Antoine Preziuso, le charme italien d’un horloger suisse

Ne dites plus «réserve de marche», dites «indicateur d’énergie», martèle Antoine Preziuso avec ce sourire et cette rondeur latine qui le rendent si convaincant. Car c’est bien cela qu’il veut mesurer: l’échange d’énergie entre le porteur et sa montre, et la forme plus ou moins olympique dans laquelle se trouve cette dernière. Sur le modèle Power qu’il présentait en ce début d’année 2015 au salon SIWP, l’indication mange presque la moitié du cadran, et elle est exprimée en pourcentage, entre un maximum noté «fine» et un minimum, «down». «Vous voyez, c’est comme nous, s’emballe-t-il, joignant le geste à la parole. On se sent parfois «fine», et parfois «down.» Pas de doute, chez cet homme-là, la montre vit et a ses humeurs!

Antoine Preziuso Power

Une affaire de famille

Autre particularité de ce modèle, le label AFP qui figure sur la couronne, et rappelle qu’Antoine Preziuso travaille d’abord en famille. Avec sa femme May pour la gestion de la société, avec sa fille Laura, bijoutière designer dont les talents ont donné naissance à des pièces inattendues, mêlant joaillerie et complications horlogères. Ou dans le cas précis avec son fils Florian – c’est le «F» d’AFP -, horloger-concepteur très largement impliqué dans le développement de ce nouveau modèle. Dans une autre vitrine du SIWP, une montre dame accroche le regard. Pas de cadran sur cette pièce, ce sont les côtés du boîtier et le mouvement lui-même qui scintillent. Les ponts et la platine sont sertis de 1500 diamants, jusque sur l’arrière du calibre que révèle une glace saphir. Avec son tourbillon titane, elle est la fière petite soeur d’un modèle emblématique de la marque, la Stardust.

Antoine Preziuso avec Carlo Lamprecht

Antoine Preziuso aime les complications, l’originalité: combien sont-ils à avoir calculé sur un cadran le nombre de jours restants avant la prochaine pleine lune? Il aime aussi les matières, même inattendues. Il fut le premier à se servir d’une météorite et le fit comme tout le reste, avec passion et gourmandise. Loin des discours marketing un peu pompeux sur la magie de l’espace, il accueillait alors son visiteur et lui mettait entre les mains son bloc de pierre, sans rien dire, lui laissant la surprise de son incroyable poids. L’espace est plus dense qu’il n’y parait! Des années plus tard, la même énergie l’habite. En ce mois de janvier 2015, Il évoque déjà la pièce qu’il présentera à Bâle, protégée par trois brevets et qu’il nous montre à la dérobée sur l’écran de son iPhone, comme un enfant impatient de partager la surprise qu’il réserve à ses proches.

Antoine Preziuso Grand Tourbillon Sport

Seul le crocodile n’est pas genevois

S’il doit à ses racines italiennes son nom, son amour de la famille et son enthousiasme, il s’est aussi construit sur les valeurs de sa terre natale, Genève. C’est là qu’il a étudié, à l’école d’horlogerie de Genève, avant de faire ses premières armes chez Patek Philippe et de rapidement choisir la voie de l’indépendance. Ses montres sont intégralement produites au bout de ce lac Léman, chez lui ou chez des partenaires de confiance. «Mes pièces sont faites à 99% à Genève», revendique-t-il clairement. Et qu’en est-il du pourcent restant? «C’est le crocodile du bracelet, je n’en ai pas trouvé dans le lac!»

Depuis 1981, Antoine Preziuso mène donc sa barque en indépendant. Sa maison propose des pièces uniques ou réalisées en toute petite série, avec une production annuelle qui excède à peine les 50 unités. Un changement de cap radical par rapport au début des années 2000, qui avait vu la marque produire jusqu’à 900 pièces dans l’année, vendues pour partie dans les différentes boutiques qu’elle avait ouvertes, et qui allait même, parfois, jusqu’à offrir une moto à l’acquéreur de certaines pièces; l’amour de la mécanique! «Depuis, on a traversé des crises, des krachs boursiers, et on a toujours trouvé la solution.» Commentant l’actualité récente, Antoine Preziuso concède que «la hausse du franc n’est évidemment pas une bonne nouvelle, mais les indépendants s’en sortiront toujours.» Il l’annonce comme une évidence, avec le sourire sincère de quelqu’un qui ne cherche pas à convaincre, mais est convaincu.

Antoine Preziuso Mega Tourbillon