Les QP: l’art de tout rapporter à la couronne
Comme toutes les mécaniques complexes d’antan, le Quantième Perpétuel, au même titre que les répétitions minutes ou les tourbillons, véhicule cette image de prestige horloger.
Sans jeu de mot, on peut aujourd’hui dire que les marques produisant des montres dotées de quantièmes perpétuels de haute volée ont comme ambition de mettre tout en œuvre pour ramener les réglages à la couronne. Précieuses et sophistiquées, elles n’en sont pas pour autant royalistes, mais efficaces avec pour objectif évident de contrer les modèles dotés de quantièmes annuels présentés comme plus souples d’emploi et plus faciles à régler. Tour d’horizon d’une offre appelée à s’enrichir.
Kurt Klaus ouvre la voie
Quand Kurt Klaus proposait en 1985 son module de quantième Perpétuel chez IWC pour le modèle Da Vinci (01), ce brillant ingénieur horloger entrait dans la légende, au point d’être considéré par ses pairs comme un héros au sein de la manufacture basée à Schaffhausen, en Suisse alémanique. Cet homme faisait rentrer l’univers des complications dans une nouvelle dimension en rendant sa réalisation plus aisée, toute proportion gardée. Rares étaient les horlogers capables de les réaliser.
La généralisation des outils informatiques, la multiplication des modèles et des bonnes idées, l’arrivée dans un milieu traditionnel d’ingénieurs et de techniciens mécaniciens, a grandement contribué à faire évoluer le métier ces trente dernières années. Kurt Klaus a ouvert la voie, d’autres ont suivi et aujourd’hui, ces quantièmes perpétuels in-réglables sinon par des maîtres es mécanique, sont en passe d’être relégués au rang d’antiquité ou mieux, réservés à des produits accessibles comme la Meisterstück Heritage Quantième Perpétuel présentée, cette année, par Montblanc.
Le retour des années bissextiles…
Chaque époque a ses «tocs» et ses modèles de référence. En 2014, les quantièmes perpétuels reviennent sur le devant de la scène avec un petit quelque chose de plus, en vue de concurrencer les Quantième Annuels qui, ces dernières années, ont occupé le devant de la scène.
Les amateurs voulaient de la facilité d’emploi, de la souplesse dans les réglages, la possibilité de laisser s’arrêter la montre sans nécessairement être horloger pour les remettre en ordre. Il y a peu encore, seuls s’offraient à eux des mécanismes simplifiés ne nécessitant pas une manipulation trop importante et dont l’invention (1996) revient à Patek Philippe, l’un des ténors du marché en la matière. Cette relégation dans les oubliettes des ateliers a dû titiller les jeunes développeurs qui se sont dit que s’ils trouvaient un moyen de redorer le blason de cette complication, leur avenir mais également leur notoriété était assurée.
C’est un fait, mais les temps ont changé et en dehors de Carole Forestier chez Cartier dont on connaît le nom, rares sont les brillants horlogers à sortir du lot… Qui, par exemple, chez Greubel Forsey est l’inventeur de l’original réglage du Quantième Perpétuel à Equation? Dans le même esprit, qui est à l’origine de la mise au point du fantastique mécanisme de réglage de la Perpetual Manufacture d’Ulysse Nardin éditée à 250 exemplaires par métal retenu (or rouge et platine) pour cette année? Bon, il est vrai que le plus important est le mode de fonctionnement et qu’il se perfectionne nettement.
On est loin des poussoirs dans tous les sens sur les carrures de boîte pour les réglages rapides et bien plus loin encore des ajustements ahurissants nécessaires d’être faits par la couronne pour atteindre la date fatidique…
Aujourd’hui, les informations lisibles au cadran des montres à Quantièmes Perpétuels se règlent, pour les plus sophistiquées, par la couronne de remontoir et dans les deux sens. D’un certain point de vue, des versions moins sophistiquées comme celle proposée par Montblanc peuvent se permettre d’être à un prix jugé très raisonnable. Logique, puisqu’il n’a rien de particulièrement innovant et que chaque chose subit une décote proportionnelle à l’invention qui lui succède.
The coming of age of perpetual calendars
Actuellement, un Quantième Perpétuel comme la merveilleuse Richard Lange (04a et 04b) proposée par la manufacture saxonne peut encore se permettre de présenter un calendrier perpétuel réglable par poussoir car elle se pare d’un indicateur orbital des phases de lune. C’est joli et cela fait oublier l’essentiel. Mais cela ne durera pas et Jaeger-LeCoultre sera sans doute très rapidement obligée de trouver une solution pour supprimer le poussoir de réglage du Quantième Perpétuel de la Master Grande Tradition Tourbillon Cylindrique à Quantième Perpétuel (or rose).
Aujourd’hui, on lui pardonne car elle possède un tourbillon cylindrique hors du commun qui fait oublier le bouton sur le flanc de carrure. Il en va de même avec la Rotonde de Cartier Astrocalendaire (06a, 06b) qui, magnifique à regarder et aisée à régler n’en demeure pas moins pourvue d’un poussoir pour le réglage rapide de l’une des informations calendaires (le jour). Mais cette acné horlogère est appelée à disparaître dans les garde-temps de cette qualité…
L’adolescence est passée, les puristes deviennent exigeants et l’horlogerie profite de cette volonté d’aller toujours plus avant en matière de technique pour se dépasser mécaniquement, à défaut de pouvoir vraiment améliorer la précision de ces instruments horlogers d’une rare complexité.