The History of Quartz Weekend: Part 2 - Longines, the Swiss Enter the Fold
Les dirigeants des fabriques d’horlogerie suisses des années 1970 sont souvent perçus comme des entrepreneurs qui n’avaient pas saisi l’importance de la révolution du quartz. Erreur! L’exemple de Longines.
Contrairement aux idées reçues, les marques horlogères suisses se sont engagées aussi rapidement que Seiko dans des activités de recherche et développement. C’est au niveau de la production en série de ces montres que sont apparues des difficultés importantes, comme le montre l’exemple de Longines.
La réalisation d’un prototype
La Compagnie des Montres Longines s’intéresse depuis les années 1950 à la conception de nouveaux types de montres. En 1955, un service de recherche dépendant de la direction technique est organisé, avec l’engagement d’un ingénieur pour le développement de montres électriques. Toutefois, ce service n’est pas intégré au département de fabrication mécanique, chargé d’organiser la production dans les ateliers. Cette autonomie se renforce au cours de la décennie suivante, lorsque l’unité de recherche et développement (R&D) s’émancipe de la direction technique et passe directement sous le contrôle de la direction générale (1964).
Cette petite unité de R&D poursuit sa collaboration avec une société d’ingénierie indépendante, Bernard Golay SA. En 1965, cette coopération mène à la présentation d’un premier prototype de montres de poche à quartz. Deux ans plus tard, une convention est signée entre les deux partenaires afin de définir le partage des tâches. Elle prévoit une répartition des activités de R&D entre Longines (parties mécaniques) et Golay (parties électroniques), tandis que les résonateurs à quartz sont commandés au département Oscilloquartz d’Ebauches SA.
Enfin, les brevets sont une propriété commune des deux partenaires, Longines versant des royalties à Golay sur les ventes de montres à quartz. Les travaux de miniaturisation sont poursuivis ensuite dans l’objectif d’arriver à la réalisation d’une montre-bracelet à quartz, sous le nom d’Ultra-Quartz. Le prototype de cette nouvelle montre est présenté aux médias en août 1969.
La difficile production en série
Le passage à l’industrialisation et à la commercialisation de ce prototype pose de nombreux problèmes pratiques. Dans un long rapport rédigé en décembre 1972, Claude Ray, employé du bureau technique, en explique les causes. Chargé en mars 1970 de superviser la production des modules mécaniques pour l’Ultra-Quartz, il se rend rapidement compte que les conditions de production industrielle n’existent pas. L’absence de coordination avec les ingénieurs de la direction technique, qui supervise l’organisation des ateliers, a débouché sur la conception d’un produit qui n’est pas immédiatement industrialisable. Il faut notamment reconstruire le calibre, recalculer la fréquence du quartz et développer un nouveau circuit intégré. En février 1971, l’équipe de Ray livre 50 premiers mouvements au département des ventes, pour présentation à la Foire de Bâle. Mais ces modèles présentent de graves problèmes de qualité pour lesquels Longines et Golay se rejettent la responsabilité.
Malgré ces difficultés et l’insuffisance des tests de laboratoire, la production en série est tentée en août 1971 avec 200 pièces, mais rencontre à nouveau des problèmes. Ce n’est en fin de compte qu’en 1972 que l’Ultra-Quartz est mise sur le marché, mais elle n’est pas un succès commercial. Cette montre est techniquement dépassée: des entreprises rivales produisent d’autres types de calibres, pour moins cher.
Les conséquences du rachat par Ebauches SA
En 1971, Longines est rachetée par la société Ebauches SA, qui produit elle aussi des mouvements à quartz. Cependant, Longines poursuit pendant plusieurs années la voie de la coopération avec Bernard Golay. Par ailleurs, elle ne se lance pas non plus activement dans le lancement de montres à quartz à affichage digital, le prototype futuriste présenté au public en 1972 grâce à la collaboration avec Ebauches SA et la société américaine Texas Instruments Inc. ne dépassant pas le stade des études. Enfin, en 1975, la mise en faillite de Golay amène Longines à décider la commercialisation du calibre à quartz d’Ebauches SA. Cette année-là, l’approvisionnement en montres externes s’élève à 39% du total de la production de Longines (cf. tableau).
Pendant plusieurs années, c’est donc Ebauches SA qui fournit les calibres quartz nécessaires à Longines. Cependant, en 1977, le succès croissant des montres électroniques sur le marché mondial amène la direction de Longines à adapter sa stratégie, le conseil d’administration affirmant en mai sa décision de passer «des montres élégantes manuelles aux montres élégantes automatiques et à quartz.» A ce moment, Longines est encore essentiellement un fabricant de montres mécaniques, la part du quartz ne s’élevant qu’à 8% du volume en 1977.
En 1977-1978, les ateliers de Longines sont ainsi adaptés à la production en série de mouvements électroniques. Dans le même temps, bien qu’elle poursuive l’achat de mouvements à quartz auprès d’Ebauches SA, Longines développe ses propres calibres électroniques à l’interne, avec la réalisation de plusieurs modèles au cours des années 1978-1984. La mutation est extrêmement rapide: en 1980, les mouvements à quartz produits à l’interne représentent plus de la moitié du volume de la production de l’entreprise (57.3%), alors qu’ils représentaient encore moins d’une montre sur cinq l’année précédente (17.6%). Cette part continue sa forte croissance durant les années 1980. Elle atteint en effet 70.1% en 1981 et plus de 90% en 1984.
Résumé
Toutefois, la création de la Société suisse de microélectronique et d’horlogerie (SMH, Swatch Group depuis 1998), suite à la fusion en 1983 de l’ASUAG – qui contrôle Ebauches et donc Longines – et de la Société suisse pour l’industrie horlogère (SSIH, groupe Omega) débouche sur une nouvelle restructuration industrielle marquée par la suppression de la direction technique (1984), puis l’abandon des activités de R&D et de production (1988) chez Longines.
Pour en savoir plus : Pierre-Yves Donzé, «Du comptoir familial à la marque globale: Longines, Saint-Imier» - Editions des Longines, 2012