History of the Geneva Seal (III): the renaissance (after 1990)

Histoire du Poinçon de Genève: la renaissance (depuis 1990) – 3ème partie

Le repositionnement de l’horlogerie suisse vers le luxe et la tradition fait renaître l’intérêt des fabricants genevois pour le Poinçon. L’engagement du groupe Richemont permet une véritable renaissance pour cette institution.

Par Pierre-Yves Donzé
Historien

En 1990, Patek Philippe était la seule entreprise à soumettre ses montres au Poinçon de Genève. Ces dernières représentaient plus de 98% du total des contrôles réalisés. Jusque-là (relire les partie 1 et 2 de ce dossier), avant que ne renaisse l’horlogerie mécanique, l’Institution fondée en 1886 n’avait pas connu le succès escompté.

Un nouvel essor

Le renouveau du Poinçon de Genève durant les années 1990 s’observe bien à la lecture des statistiques de contrôle des montres, avec une tendance générale à la hausse du nombre de certifications, qui passe de 7'004 en 1990 à un record absolu de 32'997 en 2001. La fondation Timelab, qui contrôle les montres et décerne les certifications depuis 2010, ne communique pas de chiffres postérieurs à 2002. Mais, selon ses déclarations à la presse, le volume des poinçons s’élevait toujours à environ 30'000 en 2009 et à 26'500 en 2011.
 


Dans le même temps, les critères d’obtention du poinçon, qui n’avaient pas changé depuis 1955, sont revus successivement en 2008 et 2012. Le règlement d’organisation de 2012 prévoit deux types de mesures:

- Tout d’abord, il s’agit de normes esthétiques et techniques relatives aux pièces du mouvement et à l’habillage (interdiction de l’usage de polymère, polissage des angles de la platine, tournage et fraisage de la boîte sans bavure, etc.).

- Ensuite, un certain nombre d’activités doivent être réalisées dans le canton de Genève: assemblage du mouvement, réglage et emboîtage.
 


Par ailleurs, seules les entreprises inscrites au registre du commerce du canton de Genève peuvent soumettre leurs montres. Ainsi, la production des pièces peut être réalisée à l’extérieur du canton, si tant est que leur assemblage ait lieu en son sein. C’est ce qui permet à certaines sociétés, comme Vacheron Constantin, de produire dans leurs usines de la Vallée de Joux, et de réaliser l’assemblage à Genève.

Le rôle de Patek Philippe

Toutefois, derrière cet apparent retour en force d’une institution visant à défendre l’excellence horlogère genevoise se cachent des enjeux importants en termes de repositionnement des entreprises sur le segment du luxe et de lutte grandissante entre groupes concurrents. La renaissance du Poinçon de Genève s’est réalisée en deux étapes.
 


Tout d’abord, jusqu’au milieu des années 1990, c’est essentiellement sur Patek Philippe que repose cette nouvelle croissance. La manufacture de la famille Stern, qui certifie alors la plupart de ses montres, bénéficie de la reprise de la demande mondiale pour l’horlogerie mécanique de luxe, et les effets s’en font sentir pour le Poinçon de Genève. Pour les années 1990-1996, Patek Philippe représente d’ailleurs 95.7% des poinçons, soit une proportion similaire à ce qu’elle était dans les années 1950 et 1985-1990.

La multiplication des entreprises partenaires

C’est au cours de la seconde moitié des années 1990 que le Poinçon entre dans une nouvelle phase de son existence, avec l’arrivée croissante de nouvelles entreprises. Il y a tout d’abord Vacheron Constantin, qui avait soumis des séries importantes de ses montres au poinçon durant les décennies précédentes, et qui renoue avec cette pratique au milieu des années 1990. Cette pratique s’inscrit dans le cadre de la stratégie de renforcement de sa position sur le marché de l’horlogerie de luxe et de tradition adoptée par son CEO Claude-Daniel Proellochs. Avec une moyenne de 6.5% des poinçons en 1997-2001, Vacheron Constantin est second derrière Patek Philippe (87%).
 

Mais surtout, il faut mentionner la participation de nouveaux-venus, qui ne disposent pas de tradition horlogère propre, mais à qui les critères du Poinçon permettent une reconnaissance importante. En 1996, on peut relever l’arrivée des sociétés Roger Dubuis et Chopard, avec plusieurs centaines de pièces par année jusqu’en 2001. Quant au designer Gérald Genta, il est également présent, plus sporadiquement il est vrai, depuis 1983, avec des volumes réduits (49 montres en moyenne en 1990-2001). Il faut aussi souligner l’obtention d’un poinçon en 2016 par la marque Louis Vuitton, qui n’avait lancé sa première montre qu’en 2002 et investit massivement dans la construction d’une nouvelle manufacture dans le canton de Genève après 2010.
 

L’alliance avec Richemont

Mais surtout, de manière générale, au début du 21e siècle, le Poinçon de Genève devient un allié important du groupe Richemont, pour lequel l’ancrage de ses marques dans la tradition et le territoire genevois est un objectif stratégique. En 2015, Roger Dubuis, rachetée par Richemont sept ans auparavant, affirmait certifier l’ensemble de sa production, tandis que Juan Carlos Torres, CEO de Vacheron Constantin, faisait part de son ambition de certifier l’ensemble de sa production du fameux Poinçon. Enfin, soulignons que la reprise de Roger Dubuis par Richemont aurait permis à Cartier de s’approvisionner en mouvements nécessaires à la certification de certaines de ses montres au célèbre poinçon.
 

C’est à n’en pas douter cette proximité croissante entre Richemont et le Poinçon de Genève qui amène Patek Philippe en 2009 à renoncer à poinçonner ses montres et à adopter ses propres critères de qualité, «allant plus loin que le Poinçon de Genève.»
 

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