Tiffany & Co.

Tiffany & Co: l’histoire d’une réussite à l’américaine!

La maison Tiffany, grand nom dans l’univers de la création a, très tôt, saisi combien les montres y avaient leur place et a toujours tout mis en œuvre pour partager sa passion du temps. Saga d’une histoire où la minute s’exprime en majesté avec une vraie signature.

Par Vincent Daveau
Contributeur

Les grandes maisons d’aujourd’hui ont, pour beaucoup, des origines qui les font remonter aux premières décennies de ce que l’on appelle l’ère industrielle. Elle est fixée, dans les livres d’histoire, à la toute fin du siècle des Lumières pour l’Angleterre et a véritablement débuté dans le courant du premier tiers du XXIème siècle, en Europe occidentale et plus ou moins à la même date sur la côte est des Etats-Unis d’Amérique. C’est dans ce contexte flamboyant où les idées neuves généraient systématiquement du profit et où tout était possible aux hommes entreprenants, qu’est née la maison Tiffany & Co.

Ouverte en 1837 par Charles Lewis Tiffany (1812-1902), la première boutique éponyme située dans le Lower Broadway à Manhattan, ne vendait pas de montres dans un premier temps.

Tiffany & Co. 1837 La première boutique Tiffany ouverte en 1837

Ce n’est qu’en 1846 que l’aventure des montres commença, lorsque John Burnett Young, le partenaire et associé de Tiffany, rapporta du Vieux Continent des montres et pendules à présenter dans la seconde boutique que les deux commerçants visionnaires entendait ouvrir l’année suivante au 271 Broadway. Les trois premières marques à avoir été inscrites au catalogue de la jeune enseigne étaient Arnold & Frodsham, une maison réputée pour la qualité de ses chronomètres (l’inventeur du chronomètre de marine moderne), le brillant horloger danois indépendant Jules Jürgensen, installé au Locle dans le Jura suisse et la maison Patek & Co qui allait devenir, plus tard, la maintenant manufacture Patek Philippe. Peu après, en 1851 et sur une simple poignée de main, un accord de partenariat officiel devait être passé entre la célèbre manufacture genevoise et Tiffany. De tous, ce contrat unissant une marque à une enseigne, est le plus long ayant jamais

Les origines d’une passion

En 1866, soit un an après la fin de la Guerre de Sécession (le nom français de la guerre civile qui divisa le pays), la maison Tiffany se lança dans la production de ses propres montres de qualité dont les cadrans devaient sobrement arborer le nom de Tiffany. Elle fit appel à Charles B. Eggert, le fils d’un horloger de New-York puis à Joseph Charles Whitehouse (1838-1895) un jeune maître d’origine anglaise.

L'aventure horlogère de Tiffany commence en 1846 L'aventure horlogère de Tiffany commence en 1846

Il n’en demeure pas moins qu’à cette date l’enseigne ayant entamé une démarche en vue de produire ses propres montres et pendules, disposait déjà, en Suisse, des moyens de faire réaliser des composants et de s’approvisionner en pièces de qualité.

Mais la demande croissante et la mise en place sur le marché nord-américain de manufactures horlogères modernes et puissantes comme Waltham, Illinois, Elgin et d’autres encore, devaient inciter Tiffany à accroître encore sa présence en Suisse où les salaires étaient encore fort bas et la qualité de fabrication très élevée. Face à l’évidence, l’enseigne ouvrait en 1874, une manufacture de montres équipée des meilleures machines de l’époque, place Cornavin, à proximité de la Gare centrale de Genève. En ces lieux, seuls des calibres horlogers d’exception étaient développés, et en particulier ceux demandés par les notables du Nouveau Monde. Parmi ceux-ci, on note des montres à remontoir au pendant, des répétitions de toutes sortes, des chronographes simples et à rattrapantes et des montres à calendrier, simples ou compliqués.

L’année 1878 devait marquer un vrai changement dans l’univers de Tiffany en matière d’horlogerie car elle devait revendre ses ateliers de Genève à Patek Philippe avec qui elle avait déjà passé un accord de partenariat en 1851 lui garantissant l’accession aux meilleurs mouvements de la manufacture genevoise et l’exclusivité en matière de vente.

Tiffany introduces America's first stopwatch, the Tiffany TimerTiffany présente le premier chrononomètre américain, le Tiffany Timer en 1868 Tiffany présente le premier chrononomètre américain, le Tiffany Timer en 1868

Cette alliance exceptionnelle permettait à l’enseigne de se concentrer sur la joaillerie et sur la production d’argenterie, des savoir-faire qu’elle savait parfaitement mettre en valeur et sur lesquels elle savait faire la différence dans une période où les marques horlogères américaines de volume mettaient une forte pression sur le marché grâce à la fabrication d’une quantité incroyable de pièces accessibles. Dans ces conditions, et face à des marques capables de produire des millions de montres à petit prix, soit l’industrialisation d’un objet longtemps considéré comme l’apanage des puissants, il fallait offrir aux élites de faire la différence en leur proposant des instruments de mesure du temps à la hauteur de leurs espérances. C’est ainsi que Tiffany a noué des contacts avec les plus grands facteurs en vue de faire apparaître au cadran son expertise plutôt que son savoir-faire dans un secteur devenu fortement concurrentiel.

Etre à L’heure de son temps

Comme un certain nombre de maisons de l’époque, Tiffany avait fait le choix de faire appel à des constructeurs de mouvements suisses de haute facture et d’habiller ces cœurs d’exception de boîtiers réalisés par ses soins pour répondre à la demande ou aux goûts d’une clientèle que Tiffany connaissait bien.

Tiffany & Co. et son premier brevet pour l'amélioration des montres 1875 Tiffany & Co. et son premier brevet pour l'amélioration des montres 1875

Cette entité de renom, à l’écoute des tendances de son temps, devait noter assez tôt l’intérêt des femmes pour les montres bijoux à porter au poignet et en proposait à son Catalogue Bleu dès la fin du XIXème siècle. Mais c’est somme toute après la première conflagration mondiale que les montres-bracelets se sont imposées dans la population. Tiffany, très attachée à satisfaire les désirs de sa clientèle, accompagnait la montée en puissance de cette tendance. Il faut dire que, impliquée dans l’univers de la mode, de la joaillerie et de l’orfèvrerie, elle avait la sensibilité pour faire partie des entreprises à même de proposer des instruments horlogers parfaitement adaptés à la demande du moment.

Les années 1920-30 offrirent à la marque de faire la démonstration de son talent en matière d’esthétique et d’équilibre. Ses créations, bien dans leur époque, devaient rester des monuments en matière de design et passer les générations sans prendre une ride. On notera tout particulièrement le talent de la maison en matière de conception de montres serties à destination des femmes qui, toutes originales, se présentent comme des bijoux donnant l’heure.

Seulement, il faut en convenir, les orientations prises en matière de développements purement horlogers ont été en partie contrées par les conjonctures.

Montres Art Deco de Tiffany  vers 1920 Montres Art Deco de Tiffany  vers 1920


Ainsi, de la Grande Dépression à la seconde conflagration mondiale, Tiffany allait se concentrer sur la production d’instruments de mesure du temps sortant de l’ordinaire, comme des montres de smoking serties, destinées à une clientèle en quête d’exceptionnel. Ainsi, des années 40 au début des années 1980, Tiffany allait faire le choix de présenter dans le Blue Book sa sélection des plus belles montres de marques choisies pour leurs qualités de précision et pour leur esthétique répondant aux goûts de sa clientèle. Sur certaines références, et en fonction des accords passés avec les marques distribuées, devait apparaître cette fameuse double signature aujourd’hui fort recherchée par les collectionneurs.

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