Thomas Mercer 1926 Survey chronometer

La Légende de Thomas Mercer, grand chronométrier anglais, part 2

Parmi les pièces qui jalonnent la trajectoire inventive du chronométrier de marine Thomas Mercer, il y a ces icônes, toutes liées à des épisodes qui se confondent avec l’histoire de l’Angleterre. Destins mêlés…

Par Joel Grandjean
Rédacteur en Chef

A l’heure où la Grande Bretagne brillait de tous ses feux horlogers, pionnière qu’elle était en matière de précision horaire et de science chronométrique, quelques grandes figures laissaient leur empreinte sur les chemins de l’excellence, qu’elle soit d’obédience manuelle ou industrielle. Thomas Mercer, horloger, était l’une d’elle. Au travers de quelques créations iconiques  minutieusement répertoriées, on comprend l’infinité des territoires de création et de contemporanéité dont dispose la marque pour revivre dès l’aube du troisième millénaire.

Thomas Mercer 1880 Pocket Chronometer watch Thomas Mercer 1880 montre de poche chronomètre

Chronomètres de marine légendaires

A peine deux années après l’installation en 1860 de son premier atelier d’horloger à Clerkenwell au 161 Goswell Road, Thomas Mercer est autorisé à participer aux «Greenwich Trials», de rigoureux tests agréés par l’Amirauté et menés par l’Observatoire royal de Greenwich. La première pièce admise, qui obtient la onzième place, demeure mythique. Il s’agit de son horloge de marine 536. En son sillage, c’est la pièce 543, qui obtient la quatrième position  et se voit offrir, achetée par l’Amirauté, un parcours de légende à bord du célèbre navire HMS Swallow. Dès lors, sur les cadrans apparaît le sceau  «Maker to the Admiralty» - «Fabriquant agréé par l’Amirauté», une mention d’honneur qui ajoute en aura positive à la production de Thomas Mercer, concédée aux horlogers triés fournisseurs de la marine britannique. En 1881, grâce à une deuxième place obtenue dans ce concours, c’est au tour du chronomètre de marine N° 2696 de rejoindre la légende.

Thomas Mercer 1974 Greenwich marine chronometer Thomas Mercer 1974 Greenwich chronomètre de marine

En 1911, soit plus d’un quart de siècle avec sa première participation aux tests de Greenwich, Thomas Mercer renoue avec le concours après onze année d’absence. Sa pièce 8306 en lice, un très rare modèle huit jour, obtient la première place. Elle est acquise par Frank Dyson, l’Astronome de la Cour, à la demande de l’Observatoire royal de Greenwich. Cette pièce historique est rejointe trois années après, en 1914, par le chronomètre de Marine embarqué dans l’aventure initiée par Sir Ernest Shackleton. L’histoire de cette horloge qui permet à tout un équipage de survivre lors de la première exploration trans-antarctique, conforte la légende Thomas Mercer.

Dans l’histoire de la marque, deux pièces exceptionnelles, plus de 100 ans après l’installation comme horloger indépendant de Thomas Mercer, enracinent le mythe. Le plus exclusif étant le Observatory Marine Chronometer 8 jours fabriqué en 1980. Adapté dans sa conception pour être utilisé au sein d’un observatoire astronomique, il se distingue par son caisson à trois niveaux, en bois indien rare de Coromandel bordé d’ébène ainsi que par son cadran de type observatoire. Deux ans plus tard, en 1977, une série limitée de 25 Jubilee Marine Chronometer s’invite également sur le podium de l’aura Thomas Mercer. Célébrant le 25ème anniversaire du sacre de la Reine Elizabeth, les cabinets dessinés par l’Anglais Alan Peters, un designer de meubles reconnu de Cullompton, reçoivent une plaque circulaire en argent gravée de la mention «The Queen Silver Jubilee 1977», soit les noces d’argent de son règne.

Thomas Mercer 1926 Deck watch Thomas Mercer 1926 montre de pont

Dès le début, montres de poche et horloges de table

Loin de ne se focaliser que sur les chronomètres de marine avec en filigrane les enjeux nationaux qu’ils représentaient, Thomas Mercer s’illustre dès les années 1880 par une production soignée de montres de poche. Faut-il le rappeler, les montres ne lui sont pas inconnues puisqu’il fait son apprentissage chez son horloger de grand-père William Walker. Naturellement il s’exerce donc aux arts de la miniaturisation, de la conception de calibres ainsi que des finitions subtiles, à partir de diamants triés et d’or. Le savoir faire de Thomas Mercer s’exprime également dans la fabrication de plusieurs ‘deck watches’, des horloges utilisées en complément des chronomètres de marine. Ainsi, l’horloge marine reste a l’abri sous le pont pour éviter les dommages liés à son exposition aux éléments tandis que la ‘deck watch’ est portée par le marin sur le pont pour effectuer les observations astronomiques.

Thomas Mercer 1930 Hertfordshire chronometer Thomas Mercer 1930 chronomètre Hertfordshire

L’un des versants patrimoniaux de Thomas Mercer est également la fabrication d’horloges de table, portables ou murales, des objets de précision - des régulateurs - pouvant être contrôlés par les chronomètres de marine. Les historiens retiennent notamment un modèle fabriqué en 1885 pour l’Exposition Internationale des Inventions de Londres. Son mouvement à fusée et chaîne, est équipé d’un échappement à détente de type Earnshaw. Presque un quart de siècle plus tard, en 1930, soit huit ans après avoir fabriqué sa première horloger de cheminée, la marque lance la collection Hertfordshire dont les modèles cristallisent le mariage entre les savoir faire horlogers et les artisanats d’art. Ils resteront dans la collection jusque vers les années 1980.

Thomas Mercer 1980 Observatory Marine Chronometer Thomas Mercer 1980 Observatory Marine Chronometer

Thomas Mercer lié à l’aéronautique et à la… cartographie

Le nom de Thomas Mercer, si proche de l’univers marin, se voit également embarqué dans les airs. Qu’il s’agisse des dirigeables, qui ont tant le vent en poupe dans les années 1930, de l’armée de l’air britannique (la célèbre Royal Air Force), ou de l’avion personnel de Winston Churchill, la marque se remarque au travers de la précision de ses instruments de mesure du temps. Pour les dirigeables, le dispositif de contrôle s’appuie sur un brevet de Thomas Mercer qui permet à ces engins volants, au moyen d’impulsions électriques, d’être traçables par les avions, comme en témoigne le «700 Airship Chronometer» apparu en 1931.

Thomas Mercer 1931 The '700' airship chronometer Thomas Mercer 1931 chronomètre "The '700' airship"

Quant à la Royal Air Force, elle acquiert en 1937 un nombre limité d’horloges de bord mécaniques du nom de «Mark 1», toutes équipées d’un calibre 8-jours dont la bonne dose d’explications dans le manuel interne de l’armée de l’air contribue à attiser le désir des collectionneurs. Enfin, et puisqu’à la tête des armées se trouve une personnalité marquante de l’histoire contemporaine, l’horloge de bord proposée par Thomas Mercer pour équiper l’avion personnel de Winston Churchill, entre dans la légende en 1944.

A ce chapitre aéronautique s’ajoutent les instruments de mesure du temps au service de la cartographie et de la géométrie avec, en 1926, le dépôt d’un brevet ainsi que par la sortie du «Survey Chronometer» (voir la 1ère photo de l'article) qui est l’évolution d’un prototype réalisé en 1923 où, par l’adjonction d’un chronographe et d’un système de réception d’ondes radio, l’observation des étoiles en relation avec l’heure du méridien de Greenwich et l’heure locale, permet d’obtenir des mesures précises. Nous sommes à l’heure où s’affinent les cartes géographiques du monde, jusque dans leurs plus infimes détails.

Thomas Mercer 1980 Crystal Table Chronometer Thomas Mercer 1980 chronomètre Crystal Table

Des pièces oeuvres d’art

Parallèlement aux garde-temps liés à la fonctionnalité pure, de nombreuses réalisations Thomas Mercer s’immiscent aussi dans l’univers du luxe, de l’exclusivité et de l’audace de la création. Ainsi, en 1973 à la Foire de Bâle - aujourd’hui Baselworld - le mythe s’enrichit d’une collection de 30 exemplaires d’une horloge de table chronométrique 8 jours en argent poinçonné par Shackman de Watford, une véritable petite merveille d’intérieur, décorative autant qu’utile. Ce genre de créations, comme l’horloge d’intérieur «Prospect» présentée deux ans plus tard en hommage au centième anniversaire de l’établissement de St Albans, quitte le territoire du laiton horloger pour s’anoblir d’argent massif ou d’or. En effet, le nom ‘prospect’ célèbre la rue où la Power house – l’atelier – était basée. Moins connues, ces pièces, comme la Crystal Clock de 1980, participent pourtant à leur marnière, à l’ancrage de la signature Thomas Mercer dans le cercle très fermé des marques de légende…

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