Giulio Papi

Plongée profonde au cœur de la créativité avec Giulio Papi

A-t-on vraiment tout inventé en matière horlogère? Assurément non! Sans remettre le découpage du temps en question, en améliorer la précision, la fiabilité et la durabilité est au cœur du sujet. C’est certes peu spectaculaire mais oh combien difficile!

Par Eric Othenin-Girard
Journaliste spécialisé

Je l’ai déjà écrit souvent, travailler dans le monde de l’horlogerie est une aventure technique et culturelle extraordinaire puisque cette discipline est sans doute l’une des plus larges que l’on puisse explorer. Elle fait appel à la philosophie, la créativité, l’art pictural, la technique des matériaux, la recherche de nouvelles matières, les mathématiques, pour ne citer que quelques exemples. Vaste et ouvert, le sujet l’est tellement qu’ils sont très peu celles et ceux qui en maîtrisent non pas l’entier, mais de vastes segments.

Pourtant, lorsque l’on se met à l’écoute de nombreux acteurs du monde de l’horlogerie, on a l’impression de dialoguer avec les rois du monde.

Je ne sais pas pourquoi c’est ainsi, et je l’ai aussi déjà écrit à moult reprises, mais s’immerger dans le décompte du temps provoque, hélas trop souvent, le syndrome du Zeppelin, ce qui revient à dire que moins ils en savent plus les «docteurs donneurs de leçons» ont de la peine à passer les portes tellement ils ont la tête qui enfle.

Giulio Papi Giulio Papi

La compétence pointue engendre la modestie

Dans ce grand fouillis de vantardises égocentriques, il existe heureusement des femmes et des hommes qui ont compris que nous ne sommes jamais intelligent tout seul et que la matière est bien trop vaste pour être à la portée d’un seul cerveau. Ils travaillent donc dans la discrétion, se remettent quotidiennement en question, cherchent, explorent, comparent, essayent et, finalement, trouvent des solutions pour faire progresser l’art horloger dans le domaine le plus difficile et le plus pointu: la fiabilité, la précision et la durabilité.

Certes, aux yeux de l’écrasante majorité des clients et des amoureux de l’horlogerie, gagner une seconde quotidienne de précision n’est pas significatif.

Toutefois, pour celles et ceux qui ont gagné cette seconde, cela représente une victoire, qui se concrétise après qu’ils ont consentis des investissements souvent très lourds, vécu des déceptions, et remis souvent l’ouvrage sur le métier. En obtenant ces succès peu spectaculaires, mais d’importance majeure, ils se gardent bien de pavoiser.

Audemars Piguet Concept watch no 1 Audemars Piguet Concept watch no 1

Giulio Papi, un égo inversement proportionnel à la compétence

Parmi ces horlogers-créateurs aussi modestes que compétents, Giulio Papi, l’un des deux fondateurs de la maison Renaud-Papi qui est devenue aujourd’hui Renaud-Papi-Audemars Piguet. Giulio est sans doute l’un des trois plus grands concepteurs horloger au monde. Mais il est surtout un homme plein de bon sens, avec un parcours extraordinaire. Il se souvient: «Ce qui me passionne depuis toujours ce n’est pas l’horlogerie en tant que tel, c’est la technique automobile, aéronautique et spatiale, en fait tout ce qui est mécanique. L’électronique me parle peu, même si j’ai suivi des cours pour devenir analyste programmeur. Le monde qui nous entoure est mécanique, avec ses lois physiques et la recherche d’explications rationnelles, du comment et du pourquoi, me passionnent aussi.

La partie électromagnétique de notre monde est intéressante mais ne suscite pas beaucoup d’intérêt chez moi. J’ai donc toujours été curieux et, pendant mon enfance, j’observais les choses. Comme tous les gosses, je bombardais mon père de questions et il me répondait toujours. Il connaissait la mécanique, puisqu’il était technicien constructeur de machine-outils. Quant à ma mère, elle a un très grand sens pratique et du bricolage. Elle doit tenir ça de son père qui était maréchal ferrant. Mes premières inventions sous forme de bricolage d’enfant étaient de petites machines, comme le petit moulin à vent, avec ses renvois d’angle et ses engrenages à cheville ; des mécanismes de coffre fort, avec des combinaisons à 3 chiffres ; des automates à bonbons, il fallait introduire de la monnaie pour obtenir un bonbon. Et bien entendu le mécano, j’ai passé des heures avec ce jeu».

Audemars Piguet Tradition d'Excellence no 5 Audemars Piguet Tradition d'Excellence no 5

Choisir un métier

La passion de Giulio Papi pour l’horlogerie est venue plus tard, quand il a dû choisir un métier. Habitant une région imprégnée de microtechnique son choix pour l’horlogerie est venu tout naturellement. Mais c’était une période difficile puisque la crise sévissait.

Il raconte: «C’était en 1979, j’avais 14 ans et j’étais en dernière année scolaire. Comme tous mes camarades, je devais choisir un métier. Personnellement, j’étais attiré par l’automobile et devenir mécanicien sur auto ou m’orienter dans l’électronique en tant qu’informaticien me séduisait. De plus, personne ne choisissait l’horlogerie, car la région avait vécu une crise majeure, suite à la venue de la montre à quartz. Mais mon père, me disait que si j’étais le seul horloger dans la région, j’aurais du travail toute ma vie, car il y a toujours des montres ou pendules à réparer. Bien J’ai choisi l’horlogerie. Mon apprentissage a débuté  à la fin de l’été 1980…et je n’étais pas très convaincu».

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Le seul élève

Crise oblige, les jeunes n’avaient plus d’intérêt et Giulio Papi s’est retrouvé dans la peau de l’unique apprenti horloger. On l’a mis dans la classe des 4ème année car l’école n’allait pas ouvrir une classe pour lui. Dans cette classe il y a avait un maître horloger, qui correspond à l’imaginaire collectif: un horloger capable d’imaginer sa montre, de la dessiner, d’en usiner les composants et de les décorés, pour terminer avec le montage. Même la boîte, les aiguilles et les cadrans ne lui faisaient pas peur.Giulio Papia donc passé la plupart du programme de ses 4 années d’apprentissage avec lui et il a appris beaucoup plus que s’il avait suivis le cursus normal.

A la fin de ses études, en été 1984 et armé de son certificat fédéral de capacité, il s’est mis à la recherche d’un emploi dans une usine d’horlogerie de haut de gamme. Il précise: «mon objectif étant de travailler dans la montre à complication, je me suis dis que si je fabriquais une montre squelette de mes mains, je pouvais démontrer mes réelles capacités. Vite pensé vit fait, en octobre 1984 je me suis présenté chez Audemars Piguet avec ma montre squelette. La discussion avec le responsable des ressources humaines à été très courte, ma montre squelette avait exercé sont pouvoir attractif. J’ai commencé mon job en novembre 1984 dans l’atelier des spécialités de AP. C’est dans cet atelier que j’ai connu Dominique Renaud, mon futur associé. Durant les pauses et le soir après le travail on rêvait de ce que l’on pouvait faire comme montre à complication. Six mois après mon embauche, je suis allé voir le responsable des RH pour me changer d’atelier, je voulais travailler dans l’atelier des montres à complication. La réponse était glaciale et sans appel: c’est au bout de vingt ans de boîte que, peut-être, il serait possible d’aller dans le saint des saints pour travailler sur le saint Graal de la montre à complication. Mon pote Dominique m’a convaincu de créer un atelier à La Chaux-de-Fonds et c’est en février 1986 que nous avons installé notre local. Nous avons enregistré la raison sociale de Renaud & Papi en nom collectif au registre du commerce. Le but est de créer des montres à complication.

Après quelques temps, nous avons cédé la majorité à Audemars Piguet.»

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Puis, le succès

Au fil du temps, le succès s’est installé jusqu’à aujourd’hui, un succès qui fait de Giulio Papi une référence mondialement reconnue. Quand on lui demande quels sont les défis horlogers de demain, Il explique que, chacun en suivant sa voie, l’ensemble de l’horlogerie est déterminé à améliorer la chonométrie des montres, leur fiabilité et leur durabilité. C’est à ce seul prix, et il rejoint là les propos du patron du Swatch Group Nick Hayek, que l’horlogerie suisse va conserver sa longueur d’avance sur ses concurrents et pas à travers du marketing ou uéne guerre commerciale sur les marchés. La tendance de demain c’est donc continuer à creuser le sillon de l’amélioration du fonctionnement des garde-temps.

Eric Othenin-Girard: «Merci à un homme de cœur»

Giulio Papi c’est un tendre, un homme doux, un personnage extrêmement attachant. Il n’oublie jamais de rendre hommage à ses maîtres, il ne critique jamais ses concurrents, il sait honorer toutes les facettes de l’amitié.

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A chaque rencontre, il transmet ce message de gentillesse et de compétence, en toute amitié, sans  jamais marquer le moindre agacement en devant répondre à des questions basiques. Fervent défenseur de l’horlogerie, il n’hésite pas à consacrer du temps à des jeunes qui souhaitent visiter RPAP, à leur expliquer comment cela se passe, à ouvrir son ordinateur pour leur montrer combien il peut être difficile de transformer un raisonnement mathématique en mouvement de montre. Bref, c’est un plaisir de faire partie de ses amis. J’ai cette chance et j’en suis très fier!

Photos: Mouvements et montres dont le mouvement à été conçu par Giulio Papi

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