Jérôme de Witt

L'univers de Jérôme de Witt

Sa vie s’articule autour de trois passions. La musique, les mathématiques, la mécanique. Fondateur de la marque horlogère éponyme, le comte de Witt se livre en totale cohérence.

Par Joel Grandjean
Rédacteur en Chef

À la manière de trois colonnes maîtresses, les mêmes que celles qui caractérisent l’esthétique particulière de ses boîtiers de montres, la trinité de passions de Jérôme de Witt soutient la démarche particulière d’un créateur atypique, légitime descendant de Napoléon : mathématiques, musiques et mécanique. Trois disciplines très liées puisqu’en définitive, ce sont toujours des colonnes de chiffres ou de notes, des alignements de valeurs dont la position varie selon que les chiffres ou les symboles se trouvent à l’intérieur d’une ligne, d’un cercle, ou à l’extérieur. Ajouter ici, retenir là, soustraire enfin ou multiplier pour parvenir à un résultat. Au final, toujours, cette multitude de calculs, passionnants qui tendent rigoureusement vers la logique du beau. D’ailleurs, le beau existe-t-il? Est-il si objectivement reconnaissable, quel que soit le milieu duquel l’on vienne?

Jérôme de Witt Jérôme de Witt, un créateur atypique

Noble héritage

S’il ne se vante pas de sa noble ascendance, il ne se prive pas d’assumer. Oui, il descend d’une lignée qui a marqué l’Histoire de France et d’Europe.

Oui, il sait d’où il vient, il sait aussi ce que son titre signifie en termes de responsabilités. «A l’époque, un empereur défendait l’image de son pays au moyen de la beauté, elle était synonyme de puissance», lâche-t-il. Car l’image projettée avait son importance, pour marquer les esprits, car c’est aux puissants qu’étaient réservées les plus belles réalisations et les plus impressionnantes œuvres.

Alors, lorsqu’on est baigné dès le plus jeune âge dans un tel héritage, il apparaît normal de le perpétuer. «J’aime la beauté, elle est mon éducation. La plupart des objets de mon héritage provient du passé et j’ai la chance d’avoir hérité d’éléments placés sous le signe de l’exclusivement beau.» Une sorte de valeur universelle dont le luxe aimerait bien s’inspirer et se réclamer puisqu’il pourrait ainsi compter sur l’excellence reconnue, le savoir-faire, la justesse d’exécution. «On a perdu une grande partie du luxe du passé, le monde moderne efface la culture traditionnelle… Or il faut combattre pour garder cette connaissance, pour que les transferts de connaissance puissent avoir lieu.»

A clock with foliot escapement Horloge avec échapement à foliot du musée Dewitt

Se dépasser coûte que coûte

En horlogerie, il en va de même.  Sauf qu’il y a dans ce secteur une satanée dichotomie. D’un côté on fait tout pour préserver un savoir qui se défend au nom de ce qui s’est toujours fait et qui a finalement porté ses fruits, de l’autre on caresse l’idée qu’il est possible d’aller plus loin.

Et Jérôme de Witt de citer l’exemple des logiciels de création dont la quasi standardisation pourrait bien être à l’origine d’une pauvreté bientôt générale : «Nous travaillons tous avec les même bases de données, les mêmes sécurités» ose-t-il. Comment faire pour bousculer les normes puisque l’ensemble des acteurs créatifs du domaine s’exprime à partir des mêmes outils?  Sa réponse sera ce bureau de développement, créé au cœur de la Manufacture à Meyrin, autour duquel gravite, à l’extérieur également, l’élite suisse et mondiale de la création.

Jérôme de Witt Jérôme de Witt est passioné par la mécanique

Un département qui n’hésite pas à confronter ses membres aux esprits éclairés d’ailleurs, afin que leurs talents puissent ne pas être étouffés, qu’ils puissent leur être confrontés. «C’est grâce à ce dépassement, à cette confrontation à d’autres créativités, que nos talents peuvent évoluer…» explique-t-il. Et de donner l’exemple de cette prise de conscience, dans le cas de la complication du Tourbillon, de l’importance de la quête vers la force constante plutôt que celle qui ne vise que la performance chronométrique. Au nom de l’ultime précision, a-t-on le droit de tolérer une différence d’énergie dans le fonctionnement de la montre?

Passions mécaniques

A 8 ans, dans la propriété agricole qu’il habitait, le jeune Jérôme de bonne famille aimait observer et se poser des questions. C’est au son inhabituel d’une machine à vapeur qu’il remarque que la technique a fait un bon en avant. Plus de casse, en tous cas beaucoup moins, grâce à l’installation de deux énormes balanciers, au lieu d’un seul, qui permettaient de mieux répartir les forces sollicitées, de les rendre moins sujettes au toussottement et à l’arrêt forcé souvent synonyme de casse. L’oreille qui repère, les yeux qui détaillent, qui vérifient, qui comprennent.


Dewitt WX-1 Dewitt WX-1, montre concept

C’est ce genre de démarche qui l’anime aujourd’hui et lui permet de déposer, régulièrement, quelque brevet horloger. Non pas qu’il soit horloger lui-même pour en découdre avec des paramètres micromécaniques auxquels les doigts d’or se confrontent régulièrement, mais sa vision out of the box lui permet souvent de s’offrir une incursion censée au sein d’une science chronométrique qui se nourrit volontiers, lorsqu’elle s’ouvre au dialogue, à la vision nouvelle, à l’idée qui tire vers le haut. Comme en témoigne sa singulière WX-1, cette sorte de mini-machine transformée en indicateur horaire rétractable. Bien au-delà d’une talking piece, cet engin horloger en parfait état de précision, illustre à merveille l’aptitude de Jérôme de Witt à transgresser les codes et les frontières.
 

Jérôme de Witt adore la mécanique, souvent aussi la grande mécanique. Le long tunnel qui mène aux ateliers et aux étages de la manufacture, après le passage obligé à la réception, est truffé de machines séculaires. Elles sont toutes entretenues et en état de fonctionnement.

Dewitt museum Le musée Dewitt dans les locaux de la compagnie

Elles accueillent le visiteur ou le fournisseur à Meyrin, elles sont l’expression muséale d’un esprit collectionneur devenu inventeur et concepteur. Et pour ceux qui auraient l’insigne honneur d’être conviés à son domicile, Jérôme de Witt réserve un espace parsemé d’objets hérités ou plus récemment acquis. Un espace dont les reliefs historiques et culturels inclinent à la compréhension de son univers. Et permettent d’appréhender l’insatiable curiosité d’un patron horloger indépendant, toujours debout, serein face à son passé, incroyablement ouvert sur les avancées technologiques. Ainsi sont ses garde-temps. A la fois aussi rassurants et posés que des colonnes impériales, aussi innovants que des joujous pour esthétes épris d’ingéniosité.

Profile turning tool Machine à décolleter du musée Dewitt

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