Prix Gaïa: Günter Blümlein, la force du souvenir
Quinze ans déjà que ce grand capitaine de l’horlogerie nous a quittés. Lauréat du Prix Gaïa en 1996, une distinction dont Watchonista est le partenaire média, l’homme nous a laissé une trace indélébile… Portrait.
Aux premières lueurs d’octobre 2001, le 1er du mois, il décède à l’âge de 58 ans seulement. L’industrie horlogère haut de gamme vient de perdre l'un de ses personnages clefs, l’un de ses plus respectés grands patrons. Son souvenir demeure, celui d’un infatigable entrepreneur, animé d’une belle force de caractère. Quinze ans après sa disparition, sa trajectoire reste inspirante. Se pencher sur elle peut donner aux managers en herbe quelques salvatrices impulsions. Il y a tant à en apprendre…
Un visionnaire travailleur et humain
Sans lui, entendrait-on encore parler aujourd’hui de marques telles que IWC, Jaeger LeCoultre et ensuite A. Lange & Söhne? Pour beaucoup, son nom ne signifie plus grand chose.
Pour ceux qui s’intéressent à l’histoire récente de l’horlogerie, ceux qui par leur passion et leur collectionnite aigüe la font vivre et lui donnent écho, Günter Blumlein mérite de revivre au travers des lauriers d’une opulence patiemment construite, conquise avec labeur, dont les retombées positives n’ont pas fini d’arroser le présent.
L’horlogerie, ce visionnaire la comprit comme personne. Perspicace, doté d’une rigueur identique qu’il s’agisse d’en traquer les faiblesses ou d’en faire ressortir les points forts, Günter Blumlein savait se nourrir de ses embellies économiques comme en déjouer les zones obscures. Sans jamais perdre de vue les individus sans lesquels les grandes réalisations demeurent à l’état de concept, il savait cap garder, parce qu’il avançait de manière rationnelle. Certes, il savait s’imposer. Autant il se nourrissait de l’écoute d’autrui pour se forger sa propre opinion, autant il était capable d’assumer ses convictions jusqu’au bout et de se montrer intraitable. S’il le fallait, il pouvait aussi avec douceur, amener les autres à épouser ses vues, à adhérer au chemin prôné. Il présentait l’assurance du chef d’entreprise, il savait néanmoins faire preuve de discernement dans la constance de ses décisions.
Parce qu’il croyait en l’humain, Günter Blumlein ne se prenait pas pour un surhomme.
Il pouvait se montrer très accessible, partageant avec ses interlocuteurs un Cohiba ou un verre de grand Bordeaux, parfois les deux, tout en refaisant le monde et en philosophant de tout et de n’importe quoi. Souvent, en fond sonore, il y avait ce Keith Jarrett inspiré, s’amusant de son propre phrasé d’improvisateur dans l’album «Köln Concert.»
Günter Blümlein in his office in Schaffhausen
IWC pour commencer, puis le groupe Richemont
Dans les années 1980, les compagnies IWC et Jaeger LeCoultre se questionnaient sur leur devenir. Il s’agenouilla à leur chevet, d’abord comme consultant puis, dès 1982, comme directeur. Sous son ère, grâce à une série de montres bracelet au design innovant et aux finitions superbement réalisées, particulièrement fidèles à la tradition de sa manufacture, la Schaffhousoise IWC - International Watch Compagny - reprend très vite des couleurs. Le nouveau patron, qui a perçu le retour en force de l’horlogerie mécanique, joue pour elle la carte des complications. Lancer en 1985 le modèle Da Vinci, la première montre automatique dotée d’un calendrier perpétuel à prix abordable, apparaît après coup comme un trait de génie. Quant à la renaissance de la ligne Pilot, elle se charge du reste.
Tout en conservant son ancrage en Suisse alémanique horlogère, l’homme passera en 1986 aux commandes de Jaeger LeCoultre. Qu’il saura également revitaliser.
Jamais deux sans trois? A l’heure de la chute de Berlin, son oeuvre se voit parachevée par la résurrection de A. Lange & Söhne. Encore une vraie Manufacture, le mot s’impose. C’est en 1996 qu’il réalise son rêve, créant une puissante holding portant la raison sociale de LMH - Les Manufactures Horlogères. En résulte un montant de plusieurs milliards déboursé par le groupe Richemont pour l’acquisition des trois Manufactures, promises, grâce à la valeur ajoutée par Günter Blumlein, à devenir les formidables machines de guerre que l’on connaît aujourd’hui. Bluffé, le groupe repreneur lui confiera finalement l’ensemble de ses activités dans le haut de gamme du segment montres: IWC, Jaeger-LeCoultre, Lange, Baume & Mercier, Officine Panerai, Piaget et Vacheron Constantin.
Hélas, le destin ne lui a pas laissé le temps nécessaire au complet accomplissement de ses réalisations. Une insidieuse maladie s’est peu à peu immiscée dans son quotidien, prenant le contrôle de sa vie, le contraignant à multiplier les efforts pour garder la forme. Au plus fort de sa maladie pourtant, depuis son lit, ce grand Monsieur continuait de s’acquitter de ses missions. Travailler le maintenait en vie. Paix à son âme…
VISITEZ NOTRE PAGE SPECIALE