Horlogerie technique: à l’heure des matériaux légers - Part 2

Et pluribus unum. L’originalité du concept Richard Mille associée à l’effet massue produit par des créations horlogères allant à contre-courant de la tendance de l’époque, avaient donné aux patrons les plus visionnaires l’idée de se lancer également dans cette course à la légèreté. Qui ne tente rien n’a rien! Et il eut été dommage pour les marques en quête de toujours plus de visibilité de ne pas concourir.

Détournement de matériaux

Thierry Nataf chez Zenith avait parfaitement saisi, dès 2004, combien cette orientation associant futurisme, matériaux, volumes en croissance et poids revus à la baisse, était l’axe de communication des années qui allaient suivre. Il présentait à ce propos en 2006 le Zenith Defy Xtreme Open El Primero Grande Date Stealth associant le titane au kevlar pour le boîtier et utilisant un alliage de titane (Zenithium) pour le calibre.

Zenith Defy Xtreme Open El Primero Date Stealth

Dans la même veine, Jean-Claude Biver, de retour sur le marché dès 2004 à la tête de la maison Hublot, devait présenter la même année le chrono Mag Bang dont le boîtier de 44,5 mm de diamètre en magnésium et le calibre en titane (22 grammes contre 45) permettait à l’instrument d’atteindre en tout, le poids de 72 grammes.

Piqué au vif, la manufacture Audemars Piguet, dont on sait l’attachement pour l’innovation, lançait en 2009 le chronographe à tourbillon Millenary Carbon One. Cette pièce dotée d’un boîtier ultra léger en carbone forgé® s’équipait alors d’un calibre dont la platine et les ponts étaient usinés en carbone, ouvrant la porte à une nouvelle génération de garde-temps tout synthétiques dont la modélisation devait être faite par Cartier en 2009 avec la référence Concept ID One suivie en 2012 par la référence transparente faisant appel à une multitude de polymères pour démontrer le potentiel dont dispose encore le métier en matière d’innovation.

Hublot Mag Bang

Empreinte carbone

Depuis, les marques horlogères plus traditionnelles se sont réveillées et se sont penchées sur les matériaux encore disponibles afin de mettre leur grain de sel et de pimenter le marché.

L’an passé, l’accent mis sur la légèreté était multiforme et le carbone, encore récemment réservé aux produits de niche, était récupéré par des marques maniant l’avant-garde avec détermination comme TAG Heuer. Ainsi, elle présentait en avant-première en janvier 2013 la Carrera Carbon Calibre 1887 Concept tandis que la manufacture IWC donnait un coup de projecteur sur la collection Ingenieur comptant une référence parée d’un boîtier en fibre de carbone: l’Ingenieur Carbon Performance de 46 mm de diamètre. Cette matière est également employée par Zenith et trouve un point d’aboutissement réussi avec la mise en lumière à Baselworld du chronographe El Primero Lightweight (déjà présenté en fin d’année 2013). Mais cette pièce au dessin très réussi associant la fibre de carbone 3D, l’aluminium pour la structure interne et le titane extrudé pour le mouvement (ponts et platine), a aujourd’hui un certain nombre de concurrentes parmi les nouveautés qui sont, dans le désordre et dans sa catégorie: le chronographe Chronofighter Oversize Superlight Carbon de Graham et le chronographe King Power Unico All Carbon de Hublot.

Audemars Piguet Carbon concept

Les apprentis sorciers

On notera encore, parmi les matériaux légers marginalement employés, mais appelés à voir leur usage se généraliser: l’aluminium céramisé.

Original, utilisé en aéronautique et dans l’univers militaro-industriel, ce métal offre comme qualité d’être à la fois léger comme l’aluminium, mais dur et résistant aux rayures comme l’est la céramique. Polyvalent, il est le produit d’un traitement électrochimique permettant la formation, à la surface du métal soumis dans un bain de produit chimique à une forte décharge électrique, d’une structure cristalline très résistante. On retrouve ce métal céramisé dans différentes marques de prestige et sous différents noms. Apparu chez Panerai en 2011, ce composé à matrice métallique porte le nom de Composite®. Il est également employé chez Louis Vuitton pour la gamme Tambour éVolution et porte le titre de Black MMC, l’acronyme de Metal Matrix Composite.

IWC Ingenieur Automatic Carbon Performance

Et parce qu’il ne saurait manquer chez Hublot, il est présenté comme un nouveau matériau obtenu par un traitement appelé MAO (Micro Arc Oxydation) qui consiste en une transformation de surface par décharge plasma dans un bain d’électrolyse. Le résultat forme une couche de «céramique» à la fois dure, dense et adhésive et qui a pour propriété de protéger durablement le boîtier de la collection Classic Fusion Tourbillon Skull (50 exemplaires)…

Et outre et parce que les matériaux ont sensiblement les mêmes qualités, on retiendra que la maison Hublot emploie comme Jaeger-LeCoultre pour le Deep Sea Chronograph Cermet, un boîtier réalisé à partir d’un matériau lui aussi très dur et léger, associant particules de céramique et métalliques. Bio compatible, ce composé est aussi très résistant car il supporte, contrairement à la pure céramique, un coefficient de déformation sans rupture, le rendant propice à un emploi dans les montres de sport soumises à de très fortes contraintes.

TAG Heuer Carrera Carbon 1887 chronographe concept