bulgari manufacture

Bulgari et l’horlogerie 2ème partie: La dimension Manufacture, en mode industriel

De plus en plus de collectionneurs s’en émeuvent: la marque maîtrise les complications mère… Sait-on que pour ses calibres de base, elle s’est aussi embarquée sur la voie de l’excellence industrielle?

Par Joel Grandjean
Rédacteur en Chef

C’est désormais acquis, Bulgari, depuis le début du troisième millénaire, a rejoint la haute noblesse horlogère faite de sang artisanal et de compétences manuelles, faite aussi de complications ultra. La marque maîtrise autant le tourbillon que la répétition minute. Elle excelle même, depuis son antenne fraîchement agrandie de la Vallée de Joux, dans l’univers très restreint des faiseurs de grandes sonneries. Ce pièce à pièce, cette maîtrise des grandes complications et des journées entières passées par un seul horloger sur un seul calibre, c’est ce qui fait qu’une marque accède au nirvana de la perception horlogère. Et que le mot Manufacture, dont à tort on ne retient que la dimension manuelle, peut alors s’inviter dans sa communication.

Une vraie Manufacture, des calibres de cornerstone évolutifs

Nombreuses sont les enseignes qui ont érigé cette parfois petite part de leur activité en élément moteur. Et qui donc dissimulent, derrière la loupe d’horloger posée sur le front plissé, une autre réalité: celle des opérations de sous-traitance qui s’imposent dès que la production vire aux séries plus importantes. Bulgari, afin de s’assurer à terme une totale indépendance en matière d’approvisionnement de mouvements mécaniques, a choisi d’aller jusqu’au bout en développant et fabriquant ses propres calibres de cornerstone. Il faut en convenir, tandis qu’il est plus aisé de prétendre à des compétences en haute-horlogerie, il est ardu de pouvoir revendiquer dans le même temps des compétences industrielles. Cela demeure réservé à très peu d’élues, des sociétés, souvent historiques, alors reconnues comme étant de vraies manufactures.



Dans sa démarche de verticalisation, afin de pouvoir s’appuyer sur un outil de production qui tienne compte de ses volumes importants, notamment sur certaines de ses icônes comme l’Octo ou la Bulgari-Bulgari, la marque s’est attelé à concevoir, puis à fiabiliser ses propres calibres de base, à commencer par le mouvement à remontage manuel Solotempo, développé et manufacturé à l’interne.

Avec le calibre extra plat Finissimo, à remontage automatique et battant à 28'000 alternances par heure, la marque ajoute dès 2014 une nouvelle famille de moteurs mécaniques, parmi les meilleurs de leur catégorie. Caractérisé par son épaisseur de 2.33 mm cet Heure Minute de base disposant d’une réserve de marche de 65 heures dont l’indicateur est apparent au dos de la pièce, est doté d’une petite seconde élégamment posée à 7h30.

Rue Volta à La Chaux-de-Fonds, la face industrielle

Face à cette stratégie de maîtriser ses calibres maison, Bulgari s’est dotée depuis deux ans d’une unité industrielle, du côté de La Chaux-de-Fonds. L’entrée dans l’univers de la Fabrique rue Volta, offre d’emblée une impressionnante vue sur des rangées bien alignées de machines à commandes numériques, les fameuses CNC. Ici et là, d’anciennes unités, comme ces imperturbables Zumbach entièrement remises en état, ayant troqué leur côté vétuste pour une numérisation dernier cri, parsèment la modernité de ce parc, rappelant qu’en horlogerie, certaines solidités n’iront jamais à la casse, tant elles rendent encore de louables et d’irremplaçables services. Ça tourne à plein régime.

Il y a dans l’air ces caractéristiques effluves d’huile de fraisage, en fond sonore, le roulis rassurant de ces mastodontes en état ininterrompu d’activité.

L’outil industriel acquis, rénové et développé, les compétences humaines entretenues et savamment optimisées, se mettent en résonance avec l’intelligence conceptuelle et de mise en production distillée par les collègues de la Vallée de Joux. Ils démontrent mieux que n’importe quel discours marketing que la marque s’est donné les moyens de ses ambitions. Ici, à quelques encablures de la plus industrielle des extrémités de la rue Numa Droz, dans ce berceau de compétences et de savoirs, environ 25 des plus de 350 collaborateurs dédiés à l’horlogerie Bulgari officient. Ils participent fièrement à l’essor de l’entité BMHH, Bulgari Manufacture de Haute Horlogerie.

C’est en cet antre dont les volumes spacieux indiquent que des agrandissements figurent au programme, que se fabriquent les kits mouvements. Autrement dit, «les aciers», comme l’exprime dans le métier l’expression consacrée pour désigner les ébauches, platines, ponts et trains de rouages compris.

Tout part, pour les platines, d’un tube de métal qui sera tranché en rondelles au diamètre voulu. Ou, pour les composants, d’une bande de métal dont on extraira, via des découpes, les profils voulus.

Les seuls composants qui ne sont pas fabriqués ici sont les vis, les rubis, les organes réglants et bien sûr le ressort de barillet. S’y ajoutent en plus des traitements thermiques, des opérations telles que le décolletage, le taillage, le coulage… Evidemment, un département contrôle supervise et valide la qualité. Ses processus englobent les machines via des régleurs appelés à valider la mise en route de chaque série, ainsi que les pièces qui, à plusieurs reprises durant leur processus de fabrication, y sont acheminées et passées au crible de la rigueur. Les outillages qui y sévissent ne laissent rien passer en dessous de chaque marge de tolérance. Dans leurs traques aux défauts de matière ou d’usinage, ces outils de contrôle viennent compenser, à l’aide du laser, les éventuelles faiblesses ou inévitables déconcentration de l’œil humain.

Industrielle maîtrise gage d’indépendance

Clairement, la marque dont l’élégance italienne ne cesse d’enfanter ou de peaufiner des designs iconiques, s’est résolument engagée sur le chemin d’une excellence industrielle qui concrétise son statut de véritable manufacture.

D’autant qu’elle a aussi su intégrer en son sein les métiers de l’habillage horloger, de la fabrication de boîtes et de bracelets jusqu’à la maîtrise des cadrans et des décors. Cette ultime facette de sa complétude manufacturière fera d’ailleurs l’objet du troisième volet consacré à cette saga. A suivre…


Deux prochains volets de la saga «Bulgari et l’horlogerie»: Les métiers de l’habillage, du cadran au boîtier de montre – Répétitions Minutes et Grandes Sonneries

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A relire également nos articles précédents sur les manufactures Bulgari

Bulgari et horlogerie - Manufacture, la maîtrise des ultra complications horlogères

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