Czapek, résurrection d'un joyau historique

De cet horloger polonais d’origine tchèque, premier associé d’Antoine-Norbert de Patek, on ne sait pas grand chose. Tout au plus l’histoire confirme-t-elle qu’avant d’être approché par son compatriote Monsieur de Patek, un migrant comme lui échoué en Suisse après avoir fui son pays pour échapper une débâcle militaire, il avait déjà eu l’occasion d’exercer ses talents d’horloger en s’associant à un certain Moreau.

Czapek Cie Pocket Watch

200 ans après sa naissance, Czapek fascine encore

Ensuite, hormis quelques montres qui se trouvent au Patek Philippe Museum ou qui refont régulièrement surface dans les catalogues des principales maisons de ventes aux enchères, hormis quelques traces qu’un historien spécialisé a retrouvées dans les registres genevois ou français, on apprend qu’il fut nommé par Napoléon III «Horloger de la Cour Impériale», qu’il avait des clients prestigieux issus de la noblesse d’alors et que malgré l’ouverture d’une boutique à la Place Vendôme à Paris et d’une autre à Varsovie, il avait conservé son atelier au Quai des Bergues à Genève.

Czapek Quai des Bergues en or rouge

Alertés par une poignée de passionnés, des quidams passionnés d’histoire, Harry Guhl, Xavier de Roquemaurel ainsi qu’un horloger s’entichent de cette histoire oubliée et décident, plus de 200 ans après la naissance, de lui redonner vie. Impressionnés par leur découverte, surpris de se retrouver face à un tel monument et de s’apercevoir qu’ils peuvent en acquérir les clefs, ils se mettent à rêver. Après l’excitation des perspectives, les trois hommes retroussent leur manche, conçoivent un projet et, dans le plus grand secret, définissent un business plan. Il leur faut avant tout faire preuve d’une grande humilité tant la légende à laquelle ils s’attaquent inspire le respect.

Czapek Quai des Bergues en or blanc

Un style Czapek existe-t-il?

C’est en observant la superbe montre de poche référence n° 3430 fabriquée par Czapek & Cie à Genève vers 1850 qu’ils définissent les codes horlogers et esthétiques qui seront leur guide line. L’oeuvre de l’horloger Franciszek Czapek offre plusieurs points de repère. Tout d’abord, cette élégance racée, pure, épurée. Puis, ces aiguilles de forme qui voient pousser au fil de leur tige élancée, une fleur de lys finement ciselée. Il y a aussi ces chiffres romains étirés, la matérialisation altière d’une quête du perfectible. Enfin, une originalité dans l’affichage des indications horaires ou calendaires, puisque deux sous-compteurs se trouvent, c’est inhabituel, positionnés à 4h30 et à 7h30. Il y a donc bien un style Czapek, une identité que les gens du marketing ont coutume d’appeler aujourd’hui, l’ADN d’une marque. Il y a surtout le caractère d’un personnage, à la fois érudit et maitre des arts horlogers, dont la maxime aurait pu être, «le succès qui naît de la persévérance.» S’inspirant fidèlement de la raison sociale inscrite dans le registre des sociétés le 1er mai 1845, Czapek & Cie, les trois associés déposent le nom de leur entreprise marque et entament leur devoir de mémoire.

Czapek Quai des Bergues en or rouge

Toujours en phase avec ce style qu’ils sont parvenus à définir à partir d’éléments retrouvés, ils développent avec le concours du motoriste loclois Chronode, alias Jean-François Mojon, un calibre propriétaire baptisé le Czapek SXH1. L’architecture de ce mouvement reprend les lignes principales d’un des calibres d’époque. A remontage manuel, ce mécanisme destiné à indiquer sobrement les heures, les minutes et les secondes, vibre à 21’600 alternances par heure, soit une fréquence de 3 Hertz. Une fois ses deux barillets remontés, sa réserve de marche atteint les 168 heures. Du côté des finitions qui se laissent admirer au revers de la montre, il y a ces doubles rochets ouverts, cerclés, anglés poli, ces roues cerclées, ces ponts microbillés et ces vis bleuies. Il y a surtout cette petite seconde posée à 7h30 et cet indicateur de réserve de marche, à l’intérieur d’un compteur installé à 4h30, qui se voit couplé à un semainier.

Czapek Quai des Bergues en titane

En 2015, la collection Quai des Bergues

Quant à la boîte, elle débouche pour commencer sur une famille de six modèles baptisée Quai des Bergues, en hommage à l’atelier boutique que l’horloger possédait à Genève. Son design a été confié à Antoine Tschumi du studio Neo Design. Elle est en or rose ou en or blanc, sur les deux modèles les plus classiques, avec leur cadran émail grand feu et leurs aiguilles bleuies ou, uniquement pour l’or rose, en forme de lys.

Dessous de la Czapek Quai des Bergues

Afin de démontrer que le poids du passé n’empêche pas de vivre avec son temps, le titane a été utilisé pour une version dont le cadran carbone, c’est inédit et innovant, propose un rendu vinyle obtenu à partir de l’enroulement d’une unique fibre. Enfin, la boîte Quai des Bergues se décline également en acier. Mais là encore, pas question de se priver d’une première. Grâce à quelques connivences avec des acteurs de l’univers de la métallurgie, nos trois associés dénichent le XO, un acier vieux de presque 100 ans qui n’a jamais encore été utilisé en horlogerie. Ce matériau, qui se travaille plus difficilement qu’un acier normal, a la particularité d’être hyper résistant à toute forme de corrosion.

Harry Guhl & Xavier de Roquemaurel, co-propriétaires de Czarpek

Crowdequity, plus que des montres, des actions

Face à la problématique du financement d’une nouvelle marque, les trois entrepreneurs se lancent trois défis. Le premier est de réunir, grâce à leurs connexions, un premier apport de fonds en provenance d’investisseurs et passionnés de Pologne et de Tchéquie, les deux lieux d’origine de François Czapek. S’ajoute ensuite aux montant obtenus, le fruit d’une vente bien particulière. Il s’agit d’un chronographe spécialement fabriqué uniquement pour le cercle des amis et des intimes. Ce modèle qui renferme un calibre Valjoux historique et porte le nom de Czapek Design Study Chronograph, sera peut-être un jour un collector. Dès lors, les travaux peuvent commencer: recherche et développement d’un calibre propriétaire, phases de prototypage et mise en production de pré-séries.

Ce 10 novembre 2015, face aux médias réunis aux abords de l’Horloge Fleurie à Genève, la naissance de Czapek & Cie et de la première collection Quai des Bergues est officielle. Les montres sont bien là, elles sont réelles. Le calibre est en marche, il se laisse admirer par la glace saphir du fond. Au programme des annonces également, le lancement de la troisième phase de financement. Là encore, il s’agit d’un ingénieux système de crowdfunding. Un mécanisme financier qui permet, par l’intermédiaire de la plateforme européenne Raizers, d’acquérir non pas une montre, mais une ou plusieurs actions de la société. On appelle ça le crowdequity. C’est tentant. D’autant plus tentant que les actionnaires sont les premiers mis au courant des promesses d’avenir et des secrets maison. Par exemple, ils sont les seuls aujourd’hui à connaître déjà le nom et les particularités de la famille de modèles planifiée pour 2017. Czapek revit, l’histoire n’a pas dit son dernier mot.

Czapek Design Study Chronograph