Poils, je vous aime? Horlogères pilosités…
Phénomène récent, les poils poussent de manière totalement hirsute dans l’univers de l’information horlogère visuelle. Quel amateur n’a-t-il pas un jour photographié sa montre posée à son poignet? Beurk…
Je suis conscient qu’avec ce billet d’humeur, il se pourrait bien que j’aille bientôt chercher un nouveau job. En effet, je travaille pour deux éditeurs qui sont adeptes de ce que je critique ici. Arriverais-je à les convaincre de renoncer à leur pulsions photographiques autres que les superbes shooting qu’ils savent organiser, dans des décors sublimes et au fil d’une créativité passionnelle? J’en doute puisque, à chaque fois qu’ils s’emballent pour un modèle, leur premier réflexe est de faire exactement ce que je dénonce. Focus sur une pratique qui n’a pas fini de diviser dans les chaumières et qui aurait tendance à me hérisser les… poils.
Tendance à payer de sa personne
Les poils, quels poils? Ceux qui, plus ou moins parsemés, se développent naturellement à l’extrémité de la plupart des poignets masculins, fort heureusement principalement masculins… Car voici que les pratiques horlogères en matière de photos se sont vues ces dernières années confrontées à l’apparition d’une nouvelle manière de communiquer: mettre une montre à son propre poignet, l’enfiler, et, avec l’autre main, dégainer son smartphone pour la photographier.
Cette tendance, c’est un peu comme s’il fallait absolument clamer partout que «j’y étais», que «je l’ai eue dans les mains» et donc, que «j’ai envie que ça se sache.» C’est un peu le selfie adapté à l’horlogerie. Le problème, c’est que ceux qui s’adonnent de manière systématique à ce geste n’ont pas pensé qu’un accord de sponsoring avec une marque de produit épilatoire serait le bienvenu. D’ailleurs, et les initiés le savent, un certain blogueur très connu, Ariel Adam, fondateur du site aBlogToWatch.com, est réputé pour s’épiler cet endroit du corps afin que sa foison corporelle ne s’immisce pas dans le champ de ses objectifs photo!
Le poli brossé poilé
Ainsi donc, une irruption pileuse inopportune s’invite au passage, sur l’image. Elle est disgracieuse, à la limite déconcentrante. Elle ne met pas le garde-temps en valeur, pire, elle le dénature, le dépouille parfois de sa charge émotionnelle. Et le plus étonnant, c’est que personne ne s’en offusque alors que le même poil retrouvé dans un plat de nourriture déclencherait les plus effroyables réactions de rejet.
Contre cette pollution touffue du message principal qui demeure une montre sur laquelle de nombreuses mains expertes ont exercé leurs talents et leur minutie, un modèle que les meilleurs Canon ou Olympus ont tenté de capturer sous ses tous ses angles pour embellir les pages des catalogues ou des dossiers de presse, personne ne peut lutter.
Les blogs et les pages dédiées sur les réseaux sociaux qui affectionnent particulièrement ce genre de photos, sont légion. Ils poussent et se multiplient. Au fil de leurs flux, ces clichés d’un nouveau genre fleurissent, se généralisent. Au point d’être parfois imités par les médias imprimés, voire par de véritable magazines professionnels en ligne. Watchonista, votre média préféré, en fait donc partie. Imaginez nos séances de rédaction, animées par l’envie de deviner, sans l’aide du précieux test ADN, à quel avant-bras le poil égaré se rattache. C’est chaud parfois, tant une telle paternité est difficile à déterminer et tant la pratique exclut de facto toute intrusion féminine dans le propos.
Album photo en réponse
Un de ces jours, c’est sûr, le secteur horloger se dotera d’une structure rebelle, d’un organe de résistance, du genre CEPP, le Comité Ethique Contre la Prolifération des Poils. D’ici là, mes deux éditeurs, par ailleurs à l’origine du célèbre groupe Facebook intitulé Wristshots,répertoriant les plus belles prises du genre, auront peut-être géré de manière circonscrite et définitive leurs épilations respectives. Quoiqu’il en soit, grâce à mes lignes critiques, dans le dessein peine perdue de me faire changer d’avis, ils auront ressorti leurs plus belles photos poilues. Notamment celles prises à même les halles de folie de Baselworld 2016. De cet album témoin de leurs coups de coeur, pétri d’ingrédients corporels prouvant leur totale implication dans la passion horlogère, naîtront sans doute les valeurs sûres du moment et peut-être, les découvertes de demain.