GPHG Aurel bacs

GPHG 2014: interview d'Aurel Bacs, président du jury

A la veille de la cérémonie du 31 octobre 2014, cet expert horloger reconnu dans le domaine des ventes aux enchères raconte l’importance de la sélection pour les marques lauréates.  

Par Joel Grandjean
Rédacteur en Chef

Pour un collectionneur, en quoi un prix reçu au GPHG peut-il avoir une influence sur la valeur d’une montre?

Un collectionneur doit d’abord avoir ses propres critères d’achat en fonction de ses paramètres intellectuels ou émotionnels. Si la montre qu’il convoite a reçu une distinction importante comme un Grand Prix, c’est un peu comme une cerise sur le gâteau. Se dire qu’un jury de 25 experts issus de 15 pays différents a donné son «stamp of approval», c’est probablement rassurant. Je ne crois pas que quelqu’un achèterait en bloc les douze montres qui vont gagner un prix. Je ne connais pas de tel collectionneur. Je crois toutefois que pour un collectionneur en train d’acquérir une montre, de savoir qu’elle a eu l’approbation d’un jury, cela peut compter.

Qu’apporte une telle distinction à la marque dont le modèle est primé?

Une telle distinction est plus importante pour les marques que pour les collectionneurs, puisqu’il y a pas mal de marques en compétition et qu’au nombre d’entre elles, il y a des indépendants qui ont fait des investissements importants et qui n’ont pas encore forcément reçu un retour du marché. En effet, le règlement du Grand Prix indique que les montres en lice doivent avoir été présentées au cours des 12 derniers mois. Une telle distinction c’est donc un encouragement, cela leur indique qu’ils sont sur la bonne voie et que leurs investissements n’étaient pas vains. Pour les jeunes marques qui sont parfois encore en recherche d’investisseurs ou pour une grande dont le CEO cherche encore un budget de développement plus important au sein de son groupe, une telle distinction démontre soit pour eux-mêmes soit auprès de tiers, que ce qu’ils font est intelligent et a été retenu comme juste, comme étant d’une bonne qualité et d’un haut niveau de créativité. En cela une distinction au Grand Prix peut être de première importance.

En tant que président du GPHG, êtes-vous l’objet de pressions pendant l’année? Si oui, quels types de pressions?

Aucune pression, vraiment aucune. Heureusement. Je démissionnerais tout de suite si je sentais que quelque chose puisse s’apparenter à une pression. Evidemment, comme président, je suis plus sollicité par la presse pour des interviews, comme celle que nous faisons aujourd’hui, mais je n’ai jamais eu, même de manière détournée, une pression ou un appel désagréable. Au contraire, je dois dire bravo, je vis ma vie en pleine liberté et malgré le fait que je connaisse tous les CEO, que je connaisse tous les horlogers, ça se passe avec un énorme professionnalisme et un énorme respect vis-à-vis du jury.

Tout de même une sacrée pression sur votre agenda?

J’avoue que l’emploi du temps de président du jury dépasse parfois ce que l’on souhaite pour un travail bénévolat!

A l’intérieur du jury, existe-t-il de grandes différences de perception en fonction de la provenance géographique des membres ou de leur secteur d’activité?

Oui, il existe de réelles différences, ce qui est fascinant. Je rappelle que le jury cette année, avec 25 membres, est le plus grand jury depuis la création du Grand Prix. Il y a les différences géographiques mais aussi celles liées à l’âge. Le plus jeune a moins que 30 ans et le plus âgé atteint quasiment les 80 ans. Nous avons des femmes, des hommes. Et surtout aussi au niveau de leur métier: des horlogers, des concepteurs, des gemmologues, des historiens, des constructeurs, des journalistes, des spécialistes, des collectionneurs et… C’est évident, et surtout c’est voulu, que chacun veuille apporter son point de vue, sa position de niche du marché, son savoir et ses commentaires. Déjà l’année dernière, avec un jury si varié et si grand, on a pu énormément profiter de disposer de l’analyse d’un horloger, d’un commentaire d’historien, etc… Ces différences existent clairement et c’est un grand avantage pour le jury de pouvoir profiter de ce savoir.

Contrairement à d’autres distinctions, le règlement du GPHG implique que les candidats doivent présenter un dossier. Selon vous, que faudrait-il faire pour convaincre certaines grandes enseignes d’y participer, notamment des marques genevoises incontournables?

Dans ma vision, un Grand Prix idéal serait une cérémonie où vraiment toutes les marques genevoises, de la Vallée de Joux, et aussi allemandes ou anglaises, participeraient. Bien évidemment, je ne le cache pas, il y a quelques marques ou groupes qui me manquent. Je peux comprendre que soit au niveau du timing soit au niveau du déroulement ou du règlement, ça ne peut pas toujours plaire à tout le monde. A notre niveau, et surtout au niveau de la Fondation, nous faisons tous les efforts possibles pour nous adapter à la réalité, parce qu’aujourd’hui, en 2014, le marché de la montre est très différent de celui de 2001, lorsque le Grand Prix a été créé. Nous avons donc notamment adapté le règlement pour créer des catégories chronographe, tourbillon, calendrier etc… Bref, pour mieux répondre au marché, à la niche, à la production de toutes ces marques. Avec un jury international, on peut aussi éviter qu’une marque ne soit pénalisée par des opinions concentrées sur le marché européen ou asiatique par exemple. Notre travail, surtout celui de la Fondation, est d’améliorer chaque année les circonstances, la plateforme, pour que les marques soient rassurées sur le fait que le Grand Prix répond à leur culture, à leur production, à leur gamme et pour leur donner tout l’encouragement nécessaire d’y participer.

Quelle est la catégorie avec laquelle tu te sens le plus en phase ou le plus à l’aise?

Je dois dire qu’il n’y a pas une catégorie que j’aime plus ou moins, surtout moins, que les autres. On peut imaginer que j’aime les montres homme, bien sûr, les chronographes sport, les complications, mais souvent je pense à mon épouse quand je regarde les montres femme. J’aime vraiment toutes les catégories, même «La Petite Aiguille», parce que je trouve qu’il n’y aurait rien de pire si l’horlogerie un jour n’était plus abordable au plus grand nombre avec des montres à CHF 3’000 ou CHF 5’000. Certes, il y a des montres que j’adore, que je me mettrais volontiers au poignet. Ceci dit, il y a aussi des prix attribués, choisis par le jury, comme par exemple la catégorie «Revival» attribuée à la meilleure réinterprétation d’un modèle historique. Ça évidemment, avec mon background vintage, j’adore! Il n’y a pas un prix qui m’ennuie. Au contraire, je trouve que c’est encore plus intéressant cette année parce qu’on peut mieux comparer un chronographe avec un autre chronographe ou un tourbillon avec un autre tourbillon. J’espère que ça va aussi plaire au public et aux manufactures.

Quelle montre porterez-vous vendredi soir?

A l’heure de cette interview, je n’ai pas encore choisi. Côté esprit sportif du jury et des participants, toute montre est permise. Je ne pense pas avoir fait un choix particulier ces années précédentes au niveau de mon poignet pour la soirée de la remise des prix. Peut-être que le jury m’acceptera même si je me présentais avec une iWatch ou une smartwatch. Comme vous le savez, je porte souvent une de mes montres vintage.

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