Un symboliste? L’arme secrète de Kerbedanz
Au revers d’un communiqué de presse vantant les vertus «sur mesure» de la marque horlogère, une phrase attire mon attention. Insignifiante, placée là où on s’attend le moins à dénicher des perles de langage…
L’horlogerie se serait-elle dotée d’un nouveau métier? Le texte mentionne «Kerbedanz s’est adjoint les services d’un symboliste…» Il semble que la marque, une enseigne horlogère indépendante sise au bord du lac de Neuchâtel, n’en soit pas à son coup d’essai en matière d’originalité. Ainsi invente-t-elle des mots, des expressions, voire des nouveaux métiers…! Ainsi se permet-elle même de transformer en cheval de bataille une pratique que ses concurrentes, des marques occupant comme elle le top niveau de la pointe de la pyramide du luxe, ont tendance à taire, en tous les cas à ne pas ébruiter.
Le sur-mesure intégral
Le concept du sur-mesure horloger connaît encore quelques réticences à faire partie des communications officielles. Allez donc faire avouer à une grande enseigne du luxe que son modèle si demandé, si attendu et si prisé, subit fréquemment des demandes de personnalisation! Parfois des caprices, des desiderata loufoques autant qu’inattendus ou tout simplement irréalisables. Il ne faudrait pas en effet encourager un phénomène qui, non seulement s’avère chronophage, mais en plus pourrait laisser entendre que ladite marque manque de caractère. Pourtant, ceux qui disposent de surfaces financières illimitées mêlées à des passions invétérées, sont très souvent enclins à demander des faveurs qui, lorsqu’elles sont accordées, le sont dans la plus helvétique des discrétions.
Chez Kerbedanz, la logique est différente. Le concept de la pièce unique, qui se décline ensuite vers des séries ultra limitées et systématiquement numérotées, fait partie de l’ADN. C’est d’ailleurs parce qu’elle a vendu environ une quatre centaine de pièces sur ce mode de la commande personnelle qu’elle en est venue à emménager face au Lac de Neuchâtel et à s’offrir une place au soleil de la haute horlogerie mondiale, à savoir un pignon sur rue au coeur du terroir suisse originel.
Un symboliste et un parcours initiatique
Ainsi, le client peut-il tout exiger, tout adapter, tout transformer. Ainsi peut-il, lorsqu’il désire acquérir un garde-temps Kerbedanz, décider du diamètre de la boîte, de la complication horlogère qui caractérisera son calibre, des motifs qui orneront son cadran ainsi que des matériaux dont seront issus autant les parties visibles que cachées. En professant qu’elle entend «donner du sens à la beauté», il s’agit de son slogan, la marque assume cette infinité de possibilités qui rendront l’objet final du désir totalement unique. Mieux, la elle encourage cette démarche faite d’une multitude d’allers et retours, d’une phase d’échange intense entre son équipe de cinq designers et son client.
Et c’est là qu’intervient le symboliste. Dans la vie, Michel Cugnet est un auteur, un érudit. Un grand connaisseur ès symboles, un véritable cartographe en signes de toute obédience, un passionné de toutes les formes de civilisation, actuelles ou passées. Son intervention en fait à la fois un récepteur et un détecteur des voeux du futur acquéreur. Il sait le passer au crible de son savoir, l’incitant à se découvrir, à se révéler. «La marque manie autant les éléments connus que ceux qui resteront confidentiels. De l’esthétique réussie, à première vue anodine, découle soudain une luxuriance de symboles, d’allégories, de références plus ou moins directes à des contextes sociaux ou géopolitiques», détaille le communiqué officiel.
Bien que la marque soit passée maître de l’étude personnelle de cas avec sa collection représentative baptisée «Ê», dont la particularité est la conversion de la subtilité des appartenances zodiacales en détails précis et intimes, elle n’hésite pas à aller bien au-delà d’une date, d’une heure ou d’un lieu précis de naissance. «Nombreuses sont les montres qui racontent des histoires. Unique est celle qui s’inspire de l’histoire de son propriétaire» explique Kalust Zorik,en charge de la direction marketing. Il ajoute: «Kerbedanz est la seule marque d’horlogerie haut de gamme à alimenter son attractivité par la démarche du parcours initiatique. Chaque création, chaque oeuvre, est un condensé de symboles. Elle est saupoudrée au niveau inspiration par des reliefs culturels et cultuels d’époques et de territoires distincts.»
Vocabulaire enrichi
Kerbedanz mise sur la carte de l’originalité. Pour en incarner les concepts, elle y ajoute, non sans malice, la truculence de quelques néologismes. Ainsi offre-t-elle à ses clients une nouvelle appellation: MIP, pour Most Important Personnalities, comme pour mieux se distancer de l’abrévation VIP désormais utilisée à toutes les sauces. Quant à son designer en chef, celui qui, à l’ancienne, manie le trait crayonné et l’esquisse prometteuse, elle l’a désigné CDO, Chief Designer Officer, certes parce qu’il fait partie de l’équipe dirigeante, mais aussi parce qu’il reste la pierre angulaire de sa stratégie de sur-mesure. Pas étonnant dès lors qu’elle dote le secteur d’un nouveau métier, celui de symboliste!