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Horlogerie des salons: Genève, devient capitale mondiale de l’horlogerie?

Bâle dépassée par Genève? Le SIHH 2018 vient de fermer ses portes, la question se pose. Car d’ici le mois de juin, entre 700 et 900 exposants horlogers tiendront également salon à Palexpo!

Par Joël A. Grandjean
Contributeur


Au commencement, il n’y avait qu’une seule date importante dans l’agenda horloger mondial, la Foire de Bâle devenue Baselworld. Pour la première fois depuis plus de 100 ans, l’horlogerie, marques et cotraitants confondus, se déplace à Genève. Nous sommes en 2018, année historique!

2017, cent ans d’horlogerie à Bâle

C’est patrimonial, la séculaire Foire de Bâle fut longtemps dans le paysage horloger le point culminant de l’actualité des nouveautés. Une Mecque dédiée aux enseignes horlogères, alors qu’elles n’étaient encore que des signatures d’horlogers, pas encore des marques. Un point vers lequel convergeait de toute forme d’acheteur, quelle que soit sa provenance sur la mappemonde. Cela remonte à cette époque où les paysans des montagnes, à la recherche de quelque activité manuelle pour tuer la durée trop longue de leurs hivers, bricolaient au cœur de leur ferme des petites merveilles micromécaniques dont ils comptaient bien tirer profit aux premières lueurs de la fonte des neiges. Que d’inventions, que de patience! Alors ils ‘descendaient’ de leur arc jurassien et des montagnes neuchâteloises, ils rejoignaient Bâle où se tenait une sorte de grand «Salon des Arts Ménagers».
 


Thierry Stern, l’actuel Président de Patek Philippe, m’avait confié se souvenir d’une image de son grand-père qui, en partance pour cette Foire de Bâle, retournait sur le toit de sa voiture une grande table qui lui servait à exposer ses créations. Vous l’avez bien lu, la «Foire de Bâle», avant d’être la Roll Royce de l’événementiel horloger mondial, avant que le stand de la Grande Maison Genevoise voisin de l’esplanade Rolex n’occupe trois étages d’un des espaces d’expositions les plus prisés au monde, était une manifestation pluridisciplinaire dans laquelle les paysans-horlogers se fondaient au milieu des ustensiles de cuisine ou des vendeurs de meubles. Puis ils se regroupèrent et devinrent, avec les bijoux, le poumon d’un secteur appelé à occuper la troisième marche du podium économique suisse.

Soudain, en 1991, naquit le SIHH

Au départ, cinq acteurs dissidents jugèrent plus respectueux de dérouler des tapis rouges et tendre des draperies, pour parler horlogerie. Entre professionnels et respect de clients connaisseurs. Un peu plus au calme qu’au milieu des manifestations parfois lourdingues d’un public lambda transformant samedis et dimanches en une marée humaine grouillante peuplée de vacarmes et d’enfants! Un trop plein d’odeurs de saucisses grillées sur fond de cervelas moutarde fit que ladite moutarde monta au nez de cette poignée de visionnaires, galvanisée par les ardeurs expansionnistes légitimes de ce qui est aujourd’hui le Groupe Richemont. Il y avait de la vision, celle d’Alain-Dominique Perrin, de Franco Cologni, de l’espoir aussi et, finalement pour le bien de tous, l’envie de sacraliser une branche qui méritait d’être traitée comme une star, une exception. Qui méritait de mettre les petits plats dans les grands pour recevoir au mieux ses clients mondiaux.
 

Manifestations parallèles

Comme toute comète en orbite, le SIHH s’est mué en force d’attraction. En son sillage, une queue de comète composée de marques éparses, tantôt grappillant leurs espaces d’exposition à l’offre hôtelière genevoise, jusque dans les chambres et les suites, tantôt se regroupant en diverses manifestations. Il y eut, bien avant l’actuel SIWP au Casino de Genève, les prémices d’un salon parallèle à La Praille, puis la mémorable Geneva Time Exhibition qui migra avec sa presque trentaine de marques vers l’Espace Hippomène.

L’envie de se démarquer étant la denrée la plus recherchée, l’actu se divisa donc en deux tendances, les actions individuelles et les démarches regroupées. Dans les rangs des premières, avant que le groupe LVMH ne débarque en force et que le Swatch Group n’anime son fief genevois de la Cité du Temps, il y eut l’incontournable soirée Rudis Sylva, qui se nichait dans le séculaire des murs du Château du Grand Saconnex, le détour obligé par la Manufacture F.-P. Journe, en Rive gauche ou ensuite, l’escale M.A.D. Gallery de Maximilian Busser, alias MB&F. Cette année, à relever, il y a les 1000 mètres d’exposition de Yvan Arpa arrachés à l’espace ‘clients privés’ de l’immense siège de l’UBS aux Acacias. 
 

Au rang des actions regroupées, le SIWP – le Swiss Independent Watchmaking Pavilion - acquiert une légitimité croissante due notamment à ses programmes de conférences et ses tables ouvertes. Due aussi à son internationalisation puisqu’il s’est exporté plusieurs fois dans des mégapoles chinoises ou en Asie. Il est l’œuvre d’Amarildo Pilo, fondateur de la marque éponyme, grand convaincu que l’union fait la force et que la complémentarité des positionnements est utile à l’équilibre global. Quant à ceux qui trouvent à redire - il y en a toujours - rappelons que le Casino de Genève, l’endroit où il se tient, c’est juste à deux pas du SIHH, qu’il n’y a là aucun problème de parking ou d’arrivée par les airs, et qu’un bodyguard physionomiste qui scanne votre passeport à l’entrée, c’est plutôt rassurant pour qui manie des valeurs et les laisse dormir au milieu de machines remplies d’argent.

Baselworld, hémorragies à répétition

La toute première saignée remonte aux années 2000. Déjà, alors que le groupe bâlois MCH, héritier côté en bourse de cet historique label événementiel tentait d’en retaper les infrastructures, la plupart des exposants sous-traitants, par définition proches des marques et de leurs pôles de production, a déserté Baselworld. Il faut dire que, ignorant étonnamment les sensibilités au sein de la branche, un peu comme si un garçon de salle tentait de délocaliser son chef cuisinier, la Direction de MCH, afin de proposer un peu plus de confort aux marques horlogères de Hong Kong, avait tenté de les déplacer temporairement à Zurich. Couac fatal, balle dans le pied! Peu à peu en 2002, ces acteurs horlogers de l’ombre se sont fait la malle à Lausanne d’abord, puis à Genève. De 93 exposants à sa première édition, le salon EPHJ-EPMT-SMT reste, tous secteurs confondus, la plus importante manifestation professionnelle annuelle suisse avec ses plus de 850 exposants.
 


2017 marque un autre coup dur pour BaselWorld. Les exposants font bloc pour en remettre en cause la durée, négociant avec les organisateurs l’annulation de deux jours «inutiles» au demeurant fort coûteux. Ils auront gain de cause. Revers de la médaille – ou décision commerciale stratégique assumée tant le prix de l’offre ne correspond plus à la demande? – l’hémorragie 2018 est évaluée entre 500 et 600 exposants. La moitié des exposants ne sera donc plus du voyage, les organisateurs désirant se concentrer sur les acteurs dits forts. Désintérêt, refus d’adapter des tarifs à la conjoncture? Dans le même temps MCH, par ailleurs propriétaire de Art Basel et du Comptoir Suisse, rachète 64% des parts de Masterpiece London, un événement pour collectionneurs d’art qui, malgré son nom, n’a rien d’horloger. Certains ressentent cette diversification comme un camouflet à la dimension culturelle et historique de l’horlogerie à Bâle, à ce capital hérité, précieux et juteux.

2018, tournant horlo-historique: Genève passe devant Bâle

Certes, d’incontournables soutiens à Baselworld continuent de peser lourd dans la balance: Rolex, Patek Philippe, les groupes LVMH et Swatch ne semblent pas prêts de s’éloigner des rives rhénanes… Toutefois, la Halle 1 restera-t-elle éternellement autant désirable si les autres Halles se vident peu à peu? Jusqu’à cette année, quand bien même les médias accordaient-ils autant d’importance à l’un comme à l’autre, il était peu professionnel de comparer Baselworld au SIHH. Jugez plutôt, plus d’un millier d’exposants versus une grosse vingtaine devenue plus que trentaine? 
 


Or, en mars 2018, 700 exposants sont attendus à Bâle - ils étaient 1300 en 2017 – face à 35 marques réunies dans un SIHH certes reboosté par l’ouverture en 2016 de son «Carré des Horlogers» – un îlot d’horlogerie indépendante – ainsi que par son ouverture de fin de semaine au public depuis 2017. Sauf que, si l’on ajoute en juin les presque 900 exposants de l’EPHJ-EPMT-SMT, une catégorie qui, à comparaison équitable, a toujours été incluse dans la comptabilité Baselworld, la date apparaît comme historique: pour la première fois après 100 ans de domination bâloise, Genève devient la capitale mondiale de l’horlogerie qui s’expose!

Nouveau salon en mai à Genève, les diamantaires

Coup de grâce? L’information est inédite: un nouveau salon de diamantaires ouvrira ses portes à Palexpo en mai 2018. L’ajout à Genève d’une centaine d’acteurs supplémentaires liés au secteur, des sociétés qui auraient dû continuer à nourrir les rangs bâlois. 2018, année historique!
 


Les marques historiques du SIHH (18)

A. Lange & Söhne, Audemars Piguet, Baume & Mercier, Cartier, Girard-Perregaux, Greubel Forsey, Hermès, IWC, Jaeger-LeCoultre, Montblanc, Panerai, Parmigiani Fleurier, Piaget, Richard Mille, Roger Dubuis, Ulysse Nardin, Vacheron Constantin, Van Cleef & Arpels

Les marques du SIHH au Carré des Horlogers (17)

Armin Strom, Christophe Claret, Chronométrie Ferdinand Berthoud, DeWitt, Élégante by F.P.Journe, Grönefeld, H. Moser & Cie, Hautlence, HYT, Kari Voutilainen, Laurent Ferrier, MB&F, Ressence, Romain Gauthier, RJ-Romain Jerome, Speake-Marin, Urwerk

Quelques individualistes (Hôtels et Espaces Publics)

Schwarz-Etienne, Hublot, Zenith, TAG Heuer, Bulgari

Les marques du SIWP (9)

Ludovic Ballouard, Greco Geneve, L. Kendall, Moya, Pilo & Co Geneve, Ollivier Savéo, David Van Heim, WatchE, Y. Monnet

Les absentes

Rolex, Tudor, Patek Philippe, Chopard Genève, etc…

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