L’affrontement horloger se livre désormais dans la rue!
Talent marketing, cohérence de concept et maîtrise technique sont-ils suffisants pour qu’une marque survive aujourd’hui? Rien n’est moins sûr car sur le terrain du client final, la guerre des emplacements bat son plein.
Faut-il être le concepteur ou l’horloger le plus doué pour faire de sa propre marque un grand succès? Cela semble évident puisque la création d’un garde temps, surtout s’il possède des complications, est un geste éminemment technique. De nos jours, si l’on examine le terrain concurrentiel des maisons horlogères, on s’aperçoit que le vrai combat s’est déplacé dans la rue!
L’enjeu des marchés et des points de vente
Aujourd’hui donc les marques d’horlogerie se font beaucoup moins la guerre sur le plan technique. En effet, avec le développement des outils de recherche et de production, les avancées techniques sont innombrables. C’est tant mieux car cela prouve que la soif d’inventer existe toujours dans le monde de la mesure du temps. C’est ainsi que de très nombreuses maisons horlogères ont prouvé qu’elles avaient un savoir faire qui leur permet de tenir leur rang dans la constellation technique.
Mieux même, des noms prestigieux de la joaillerie, donc sans un long passé horloger, ont démontré qu’ils pouvaient continuer à exister au plus haut de la hiérarchie des pierres précieuses tout en acquérant une maîtrise horlogère de premier plan.
Désormais, la bataille se livre dans les marchés à travers les points de vente. Les horlogers ont compris que la plus belle des montres ne se vendait pas si elle n’était pas soutenue par une campagne d’information et à disposition des intéressés à travers les magasins. Que ce soit dans des pays éduqués à l’horlogerie ou dans des contrées qui découvrent les montres, il est indispensable d’être présent dans les meilleurs endroits, dans les villes les plus importantes, dans les rues les plus commerçantes, dans les bâtiments les plus prestigieux. Les groupes horlogers, qui sont désormais organisés comme de véritables machines de guerre, ont les moyens de leur politique. Soit ils ouvrent des boutiques mono marques, soit ils trouvent des partenaires de prestige. Et, à l’instar du Swatch Group, s’ils ont, dans leur catalogue, des garde-temps de tous les prix, passant de Swatch à Breguet ou Harry Winston, ils créent toute une série d’autres boutiques, plus ou moins luxueuses selon le type de montres qui y sont vendues.
Les reins solides sur le plan financier
C’est un moyen fort habile de conquérir les marchés et d’y réaliser de superbes affaires, surtout si le ratio qualité-prix est juste. Mais comme toute médaille, celle-ci a son revers. Cette politique coûte très cher. Non seulement le groupe doit trouver des locaux aux meilleurs endroits et ces endroits sont, comme par hasard les plus cher, mais il doit aussi se muer en banquier. Oui vous avez bien lu. En effet, si vous imaginez qu’une marque d’horlogerie fabrique une montre et qu’elle la livre à un distributeur, lequel la vend ensuite à un détaillant, la marque, quand la montre quitte ses murs, a dégagé sa responsabilité financière car la montre est vendue au distributeur. Elle a donc encaissé immédiatement le fruit de son travail.
Il en va tout autrement lorsque la maison horlogère envoie la montre à une filiale, laquelle la distribue ensuite dans des boutiques lui appartenant. Et qui dit boutique de marque dit aussi esprit de la marque, couleurs, collections complètes des garde-temps.En d’autres termes, les boutiques mono marque doivent posséder un stock extrêmement large de montres afin de pouvoir répondre aux demandes des clients.
Et c’est seulement quand le client sort du magasin avec un montre au poignet que la société horlogère aura gagné de l’argent, mais pas avant.
Pour pouvoir s’offrir cette politique, il faut donc avoir les reins extrêmement solides. Si les groupes peuvent mener cette politique, cela devient très difficile pour les indépendants, même les plus prestigieux et je me demande si, à l’horizon 2025, il existera encore des marques de montres totalement indépendantes telles qu’on les connaît aujourd’hui?
Merci à Salva Magaz pour l'image de couverture. Plus d'info : www.magaz.com