Valeurs refuges au poignet
Le temps c’est de l’argent. Les collectionneurs d’horlogerie le savent, certains garde-temps ont pris plus de valeur qu’un immeuble: l’horlogerie suisse entretient avec le monde de la finance de juteuses connivences…
Lorsqu’en 2010, Vacheron Constantin ressuscite 55 ans après sa sortie son Ultra Fine 1955, dans la collection Les Historiques, elle use d’une pièce de 20 centimes qu’elle place à côté de la montre afin de démontrer pour visuellement l’extrême minceur du mouvement qui l’habite, le calibre 1003. Un calibre qui plus est usiné dans de l’or jaune 18 carats, une matière redoutée par les horlogers pour sa mollesse et son indocilité à se laisser modeler du premier coup. Certifiée Poinçon de Genève, cette mécanique à remontage manuel incarne un retour vers des valeurs sûres, le classicisme.
Pièces d’or, traders et euros
En 1964, créée par feu René Banwart, un designer de génie qui fonde la maison Corum, la Coin Watch demeure encore aujourd’hui dans les pages du catalogue. En logeant un mouvement extra-plat dans une véritable pièce d’or 22 carats de 20 dollars, la Chaux-de-Fonnière attise cette fameuse tradition qui consiste à léguer à sa descendance des valeurs refuge.
Portée par quelques présidents américains, cette montre inspire encore aujourd’hui, sur commandes spéciales, d’autres nations désireuses de donner à leur monnaie une connotation intemporelle. Quant à la Biennoise Armin Strom, pour se rendre plus désirable auprès des traders du monde, elle décline ses arts identitaires du squelettage dans ce modèle baptisé Blue Chip, du nom de ces sociétés cotées en bourse disposant d’une importante capitalisation et de liquidités inépuisables. A Genève, l’inventeur de l’ultra luxe insolite, le médiatique Yvan Arpa, tapissait les cadrans de ses pièces d’art avec de vrais Euros passés au broyeur. Tandis que les TJ prédisaient la fin de la monnaie européenne, il baptisait son modèle Bye Bye Euro.
Patek Philippe, impératrice des enchères
Rares sont les marques récentes, fussent-elles adulées par les collectionneurs, qui prennent de la valeur. Car leurs prix auront été adaptés à la hausse, la demande aidant, au point que le modèle neuf pourrait bien coûter plus cher que celui, plus ancien, proposé à l’encan. Mauvais pour l’image, du point de vue placement!
On ne régate pas si facilement avec ces marques qui engendrent d’époustouflants records auprès des trois grandes maisons de ventes aux enchères, Antiquorum, Christie’s et Sothebys: Patek Philippe, l’incontournable référence, puis Rolex et quelques viennent ensuite comme la prometteuse Omega, ou quelques pièces mythiques chez Girard Perregaux et Vacheron Constantin. Les deux premières doivent l’essentiel de leur cote sur le marché du déjà porté grâce à des archives ultra complètes. «Chez Patek, tout a été archivé. Boîte, mouvements et cadrans disposent de leur numéro spécifique dans les registres», relève Marco Gabella, co-fondateur de Watchonista.com. Une garantie d’authenticité et une traçabilité qui leur font prendre une valeur inouïe, surtout lorsqu’un modèle appartient à de bonnes années.
Image de couverture: La Hublot 5 Million présentée à Baselworld 2012 et acheté par Beyoncé