Roger Dubuis Quatuor SIHH 2013

Roger Dubuis SIHH2013 Quatuor : par-delà le tourbillon

Dans le timide contexte des nouveautés Pré-SIHH, Roger Dubuis frappe un grand coup : il révolutionne la solution apportée par le tourbillon en présentant une complication exceptionnelle ! Une complication inédite dans cette architecture et jamais miniaturisée au point de pouvoir intégrer une montre bracelet!

Par Malik Bahri

Pour bien comprendre l’intérêt de l’Excalibur Quatuor, il convient d’examiner la problématique que tentait de résoudre le tourbillon. Comme vous le savez tous, Abraham-Louis Breguet a développé le tourbillon pour compenser les effets de la gravité sur les montres de poche lorsqu’elles étaient portées perpendiculairement au sol… Dans un mouvement classique, l’échappement est en position fixe; mais avec un tourbillon, il effectue une rotation complète autour de l’axe du balancier en 60 secondes, la vitesse la plus courante; ainsi, les effets de l’attraction terrestre sont en grande partie compensés.

Le tourbillon a accompagné la résurrection de l’horlogerie mécanique dans les années 80, uniquement présent dans les complications prestigieuses du fait d’un réglage difficile à maîtriser et de sa grande démonstrativité technique… Un tourbillon était pourtant assez inutile dans un mouvement de montre bracelet, le poignet étant très souvent dans des positions intermédiaires, ni horizontales, ni verticales… Comme nous l’avons vu récemment, le Tourbillon Tridimensionnel est l’une des solutions... Mais si cette solution est techniquement brillante et esthétiquement fascinante, il n’en reste pas moins que ce n’est que l’ultime évolution d’une technologie datant de 1801 et qui n’a pas été conçue pour des montres dotées d’un bracelet. 

Aujourd’hui, pour aller au-delà du tourbillon, Roger Dubuis remet à plat la problématique de l’influence de la gravité sur un échappement de montre-bracelet. L’idée était dans l’air du temps depuis quelques années: incliner le balancier-spiral constituait un choix plus logique que le tourbillon (et moins coûteux en cas d’industrialisation de masse). L’objectif étant bien entendu que l’organe réglant reste parallèle au sol dans la plupart des situations.  On pense évidemment aux tourbillons inclinés de Greubel-Forsey.

Néanmoins, avant la Quatuor de Roger Dubuis on ne s’était pas dispensé des beaux mais désuets tourbillons… Et surtout, incliner l’organe régulant ne permettait de fournir qu’une réponse partielle. En effet, cette solution est appropriée pour l’employé de bureau lambda, qui passe beaucoup de temps à taper au clavier avec le poignet incliné entre 30° et 45°… Mais il y a fort à parier que le collectionneur fantasque a une vie plus excentrique que l’amateur de base d’horlogerie… Donc des positions de l’avant-bras plus variées.

Et c’est là qu’intervient le système de la Quatuor. La montre comporte non pas un échappement tourbillon, mais quatre échappements fixes! Ils sont tous positionnés aux «quatre coins» du cadran, inclinés à 45°par rapport à ce dernier et sont tous orientés dans une direction différente. Si l’on traçait une droite depuis chaque organe réglant, les droites viendraient se croiser au sommet d’une pyramide isocèle. Ainsi, quelle que soit la position du poignet, il y aura toujours des balanciers spiraux sensiblement parallèles au sol et d’autres sensiblement perpendiculaires au sol. Evidemment, l’attraction terrestre va influer de manière totalement différente sur chacun des blocs d’échappement.
 
Et c’est là qu’intervient le différentiel, un dispositif bien connu des amateurs d’automobile; ce système consiste à avoir deux roues montées en parallèle, coordonnées par une roue perpendiculaire qui va réguler le rythme. Evidemment, comme il s’agit l’horlogerie, il existe des subtilités. Ici, le signal des quatre échappements est coordonné par trois différentiels, deux d’entre eux étant placés sur les roues de moyenne et le dernier sur la roue centrale du train de rouage d’affichage de l’heure. Le principe général, c’est que les signaux vont s’auto-modérer pour obtenir une moyenne du décompte du temps entre les quatre balanciers-spiraux, chacun d’entre eux étant fréquencé à 4Hz. Les quatre tic-tac superposés forment une musique jamais entendu en horlogerie! Si c’est une réponse alternative au tourbillon, c’est aussi une alternative à la haute fréquence. L’objectif des fréquences élevées est d’obtenir un meilleur «échantillonnage» du décompte du temps, afin d’en extraire un signal plus «fin». Ici, les trois différentiels, en effectuant la moyenne des signaux des quatre balanciers, produisent également un signal plus «fin» qu’un échappement unique à 4Hz… Difficile d’obtenir plus d’informations techniques de la part du staff Communication de Roger Dubuis, car le détail de l’implémentation de ces différentiels fait l’objet de multiples dépôts de brevets; et la procédure administrative est toujours en cours… Sachez par ailleurs, mais c’est plus classique, que l’on trouve également un différentiel au niveau de la tige de remontage et au niveau de l’affichage de réserve de marche. 
 

Bien sûr, une telle débauche technique a un coût: Le volume. Le mouvement fait 163/4 lignes (environ 37.7mm) de diamètre (classique, c’est la taille d’un Unitas), pour 10.6mm d’épaisseur (moins classique). Si un mouvement de 163/4’’’ peut être emboité au chausse pied dans un boitier de 43mm, ce dernier doit faire un minimum de 17mm d’épaisseur pour accueillir les 10.6 mm du mécanisme… Soit les dimensions peu harmonieuses d’une Rolex Deep-Sea. Les designers de Roger Dubuis ont donc opté pour un boitier plus large (48mm en or rose) afin de préserver l’équilibre visuel de la montre. C’est réussi, elle ne paraît pas trop épaisse; par contre, au porté c’est imposant, c’est plutôt une montre d’homme! Bien évidemment, coté cadran c’est le bonheur absolu pour un amateur de montres ouvertes! Si le squelette dévoile négligemment ses quatre organes réglants, le dos laisse voir une grande partie du fonctionnement de cette cathédrale horlogère. Seul regret à mon sens, les inserts dorés sur le rehaut et au centre sont de trop ; ils volent un peu la vedette aux balanciers, alors que rien ne devrait entraver leur contemplation. D’autant que le laiton sur les ponts noircis assure d’emblée un contraste optimum. Mais peu importe. Cette Excalibur Quatuor est déclinée dans une autre finition. Et on peut présumer que ce mouvement totalement novateur se retrouvera dans d’autres collections Roger Dubuis… Car il serait dommage de limiter cette innovation à 88 pièces. C’est en tout état de cause la solution alternative la plus novatrice jamais développée pour compenser les effets néfastes de la gravité sur une montre de poignet.

Beaucoup plus raisonnable, beaucoup plus classique mais toujours avec des finitions exceptionnelles, nous avons également eu la chance de photographier en avant-première la nouvelle Excalibur Chronographe 42mm cadran bleu. Alors que pour beaucoup les anciennes collections Excalibur étaient des caricatures de montres Show-Off, cette nouvelle Excalibur Chronographe est au contraire un parangon d’équilibre! Le boitier fait 42mm, la montre est motorisée par le calibre RD681 (4Hz, 52h de RdM), une version «date» du calibre 680 que nous avions eu l’occasion de photographier dans les Monégasques. Ce magnifique mouvement de chronographe bénéficie d’une architecture à étages qui lui confère énormément de personnalité et qui valorise les finitions «Poinçon de Genève». Seul (micro-)défaut, le micro-rotor toujours sérigraphié, alors que pour parfaire l’exercice on espérerait une galvanoplastie avec des lettres en or.
 

Si le calibre est assez fabuleux, on en déjà parlé auparavant, la vraie nouveauté de cette montre est bien évidemment son habillage. Tout d’abord, le diamètre de 42mm est parfait pour une pièce sport-chic, ni trop grand, ni trop petit et en plus elle reste fine (le calibre fait 6.3mm d’épaisseur, contre plus de 8mm pour un 7750). Le cadran bleu conserve le charme de l’Excalibur 42mm Lapis Lazuli. S’il est moins chatoyant et moins démonstratif, il est par contre beaucoup plus polyvalent et discret. Sa couleur oscille entre le bleu nuit et le noir, avec des reflets bleu roi au soleil. La disposition et la grande taille des compteurs est parfaite, elle permet à la couleur du cadran de mieux s’exprimer et donne un charme rétro à la pièce.

L’intégration de la date n’est sans doute pas aussi judicieuse et son disque aurait pu se parer de bleu, ce qui lui aurait permis de mieux se fondre dans le décor. La montre est portable dans de nombreuses circonstances, avec un jean ou un trois-pièces. Bref, il semble que Roger Dubuis affine de plus en plus le tir, chaque pièce est plus envoûtante que la précédente. Si les ressorts de la beauté de cette pièce sont les mêmes que ceux de La Monégasque, son style est quand même différent, sans doute un peu plus sportswear… Objectivement, ce chronographe est magique : esthétique envoûtante, calibre Poinçon de Genève exceptionnel et surtout un prix contenu (autour de 25.000CHF) grâce à l’utilisation d’acier pour le boitier. Une alternative incontournable à nombre de chronographes plus mythiques.
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Roger Dubuis Excalibur Quatuor