cover en

Qui a tué le luxe? Un succès de librairie en forme d’enquête

C’est la question que s’est posée Fabio Bonavita dans une enquête journalistique d’un livre aujourd’hui placé au top 5 des ventes en librairie en Suisse romande. Au nombre des interviewés, Watchonista.

Par Laetitia Artal

Fabio Bonavita s’est livré à un exercice périlleux, celui de dénoncer une politique insensible mais rentable des grands groupes. Il a décidé d’écrire sur ces pratiques de rentabilisation.

Le haut de gamme contre le haut chiffre

Fabio Bonavita s’est rendu compte qu’il existait de nombreux livres sur le luxe mais aucun n’abordait la stratégie adoptée par ces grands groupes. C’est donc tout naturellement qu’il a décidé d’investiguer dans plus de quinze pays, à explorer les univers de la mode, de la gastronomie, l’hôtellerie, la joaillerie mais et surtout le monde de l’horlogerie.

Pour ce qui concerne l’horlogerie, hormis quelques CEO et autres figures représentatives du secteur, l’auteur a sollicité l’expertise du rédacteur en Chef de Watchonista Joël A. Grandjean, pour tenter de mettre à jour les éventuelles dérives de la démocratisation des marques et les raisons qui permettent à de grandes enseignes horlogères de garder leur identité. A propos du phénomène de verticalisation dans les groupes, Joël A. Grandjean relève: «Un groupe rachètera une entreprise de la sous-traitance horlogère parce qu’elle est capable de fabriquer du haut de gamme. Or, c’est parce qu’elle s’est fait la main en mode volume sur des pièces de segments inférieurs, qu’elle en est capable. Cette culture de la ‘compétence qui s’acquiert’, de ‘l’excellence à laquelle on parvient’, est malheureusement vouée à l’extinction si cette société n’évolue que dans le haut de gamme. Elle perd ce qui faisait sa substance, sa désirabilité. C’est un cycle triste et inexorable: la quête de la rentabilité est en totale contradiction avec le ‘faire mieux que nécessaire’ ou ‘les arts du détail.’»

Fabio Bonavita Fabio Bonavita

Au cours d’une interview de télévision accordée par l’auteur, oublié l’artisanat, le protectorat d’un savoir-faire arborant un label de qualité, pour laisser place à la profitabilité, de plus grandes marges et bien sûr un chiffre d’affaire grandissant. Ces marques de luxe n’étaient accessibles qu’à un petit nombre de privilégiés. Les groupes ont considéré qu’ils devaient donner accès à une plus grande partie de la population: les classes moyennes ne devraient-elles pas elles aussi avoir un droit d’entrée au rêve? Pour gagner plus d’argent, les groupes adoptent donc des stratégies de développement qui passent par l’augmentation des volumes. L’image du luxe est en train de mourir à petit feu. «Le luxe meurt d’une plus ou moins lente asphyxie dès qu’une histoire entrepreneuriale s’écarte du long terme pour satisfaire la logique immédiate des actionnaires. Le luxe est une affaire de rescapés, souvent des entreprises indépendantes qui auraient dû logiquement disparaître pour ne pas avoir cédé aux tentations de rachat ou de recapitalisation» complète Joël A. Grandjean, toujours à propos de la branche horlogère.

Quant à l’auteur, il estime que certaines sociétés ont su contourner le «made in» en faisant travailler une main d’oeuvre asiatique dans certains pays Européens, comme par exemple l’Italie, les payant avec «des bols de riz» pour réussir le tour de passe-passe de garder la fabrication locale, gage ainsi de qualité pour le client berné.

Joël Grandjean Joël Grandjean, rédacteur en chef de watchonista.com

L’auteur, une plume et un visage télévisuel

Fabio Bonavita a fait ses études à l’université de Lausanne et obtenu un master en lettres puis suis l’enseignement du Centre romand de formation des journalistes (CRFJ) à Lausanne et amorce une carrière de journaliste RP. Aujourd’hui rédacteur en chef d’un magazine politique et de l’émission économique 3DECO sur la chaîne de télévision genevoise Léman Bleu, il est également régulièrement invité à écrire pour Watchonista, comme contributeur. Ce qui devrait donner envie aux acteurs de l’horlogerie suisse de découvrir ce travail de deux ans de recherches.

Les stratégies de rendements causent-elles des dommages évidents? Sont-elles à l’origine d’une image écornée du luxe?  Ce livre à la fois engagé et accompli, est enclin à faire réfléchir sur le virage qu’ont décidé de prendre les grands groupes, avec une popularisation qui risque bien de lasser tout le monde.

Achetez le livre:  "Qui a tué le luxe?" sur Amazon.

Et recevez chaque semaine une sélection personnalisée d'articles.

Exclusif: sortie du Livre Blanc par la Fondation de la Haute Horlogerie

Par Laetitia Artal
Une référence, un label pouvant définir les différents critères de la Haute Horlogerie. Sept domaines d’expertise afin...

A lire. Un livre sur le luxe, à dos d’éléphant

Par Joel GrandjeanRédacteur en Chef
Sur fond de forêt sud-africaine, de règne éléphantesque et d’espèce menacée, Laurent Lecamp, co-auteur du livre...