De Bethune parie sur le retour des pendulettes avec Stellar!

Les pendulettes sont parfois remisées au rayon des objets démodés. Certains horlogers comme De Bethune conservent une tradition de pendulerie au sein de leurs ateliers. Simple héritage, ou vision d’avenir?

Découverte d’atelier, surprise

A la Chaux et à l’Auberson, les ateliers de la marque indépendante De Bethune abritent plusieurs sections de productions. La plus étonnante est sans nul doute la ferme dans laquelle l’horloger Denis Flageollet met au point les derniers prototypes avant de les lancer en production. C’est là également qu’il expérimente avec son équipe, les principes de la résonique horlogère, une technique qui permet de rendre le balancier des montres le plus libre possible en s’affranchissant du spiral et de gagner en fluidité et en précision.

Juste en dessous de son bureau et de ses ateliers d’expérimentation, nouvelle surprise: un atelier entièrement destiné à la production de pendulettes!

La marque dont la particule atteste sans nul doute de la noblesse de son art, a une philosophie en apparence très proche des autres marques du luxe horloger avec toutefois une petite variante. La tradition est bien évidemment au cœur des esprits, mais la vision de Denis Flageollet n’est pas exactement la même que les autres. «De Bethune, la tradition horlogère du XXIe siècle». A lire ce slogan publicitaire on est interpellé par l’aspect passéiste de la tradition et à la fois progressiste que ce discours nous oblige à imaginer dans une projection du siècle en construction. De Bethune veut marquer les esprits avec sa philosophie et ses productions horlogères antiques et futuristes.

Avant tout des inventeurs

Denis Flageollet se veut l’héritier de la grande tradition horlogère comme la pratiquaient Breguet, Janvier, Thouverez ou Berthoud mais il refuse de faire strictement et uniquement la même chose qu’eux. «Ces horlogers étaient tous des inventeurs.»

Pendulette Mystérieuse De Bethune Stellar

Avec leurs travaux et les moyens dont ils disposaient à l’époque, ils ont fait avancer la science horlogère et mis en place des inventions que nous exploitons encore de nos jours. Pourquoi ne pas faire de même? Ainsi en se disant héritier de cet état d’esprit, De Bethune tente d’apporter une réponse aux problèmes que les grands horlogers d’antan n’avaient pas réussi à résoudre par manque de moyen, de temps ou de matériaux performants. Tout en restant dans la plus pure tradition mécanique horlogère, les horlogers de De Bethune utilisent tous les outils modernes de productions et de contrôles pour perfectionner encore la technique horlogère. C’est comme si vous mettiez un ordinateur entre les mains de Breguet! Lui aussi aurait certainement tenté de mettre au point le balancier le plus libre possible en utilisant le principe de la résonique! Ainsi travaille Denis Flageollet. Il se pose toujours la même question: Qu’auraient fait les horlogers du passé s’ils avaient les technologies d’aujourd’hui sous la main?

La Stellar De Bethune

Dès lors, qu’en est-il des pendulettes? Est-ce toujours dans ce même esprit de tradition évolutive et futuriste que cette production a été conservée?

A l’heure où le devant de la scène horlogère est fortement mobilisé par les montres bracelet, De Bethune conserve une petite production de pendulettes qui perpétue un style néo-antique, rétro-futuriste propre à la marque. La pendulette Stellar se veut l’héritière des horloges mystérieuses du XIXe siècle et de l’égyptomanie qui accompagna la campagne d’Egypte du général Bonaparte. Phénomène de mode ancien à la fois technique et esthétique, ces deux éléments s’ajoutent à l’univers céleste et innovant de De Bethune. Ainsi l’heure s’affiche dans un ciel étoilé concave, poli miroir et bleui. Ce ciel est incrusté d'étoiles en or gris et de diamants. Il est entouré d’anneaux et de chiffres romains en or jaune indiquant les heures.

Au milieu de ce ciel, une lune sphérique en acier sablé d’un coté et poli miroir bleui à la flamme de l’autre, indique les différentes phases de l’astre.La précision estd’un mois lunaire, soit un jour pour 1225 ans. Cette précision est 457 fois plus importante que celle des phases de lune classiques. Le cabinet de cette pendulette est en bronze doublé d'une coque en or jaune 18 carats. Deux sphinx éternels gardiens du temps, encadrent l’affichage de l’heure et surmontent la petite console au décor guilloché abritant le mécanisme. Ce dernier dispose d’une réserve de marche de 8 jours et est développé et produit dans les ateliers De Bethune.

Pendulette Mystérieuse De Bethune Stellar sur la table de travail de Paul Clémenti

Le remontage se fait manuellement par une roue libre sans cliquet. Composé de 180 composants, le calibre 1318-010 est également équipé d’un échappement à force constante, de 29 rubis et de 21 micro-roulements à billes pour le bon fonctionnement de cette pendulette néo-égyptienne.

Denis Flageollet justifie cette production par son passé au sein de la très dynamique et désormais disparue société THA (Techniques Horlogères Appliquées) dans laquelle il produisait et mettait au point avec d’autres horlogers de renom tels que François-Paul Journe, Vianney Halter, Dominique Mouret et Pierre-André Grimm entre autres, les mécanismes pour les pendules originales de grandes marques. Mais la simple hypothèse de l’héritage ne suffit pas.

Les pendulettes attendent leur heure

Comme chaque fois chez De Bethune il faut aller chercher une explication dans le futur également pour expliquer ce phénomène. Les pendulettes sont certes le parent pauvre des horlogers mais l’histoire des marques regorge de modèles tous plus fous les uns que les autres. Et si la montre monopolise le devant de la scène, les pendulettes ne semblent pas avoir été oubliées pour autant.

Pendulette Yéyé ou Pop Art , 1959

Elles sont tout simplement en attente! Elles s’impatientent et attendent que leur tour vienne, persuadées qu’il viendra. Car comme le dit l’adage: «la mode est un éternel recommencement»!

En appliquant ce principe, il y a fort à parier que dans un moment de légère dépression économique, l’atout pendulette sortira des mains des horlogers pour détourner l’attention. Dans ce jeu de carte horlogère, l’anticipation n’étant pas donné à tout le monde, De Bethune sera certainement l’un des grands gagnants de la partie. Patience… Le futur leur donnera certainement raison.

Dominique Fléchon, historien expert en Haute Horlogerie:  La petite histoire des pendulettes.

Les pendulettes, alors appelées horloges de table et ancêtres des premières montres, apparaissent au XVI^e siècle.

Avec l’instauration des Guildes d’horlogers, (Paris: 1544, Augsbourg: 1564, Nuremberg: 1565, Blois: 1600, Genève: 1601), le prétendant au statut de Maître horloger doit réaliser une montre à réveil portée au col et une horloge de table à réveil et à sonnerie au passage des heures et des demies.

Pendulette Mystérieuse Nils Hermann, 1967, Cartier Collection

Dotées de ressort en lieu et place des poids-moteur, elles peuvent être transportées d’un endroit à un autre. Rapidement, les dimensions de la pendulette augmentent, ce qui la transforme en pendule.

Décorative, bronziers, sculpteurs, graveurs, émailleurs, joailliers et bien d’autres lui font passer les siècles en lui imprimant les caractéristiques stylistiques propres à chaque époque. Technique, les plus grands horlogers la transforment en instrument de précision, simple ou à complications astronomiques (mouvements des planètes en temps réel par exemple) ou calendaires. Fonctionnelle et d’un prix rendu plus accessible suite à la Révolution industrielle, elle entre dans les intérieurs modestes mais aussi bourgeois et orne cheminées et buffets au même titre que les horloges fabriquées entre autres en Franche Comté.

La pendulette poursuit quant à elle son propre développement et en particulier sous forme de réveils. La plupart se contentent de sonner l’heure programmée. Mais au XVIII^e siècle, le réveil déclenche un chien de fusil qui produit une étincelle, laquelle allume une bougie. Au début du XX^e siècle, il allumera la lampe à alcool d’une cafetière puis ultérieurement une lampe électrique.

Atmos Art Deco, 1935, calibre LeCoultre 30A

Avec l’horlogerie électrique puis la multiplication de cadrans horaires sur les appareils électroménagers, les postes de télévision, les ordinateurs et les téléphones portables l’engouement porté aux pendulettes et aux pendules décline inexorablement. Seules des pièces d’exception et pour ne citer que deux exemples parmi d’autres, les pendules mystérieuses de Cartier, inspirées des œuvres de l’horloger-magicien Jean-Eugène Robert-Houdin ou la pendule Atmos «qui vit de l’air du temps» de Jaeger-LeCoultre perpétuent l’héritage des Maîtres penduliers.

Toutefois, si la montre-bracelet de tradition est souvent perçue comme une œuvre d’art à part entière, la pendule, petite ou grande, augmente considérablement le champ d’expression artistique et mécanique, ce que redécouvrent peu à peu bon nombre d’horlogers de talent.