La Supercomplication Henry Graves: une montre unique en son genre

Fils de Henry Graves (1838-1906), courtier proéminant, membre du New York Stock Exchange dès 1867 et un citoyen reconnu de la ville d'Orange en Californie, Henry Graves Jr (1868-1953) travaillait dans le secteur bancaire et ferroviaire. Il commanda cette montre dans le cadre de la compétition amicale qu'il entretenait avec James Ward Packard, un collectionneur tout aussi fervent de montres Patek Philippe. L'objet était tout simplement d'acquérir la montre ayant le plus de complications. Pour y honorer cette commande, Patek Philippe tria sur le volet parmi ses horlogers les plus talentueux et leur donna l’unique opportunité d’apporter leur savoir-faire à la montre.

Par ailleurs, la marque engagea aussi les meilleurs horlogers de la Vallée de Joux qui avaient développé leur savoir-faire en mettant au point les meilleures complications et le mécanisme le plus plat.

A partir de 1878, ils avaient contribué à la fabrication de la plupart des montres de hautes complications telle que l'exquise montre à gousset d’Ami Lecoultre et de Louis Elysée Piguet, aujourd’hui préservée avec soin à la Chaux-de-Fonds.

La Patek Philippe Henry Graves

Produit trois décennies plus tard, la montre Graves a longtemps été considérée comme la plus compliquée des montres. En effet, comparée à la Leroy 01 (Musée du Temps à Besançon, France), qui comprenait 25 complications au total, elle en avait moins avec 22. Mais ce total remarquable de 22 complications étaient toutes dédiées à la mesure du temps tandis que seulement 20 des complications de la Leroy avaient cette fonction.

On peut imaginer qu’il a fallu un certain temps pour commencer à fabriquer la montre. En parcourant les lettres que le petit-fils de Victorin Piguet adressait à Patek Philippe, on se rend compte que la fabrication de la montre s’est bien passée et que les horlogers n’ont pas eu besoin d’effectuer d’importantes reconstructions de mécanismes entiers. On peut probablement attribuer ceci à une planification méticuleuse des spécifications techniques, englobant les aspects astronomiques, mathématiques et les calculs techniques. À en croire les mémoires, le réglage du temps était le souci principal. En effet, les horlogers devaient réussir à régler le temps sidéral, solaire et les aiguilles du réveil via la même couronne.

Au même moment, Vacheron & Constantin a aussi décidé d’entreprendre la fabrication d’une montre à gousset de haute complication et engage les services des horlogers de la Vallée de Joux pour le développement des mécanismes compliqués. La montre trouve sa place royale plus tard quand elle est présentée à Sa Majesté le Roi Farouk d’Egypte.

Le calendrier perpetuel de la Henry Graves est réglé jusqu'en 2100

La montre « Graves » comprend un total impressionnant de 110 roues, 50 ponts, 430 vis, 120 composants de mécanisme, 70 joyaux, 2 cadrans et 19 aiguilles. Le poids du boîtier en or est de 415 grammes. J’aurais ici voulu entamer une exploration minutieuse de ces 22 complications mais je vais me contenter d’en explorer qu'une pour le moment.

On retrouve la fonction du réveil uniquement à travers une aiguille feuille en or au centre. Fabriqués dans une qualité remarquable, emblématique de la longue tradition de Genève, trois marteaux frappent sur des timbres et vous réveillent avec une sonnerie claire et nette. Par opposition à bon nombre de montres réveil frappant directement le boîtier, ce qui entraîne une qualité de son inférieure. Toutefois, la montre « Union » (créée en 1899 et préservée dans une collection privée à Londres), est équipée d’un réveil sur un sous-cadran qui peut être réglée à la minute et qui frappe deux marteaux.

Mais en termes de complications, la montre « Graves » surpasse la « Union » qui est dotée de la somptueuse seconde morte. La « Graves » est équipée du temps sidéral et de plusieurs autres complications qui ne se trouvent pas dans la « Union ».

Patek Philippe Henry Graves Supercomplication cadran avec temps sidéral

Fait intéressant: une autre montre toute aussi unique, fabriquée pour M. Packard, numérotée 198’014 et livrée le 8 mars 1927, disposait aussi de la combinaison réveil-répétition minute. Jouant un air du drame lyrique Jocelyne de Benjamin Godard, un des plus beaux claviers est caché sous le couvercle du fond.

La montre fut vendue à CHF 8'300, comparer aux CHF 60'000 de la « Graves Supercomplication » qui bat les records. Il y a de fortes chances que l’histoire se répète aujourd’hui et que cette montre établisse une nouvelle référence de prix pour l’excellence. Ce qui prouvera, encore une fois, que ce garde temps n’entre pas en compétition avec d’autres.

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