RM056 FM10Y

L’heure en toute transparence

Les horlogers ont toujours eu pour plaisir de rendre visible tout ou partie de leur travail et ils jouent depuis longtemps maintenant avec la transparence de certains matériaux pour mettre leur art en lumière.  Limpide !

Par Vincent Daveau
Contributeur

Certains amateurs ou professionnels oublient parfois combien le talent humain est pratiquement sans limites et combien les artisans du passé étaient capables de réaliser de prouesses techniques avec les moyens du bord. Ainsi, en cherchant bien dans les grimoires, on découvre que les horlogers ont, depuis longtemps, trouvés des solutions pour mettre en avant leur savoir-faire en travaillant, en particulier les boîtiers de leurs montres dans des matériaux naturellement transparents. Ainsi, dès le XVIIème siècle, les montres que d’aucuns appellent « des vanités » arboraient des boîtiers en forme de croix ou de crâne qui étaient taillés dans des blocs de quartz naturels. Leur précieuse transparence  permettait ainsi à tous les observateurs de découvrir les fragiles composants réalisés en ces temps là, à l’unité par de talentueux horlogers. Ce moyen  offrait aux mouvements d’une précision alors toute relative d’être traités comme des bijoux. Elle offrait également de préserver la mécanique des poussières ou de malheureuses manipulations et permettait, d’une certaine façon d’attiser les passions pour cette technologie alors à son balbutiement.

Omega De Ville Hour Vision Omega DeVille Hour Vision

L’ère des exploits visuels

Ces merveilles sont aujourd’hui tout de même connues car on en trouve régulièrement quelques exemplaires dans les meilleurs musées horlogers. Ce que l’on sait moins, c’est que des horlogers américains comme Waltham, Illinois ou Elgin ont créés, dans la seconde moitié du 19ième siècle, des montres de poches dont les mouvements étaient eux-mêmes réalisés dans du quartz naturel, trouvé dans quelques gisements géants de l’Arkansas. Ces pièces osées laissaient voir leurs composants qui se trouvaient alors comme en suspension dans le boîtier. Marginales, ces références d’exception ont donné naissance à des instruments comme les pendules mystérieuses dont l’horloger Houdin s’est fait une spécialité et dont Cartier s’est finalement fait une spécialité.

de Grisogono Exo de Grisogono Exo

La transparence de la modernité

Evidemment, la mise au point de matériaux techniques dans le courant du XXème siècle a élargi l’horizon des horlogers ou des marques en quête d’originalité. Le procédé Verneuil permettant la synthétisation du saphir allait ouvrir différents débouchés aux maisons désireuses de sortir du lot en toute transparence. Evidemment, en cherchant bien dans les grimoires, Tissot avec l’Astrolon Idea 2001 a tenté des calibres en matériaux synthétiques plus ou moins transparents. Dans la foulée, Swatch ouvrait le bal des boîtiers en plastiques transparents capables de laisser voir par les flancs le dessus et le dessous les calibres de leurs montres. Cela devait donner des idées aux horlogers traditionnels qui revenaient sur le devant de la scène à l’aube des années 90. Ainsi, certaines maisons faisaient usage des fonds transparents en saphir pour laisser voir la finesse des mouvements mécaniques que beaucoup avaient cru voir disparaître. La mise en lumière de leurs rouages, de leurs vis et des finitions contribuait à relancer l’intérêt pour une mécanique dont la magie est de demeurer peu intelligible pour le plus grand nombre lors même qu’elle est mise à nu.

Tissot Astrolon - 1971 La Tissot Astrolon de 1971

Aller au cœur des choses

A la toute fin des années 90, on va dire à l’aube des années 2000, la manufacture Audemars Piguet, boostée par l’entité qui allait devenir APRP, se lançait dans la mise au point de mouvements usinés dans du quartz rutile pour une série de pièces de la collection Edward Piguet. Ce travail magnifique est toutefois tombé dans l’oubli sauf pour quelques marques qui ont su anoblir la pure mécanique en proposant la transparence comme un mode d’accès aux complications. A ce jeu, il faut reconnaître à Guy Ellia, joaillier passionné de montres, d’avoir été un précurseur dans le domaine. Il a été le premier à proposer un boîtier de montre réalisé en verre saphir usiné. Depuis, l’idée s’est généralisée et Omega a sorti une DeVille Hour Vision dont la carrure était usinée dans un bloc de saphir. Mais il ne faut pas s’y tromper, l’idée était dans l’air et Richard Mille préparait une réplique à ces tendances que des artisans comme Christophe Claret savait manier pour ses clients avec un certain talent. L’artiste créateur à l’origine de l’engouement d’un métier traditionnel pour le futurisme a su rebondir sur la transparence et communiquer autour en proposant ses premiers modèles dotés d’un boîtier intégralement réalisé en saphir de synthèse. La finesse de ce commerçant a été de détailler le mode de fabrication en soulignant bien combien la transparence est complexe à atteindre et combien d’y parvenir peut être onéreux. Cette limpidité du propos lui a permis de proposer à la vente ces instruments en verre à des prix défiant toute concurrence. Mais on revient dans un certain sens à ce qu’étaient « les vanités » du passé : des outils taillés pour offrir à leurs propriétaires de se faire reconnaître de leur vivant comme des visionnaires ayant anticipé le futur.

Guy Elliy Zephyr 2007 Guy Elliy Zephyr de 2007

On notera que les quelques maisons citées n’ont pas l’exclusivité du procédé. La preuve, Dior a proposé il y a quelques années, un tourbillon dont les ponts du mouvement étaient réalisés dans un bloc de saphir légèrement coloré. Chanel a également joué avec la transparence en habillant son tourbillon J12 de verre optique. On sait également que la maison Kerbedanz propose à son catalogue une montre à tourbillon baptisée Koï, dont le calibre manuel transparent mu par un tourbillon manufacturé par Kerbedanz et Concepto est habillé d’un cadran en or gris, travaillé en rond de bosse afin de présenter des carpes Koï comme si elles se trouvaient dans un bassin miniature.

Kerbedanz Koï Kerbedanz Koï

Une certitude, c’est encore Richard Mille qui, avec la toute nouvelle RM 056, rappelle qu’il possède une vraie expertise dans le secteur de l’usinage des boîtiers en saphir. Il le démontre avec brio et transparence en présentant la toute nouvelle RM 056 destinée à célébrer le dixième anniversaire de son partenariat avec Felipe Massa, le pilote de Formule 1. Dans ce cas précis, cette construction dont le boîtier en trois parties est intégralement réalisé en saphir transparent et le bracelet en matière synthétique elle aussi transparente, permet de mettre en lumière le complexe calibre de chronographe mécanique à remontage manuel doté d’une complication de rattrapante et dont la structure est constituée de plus de 500 composants. Mais la tendance est là et la maison de Grisogono travaille également ce matériau dur et fascinant pour le boîtier de la montre EXO, mais également pour celui de la New Retro.

Dior Chrystal Tourbillon Diamants noirs Dior Chrystal Tourbillon Diamants noirs

Gageons que ce type de construction se généralise car l’univers horloger en attend toujours plus de la part des marques dont les prix vont toujours à la hausse… Et dans ces conditions, on en conviendra, il faut bien que les consommateurs en aient pour leur argent. 

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