scheufele, Président de la Chronométrie Ferdinand Berthoud, soulignait dans la présentation qu’il a faite au public invité au Yacht Club de France, l’un des plus ancien du monde et fondé par Napoléon III, qu’il avait souhaité inscrire cet exceptionnel instrument de mesure du temps dans la continuité de l’œuvre du maître chronométrier. Pour cela, il privilégie une approche contemporaine guidée par le même esprit d’innovation tout en s’inspirant des chronomètres de marine créés par le maître horloger.

Doté d’un imposant boîtier structurellement octogonal, réalisé grâce à des parties rapportées à une carrure ronde centrale, le nouveau Chronomètre Ferdinand Berthoud baptisé FB 1, vit au gré d’un mouvement mécanique à remontage manuel inédit dont certaines parties sont visibles par la face ou le fond transparent, mais également par des sortes de hublots étanches ouverts sur les flancs de la pièce. On remarquera que la forme du boîtier de 44 mm de diamètre, usiné en or et titane ou or et céramique et édité en tout et pour tout à 100 exemplaires, serait une extrapolation des boîtiers des chronomètres de bord anciens.

Chronomètre Ferdinand Berthoud Le  Chronomètre Ferdinand Berthoud est animé par le calibre FB-T.FC à remontage manuel

Pour la petite histoire, on notera tout de même qu’un autre fameux chronométrier de l’époque, John Arnold, s’était fait une spécialité des boîtiers de chronomètres de forme octogonale. Cette proximité de dessin pourrait, même si la majorité des amateurs ignorent ce détail, créer des confusions de perception d’image. Quoi qu’il en soit, ce boîtier doté d’une importante couronne de remontoir originale, enferme et protège des agressions extérieures un calibre mécanique à remontage manuel intégralement conçu, pensé, développé et produit au sein de la Chronométrie Ferdinand Berthoud basée à Fleurier.

Un cœur à faire tourner les têtes

Avant même une analyse plus approfondie de quelques points de cette fascinante mécanique, il faut en connaître les chiffres. Le calibre baptisé FB-T.FC fait un diamètre total de 35,5 mm de diamètre pour 8 mm d’épaisseur. Il comprend 46 rubis et 1120 composants en tout dont 474 maillons d’acier et plus de 316 goupilles pour la seule chaîne du groupe chaîne-fusée (28 centimètres de longueur totale). Entièrement développé, conçu et fabriqué de façon autonome par la Chronométrie Ferdinand Berthoud à Fleurier, le calibre FB-T.FC arbore un tourbillon à seconde centrale, une architecture  contemporaine associant deux platines en maillechort et des pilastres en titane poli. Il possède un dispositif de régulation fusée-chaîne suspendu novateur mais inspiré des premiers développements de Lépine qui utilisait des barillets suspendus, et un système de réserve de marche doté d’un cône mobile (à noter que ce type de réserve de marche a déjà été utilisé chez George Daniels et Audemars Piguet), chacun faisant l’objet d’une demande de dépôts de brevets.

Chronomètre Ferdinand Berthoud FB 1 Chronomètre Ferdinand Berthoud FB 1 en or rose

Le paradigme de la chaîne-fusée

De l’avis de tous, la pièce au boîtier à la fois ultra-contemporain et décalé par rapport au traitement général du calibre réalisé de façon plutôt classique, est finalement d’un design conforme à la signature stylistique de Guy Bove. On remarque que le principe de construction a retenu des hublots étanches permettant d’avoir une vue sur un organe aussi beau que recherché par les amateurs, mais dont l’usage ne se justifie en rien dans le cadre d’une qualité chronométrique conforme aux valeurs du COSC: La Chaîne-fusée. On considèrera donc ce choix de l’installer dans ce calibre comme un rappel du passé chronométrique de Ferdinand Berthoud. En effet, les instruments de l’époque, dont les ressorts étaient de simples lames forgées, avaient le défaut de transmettre une force trop grande, une fois celles-ci remontées à fond sur la bonde, et d’avoir une puissance dégressive au fil des heures. Résultat: il était alors utile d’avoir un mécanisme intermédiaire destiné à corriger cette évolution de la puissance par le biais d’un axe conique agissant comme le fait une cassette de vélo de course. Et cela d’autant plus que les échappements d’antan, à repos à foliots ou à détentes, étaient particulièrement sensibles à la différence de force transmise par le barillet au balancier.

Dans le cas d’un échappement libre comme l’ancre suisse dérivée de celle de Thomas Mudge (XVIIIème siècle et contemporain de Ferdinand Berthoud), la force infinitésimale transférée au balancier par la roue d’échappement à chaque mouvement de translation de l’ancre, limite l’effet de couple que pourrait connaître la roue, celle-ci n’étant pas directement en contact avec l’organe final de régulation (problème que l’on peut rencontrer plus nettement dans l’échappement libre de type détente). Bref, on l’aura compris, cet organe dont la chaîne demande à elle seule 8 heures d’un patient montage, n’était pas d’une utilité majeure, pas plus que ne l’était le tourbillon dans le cadre d’une quête de la précision absolue. Mais, comme il semblait compliqué d’installer un échappement à détente, censé être trop fragile au porter, les horlogers ont pris l’option d’améliorer les réglages statiques de la montre en introduisant un tourbillon doté d’un balancier vibrant à 3 Hertz (21 600 alternances par heure).

Chronomètre Ferdinand Berthoud Le système de transmission fusée-chaîne du Chronomètre Ferdinand Berthoud FB 1

Le résultat est visuellement magnifique et le plaisir de l’œil complet d’autant que les finitions sont très soignées. On notera tout de même que si les roues sont très inspirées de celles que l’on trouve dans les instruments réalisés du vivant de Ferdinand Berthoud, il manque sans doute encore quelques détails qui établissaient sa signature, comme les grils permettant de garantir une correcte compensation thermique et les balanciers plus spécifiquement travaillés pour garantir une précision optimale.

Dans l’ensemble et pour un prix de vente estimé à 230 000 euros, les cent heureux propriétaires auront la chance d’avoir la première série de pièces contemporaines portant la signature d’un maître reconnu du XVIIIème siècle et des créations dont les qualités de fabrication, d’esthétiques et de réglages, n’ont rien à envier aux références les plus exclusives du marché actuel.  Ces montres s’adressent donc à des collectionneurs ayant le souhait de concevoir l’horlogerie d’aujourd’hui dans le cadre d’une tradition sous-tendue de cette modernité à même de garantir au métier d’aller toujours de l’avant.

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