Dewitt manufacture craftsman on movement

Manufacture DeWitt, impérieuse indépendance

En zone industrielle meyrinoise, bravant les aléas d’un secteur dominé par les groupes, une manufacture secrète rayonne discrètement de ses savoir-faire.

Par Joel Grandjean
Rédacteur en Chef

Côté perception, la marque DeWitt mérite que de temps à autre, un journaliste franchisse les portes de son incroyable bâtiment aux espaces généreux, disposant d’un atrium géant et lumineux où l’on verrait bien se dérouler quelque spectacle grandiose. Avec, à tous les étages, des grappes de public surplombant un show fait d’allées et venues entre des ateliers qui communiquent, qui favorisent les échanges. Dans cet antre horloger, la science des complications et les fondamentaux de la chronométrie côtoient des savoir-faire qui véhiculent et perpétuent des gestes d’excellence, souvent manuels. La main de l’homme, son esprit, sont à l’origine de la démarche de Jérôme de Witt en matière de production limitée de garde-temps précieux. (lire l’univers de Jérôme de Witt)

Inspection d'un cadran destiné à une Dewitt Glorious Knight Inspection d'un cadran destiné à une Dewitt Glorious Knight

Par un raccourci communicationnel coupable, il arrive qu’on ne retienne de cette marque, que la dimension impériale dont elle se réclame d’ailleurs sans honte quant il s’agit de qualifier entre autres les designs de ses boîtiers caractéristiques.

Certes, son fondateur vient d’une lignée qui le rattache à l’histoire de France napoléonienne,  toutefois, c’est injustement réducteur. Car au monde des manufactures intégrées, comprenez celles qui s’évertuent à rappatrier à l’interne un maximum d’opérations et de procédés de production, DeWitt est loin d’être en reste.

 impression de cadrans Manufacture Dewitt: impression de cadrans

La crème des cadranniers, métiers en voie de raréfaction

Mieux, elle est peut-être la seule à disposer, dans un tel degré de qualité et de compétence, d’un atelier et d’un groupe de professionnels entièrement dédiés à la création, à l’usinage et à la fabrication de cadrans. Les cadranniers maison maîtrisent leur sujet. Ils proviennent des meilleures enseignes de la sous-traitance, ils sont capables de concevoir et de produire des cadrans forts de plus de 45  composants, des aiguilles, des minuscules chiffres rivetés, des index. Judicieusement, ils savent user de tous les systèmes d’attache, de collage, de fixation. Ainsi peuvent naître, sous les doigts de ces artistes et à partir des pièces usinées à l’interne, des cadrans d’une extrême complexité, tant à fabriquer qu’à monter, disposant d’une multiplicité de reliefs et de niveaux, de réhauts à répétitions.

 pont en or Manufacture Dewitt: pont en or

Au cours de la visite, on fait connaissance avec d’autres métiers parfois aussi en voie de raréfaction, tant ils échappent aux cursus de la transmission des savoirs, tant ils réclament d’être pratiqués et transmis de la main à la main.

Les sertisseurs, dont la connaissance de la matière et des pierres permet d’appréhender, cela s’appelle l’expérience, jusqu’à la surface récalcitrante. Puis il y a ces métiers du polissage qui, pour produire le poli et la brillance, le mat ou le satiné, à partir d’un savant dosage de pâtes aux consistances et aux fonctions multiples, salissent leurs doigts agiles. C’est toujours en définitive le coup de main, celui qui ne s’apprend qu’au fil d’une pratique soutenue, qui fait la différence. Il en va de même, avec les guillocheurs, appelés à magnifier les surfaces arrachées à la suprématie de la fonctionnalité, celles qu’on ne voit pas toujours puisqu’elles se juxtaposent au cœur des calibres.  De tous temps, au monde de l’horlogerie traditionnelle suisse, l’esthétique n’a pas été réservée qu’aux parties visibles de la montre, mais aussi à ses tripes, à ses intérieurs les plus enfouis. Quoiqu’il en soit, la décoration même la plus uniforme et régulière se voudra toujours humaine puisqu’elle porte en ses expressions la signature unique de l’artisan.

 machine à guilloché Manufacture Dewitt: machine à guilloché

Enfin, le passage par l’unité de galvanoplastie, avec sa kyrielle de bains et de bacs, sa diversité de produits chimiques et de mixtures propices aux dépots par électrolyse et aux traitements de surface chimico-matériels, rappelle qu’une des dimensions magiciennes de l’horlogerie s’apparente parfois aux mystères fascinants de l’alchimie. Un monde saupoudré d’atomes maîtrisés où les couleurs sont reines.

De l’hyper complication au calibre maison 3 aiguilles

Au fil de ce parcours initiatique, l’atelier des complications DeWitt apprivoise et tutoie les réalisations les plus significatives. Le tourbillon, la répétition minutes, le quantième perpétuel. Mais aussi pourquoi pas, le simple chronographe ou alors la dernière folie géniale suggérée par Jérôme de Witt, l’âme du lieu. Un être qui, vierge d’une obligation de servir un passé horloger lourd en contraintes, s’égare et s’aventure sans complexe vers des solutions mécaniciennes que son avide curiosité lui suggère. Des solutions out of the box qui s’ébrouent de tout carcan, qui s’appuient sur un sens aigü de l’observation. Ses folies sont d’ailleurs souvent réalisables et, après quelques années  d’un  fonctionnement sous contrôle, parviennent à un degré pointu de fiabilisation. Comme cette Twenty-8-Eight Regulator A.S.W. qui est bien plus qu’une talking piece.

Une Dewitt WX-1 dans les mains d'un artisan Une Dewitt WX-1 dans les mains d'un artisan

C’est également en ces murs micro-mécaniques où se pratiquent tant les emboîtages que les anglages et les décors tels que les Côtes de Genève, qu’est né le dernier calibre maison trois aiguilles.

Un moteur simple dans sa sophistication, efficace, un condensé d’horlogerie mécanique qui fleure bon l’indépendance raffermie en matière d’approvisionnement de mouvements.

Mouvement de la Dewitt Glorious Knight Mouvement de la Dewitt Glorious Knight

Innovation nourrie de respect du passé

A Meyrin, au sein de cette manufacture indépendante, guidé par un maître des lieux accessible et enclin à l’échange spontané avec ses collaborateurs, on acquiert des certitudes. A commencer par celle qu’ici, le savoir-faire est, comme ceux qui le détiennent, à l’honneur. D’ailleurs, le degré de fidélité du personnel en témoigne. Il est une autre conviction qui émerge clairement, ne serait-ce qu’en parcourant le couloir qui relie la réception aux espaces dédiés au labeur. Ce passage a été transformé en galerie muséale, mariant l’hommage fait à des machines anciennes, toutes en état de marche, aux derniers modèles des collections DeWitt. A l’image de notre hôte qui, tout en respectant le passé si riche d’une horlogerie séculaire, a su offrir à ses chercheurs et ses développeurs, quelque idée innovante à solutionner. D’ailleurs, au milieu des machines numériques dernier cri, au cœur des développements assistés par ordinateur, il n’est pas rare d’apercevoir une ancienne machine dont les cames et les rouages rendent encore bien plus que de précieux services.

Cadran de la Dewitt Glorious Knight Cadran de la Dewitt Glorious Knight

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L'univers de Jérôme de Witt

Par Joel GrandjeanRédacteur en Chef
Sa vie s’articule autour de trois passions. La musique, les mathématiques, la mécanique. Fondateur de la marque horlogère é...