Nouveau rôle des distributeurs indépendants en Asie: The Hour Glass
Traditionnellement, la vente de montres se réalisait par l’intermédiaire de distributeurs indépendants. Ces derniers ont dû adapter leur stratégie. Excellent exemple de ce processus, The Hour Glass (THG).
Depuis 2000, l’ouverture de boutiques de marque et la verticalisation de la distribution sont devenus des enjeux majeurs de l’extension des marchés pour les horlogers suisses, en particulier en Asie. Ce qui a contraint les distributeurs indépendants à adapter leur stratégie. Comme en témoigne l’évolution de la société The Hour Glass (THG), dont le siège est à Singapour. Fondée en 1979 par Henry Tay et Jannie Chan, elle a connu jusqu’à nos jours une évolution en trois grandes phases.
Extension des marchés et diversification
La première période de développement de THG porte de l’ouverture d’un magasin multi-marques à Singapour, en 1979, au déclenchement de la crise asiatique de 1997. THG est notamment agent de Rolex à Singapour. Cette phase est marquée par une volonté de baser la croissance de l’entreprise sur une expansion géographique des marchés et une diversification des activités.
Au cours des années 1980, THG ouvre de nouvelles boutiques en ville de Singapour, puis au cours de la décennie suivante, ailleurs en Asie du Sud-Est (Indonésie en 1991, Thaïlande en 1996) et en Australie. Ainsi, en 1994, THG possède un total de 20 points de vente, dont 11 à Singapour. Ces magasins proposent une large variété de marques de montres de luxe. Cette volonté d’extension géographique mène THG à racheter deux entreprises horlogères suisses, Daniel Roth (1994) et Gérald Genta (1996). L’un des principaux objectifs de ces reprises est de prendre contrôle de leur réseau de vente en-dehors d’Asie et de s’établir comme l’un des principaux détaillants de montres à l’échelle globale.
Par ailleurs, en 1990, THG se lance dans la distribution de montres en Asie du Sud-Est, alors qu’elle était spécialisée jusque-là dans la seule vente dans ses propres boutiques. Elle obtient par exemple la distribution exclusive dans la région de montres Christian Dior et Burberry.
Enfin, parallèlement à ses activités dans le monde horloger, THG investit dans la gastronomie italienne à Singapour (1989, activité cédée en 1995), avec ainsi que la vente de parfums aux Etats-Unis (1990) et de bijouterie en Asie (1990). L’ambition de l’entreprise est de s’imposer comme une société diversifiée dans l’industrie du luxe.
Michael Tay, Group Managing Director of the Hour Glass
Restructurations
La stratégie d’extension et de diversification permet à THG de connaître une formidable croissance, avec un chiffre d’affaires qui est quasiment multiplié par dix entre 1985 et 1996. Toutefois, la société est durement touchée par la crise asiatique de 1997-1999. Son chiffre d’affaires chute de 434 millions de dollars de Singapour (S$) en 1996 à 256 millions S$ en 2003, tandis que la profitabilité chute.
Ces difficultés mènent THG à entreprendre une restructuration et un repositionnement vers son métier de base. En 1999, elle cède sa filiale de distribution aux Etats-Unis et vend à Bulgari les deux entreprises suisses Daniel Roth et Gérald Genta. Deux ans plus tard, THG se retire de la vente de parfums. Elle ferme également les boutiques horlogères déficitaires.
Retour vers le métier de base, deux types de nouveaux services
Depuis 2003, THG se concentre sur son métier de base: détaillant horloger en Asie. Elle offre deux types de nouveaux services aux fabricants suisses de montres. Le premier est la gestion de boutiques mono-marques, essentiellement pour des entreprises qui n’appartiennent pas aux grands groupes, comme Chopard, Parmigiani, Patek Philippe, et Ulysse Nardin. Pour ces sociétés, qui n’ont pas verticalisé leur distribution, accéder aux espaces de vente devient un enjeu de plus en plus important. THG leur fournit des boutiques mono-marques, bien qu’elles n’en aient pas la propriété.
The Hour Glass, Board of Directors
Soulignons aussi que THG travaille à l’occasion pour des marques des grands groupes, mais les relations avec ces dernières sont instables. Par exemple, en 2011, THG a perdu le contrat qu’elle avait pour quatre boutiques Montblanc parce que Richemont avait décidé de renforcer son contrôle direct sur la vente des montres de cette marque.
Le second service offert par THG aux horlogers suisses est l’accès à des boutiques multi-marques particulières, qui présentent une atmosphère mettant l’accent sur la tradition horlogère suisse, avec par exemple l’exposition d’outils anciens et d’établis. Les boutiques thématiques L’Atelier et Malmaison, à Singapour, accueillent certes les marques de luxe des grands groupes, à l’exemple de Breguet et de Hublot. Mais elles fournissent aussi des espaces de vente aux créateurs indépendants, comme MB&F et Uhrwerk, et leur permettent ainsi un accès facilité aux marchés asiatiques.
Cette stratégie de retour au métier de base s’avère hautement profitable pour THG. Son chiffre d’affaires est passé de 320 millions S$ en 2004 à 683 millions en 2014, avec une hausse grandissante du profit opérationnel (9.9% en 2014). Ce détaillant est aujourd’hui un partenaire privilégié pour de plusieurs marques horlogères suisses en Asie du Sud-Est.
Chiffres d'affaires et profit opérationnel de The Hour Glass