Parmigiani Fleurier Senfine

Parmigiani Fleurier Senfine: la longue marche d’un futur en suspension

La quête du mouvement perpétuel est un peu la pierre philosophale des horlogers. Avec le nouveau calibre Senfine, ceux de Parmigiani Fleurier semblent approcher l’asymptote. Faustien!

Par Vincent Daveau
Contributeur

Le nom de ce produit étonnant et attractif est déjà une invitation à se replonger dans l’histoire de l’horlogerie. Le mot «Senfine» est tiré de l’«Espéranto», une langue universelle inventée pour tenter de faire se rapprocher les peuples au tournant du XIXème siècle et que les horlogers suisses avaient en affection, comme le prouve un certain nombre d’exemples, la manufacture Movado (en mouvement), en tête. Comme tout le monde l’aura compris – et c’est le but -, il exprime l’idée de quelque chose qui n’aurait pas de fin ou d’un espace infini, de quelque chose d’éternel… C’est le cas de toutes les quêtes!

Viser toujours plus loin

Durant la présentation de ce nouveau calibre mécanique à remontage manuel disposant d’un nouvel organe réglant lors du SIHH 2016, le public invité a focalisé son attention sur la durée de réserve de marche.

Parmigiani Fleurier Senfine verso Parmigiani Fleurier Senfine verso

Seulement, ce n’est pas la seule innovation qui fait de ce cœur d’exception un produit dont il est possible d’espérer beaucoup plus que de seulement se permettre de marcher longtemps sans avoir besoin d’être remonté.

Que les choses soient claires, le calibre mécanique qui a été dévoilé lors de ce salon était un prototype, un élément d’un projet en cours de développement au sein des ateliers de Parmigiani Fleurier. Ce choix a été fait de révéler un pan d’une révolution dans l’art de la mesure du temps parce que, selon ses concepteurs, il est important de partager les découvertes à certaines étapes de l’élaboration d’un changement majeur. Car, il faut le dire, la génération spontanée n’existe pas et l’évolution des sciences et des idées est aussi une somme d’échanges entre personnes autorisées. Et quel échange!


Parmigiani Fleurier présente le concept Senfine

Avoir d’autres perspectives pour atteindre son but

Ces dernières années, on a vu les montres gagner deux jours d’autonomie parce que les directeurs d’études ont exigé que les garde-temps mécaniques de qualité parviennent à passer le week-end sans avoir besoin d’être remontés… Il faut voir le côté pratique de la chose et l’idée a cela de bon que tout le monde n’est pas équipé d’un oscillateur à montres permettant de gérer l’armement du ressort de barillet, une fois la pièce enlevée du poignet.

Mais comme le disait également Takahiro Hamaguchi, le responsable du Développement Mouvement au sein de Vaucher Manufacture: «L’horlogerie s’est contenté jusqu’à aujourd’hui d’augmenter l’approvisionnement en énergie pour faire fonctionner une montre le plus longtemps possible.» Et Florin Niculescu, du Développement Produit chez Parmigiani d’ajouter: «…c’est un peu comme si, pour faire rouler une voiture deux fois plus longtemps, les constructeurs s’étaient contentés de doubler la quantité de carburant embarquée.» La vie est faite de rebondissements et les horlogers de chez Parmigiani Fleurier auraient pu rester sur cette constatation qu’un calibre traditionnel est passablement énergivore. Seulement, leur envie de se dépasser a été aiguillonnée il y a quelques années par un concept mécanique mis au point par Pierre Genequand, un ingénieur genevois, ancien collaborateur au CSEM, le Centre suisse d’électronique et de microtechnique.


The WatchesTV présents Parmigiani Fleurier Senfine

Révolution en suspension

Aujourd’hui, le calibre Senfine qui a tout de même demandé 6 ans de mise en œuvre par les horlogers et ingénieurs de la manufacture Parmigiani Fleurier est l’aboutissement d’un principe présenté à l’état de maquette par cet ingénieur.

Comme le soulignait Florin Niculescu, cette recherche fondamentale réalisée par un spécialiste en matière de réduction des frictions, a servi de base à une réflexion qui, globale, permet de résoudre l’essentiel des problèmes de dépenses énergétiques rencontrées hier dans le métier. Grâce à l’apport fait par Pierre Genequand qui n’est pas le moins du monde horloger - et qui n’a d’ailleurs pas pensé son invention comme l’aurait fait un maître des montres - les horlogers traditionnels prêts à remettre en cause deux siècles de savoir et d’habitudes, ont planché sur la proposition de cet ingénieur avec un œil neuf afin de pouvoir considérer avec détachement le mode même de fonctionnement de ce cœur d’un type nouveau.

Parmigiani Fleurier Senfine recto Parmigiani Fleurier Senfine recto

Cet ingénieur, spécialiste en ingénierie spatiale exploitant les propriétés sans frictions des articulations flexibles, avait posé le premier jalon, en saisissant le problème des frictions par son extrémité inverse et converti une technologie aérospatiale à l’infiniment petit de l’horlogerie. Une fois cela fait, les artisans mécaniciens de l’entité motoriste du pôle horloger Vaucher Manufacture Fleurier, devaient pouvoir s’en emparer pour lui donner un sens plus horloger.

D’une idée farfelue au produit fini

On l’aura compris en le regardant, ce nouveau type de régulateur n’aurait pas pu voir le jour sans l’existence de nouvelles technologies comme la Drie, l’acronyme pour la gravure ionique réactive profonde. Car dans cette construction, certains composants monoblocs possèdent des parties qu’il n’est possible de réaliser en raison de leur finesse extrême, qu’à l’aide de cette technique de découpage. Résultat: l’oscillateur Senfine dispose de guidages à structures flexibles (entendez par là de micro lames ressorts) dont l’angle de flexion ne dépasse pas 16° d’angle (alors qu’un balancier classique oscille entre 240 et 320°), qui remplacent à la fois le spiral en raison de l’effet de rappel, mais qui tiennent aussi lieu de pivots puisque la pièce est également portée par ces deux lames se croisant au centre de ce disque à l’étonnante dépouille.

Parmigiani Fleurier Concept Le concept Parmigiani Fleurier Senfine

Ce balancier en suspension et, par conséquent travaillant sans friction, inclus également son ancre dont les mouvements semblent échapper à l’effet Joule (tout déplacement consomme de l’énergie). Au final, cet ensemble ultra cohérent régulé par un échappement dit «à Sauterelle» à contact permanent et haut rendement (16 Hertz), inspiré de celui mis au point par John Harrison dans la première moitié du XVIIIème siècle pour sa première pendule marine (H1), consomme fort peu d’énergie malgré la haute fréquence.

A l’avenir, ce nouveau mouvement, précis et optimisé pendant l’année 2016 pour passer avec succès les épreuves du Contrôle officiel suisse des chronomètres, doit pouvoir fonctionner durant plusieurs semaines avec un seul barillet dont l’énergie est normalement dégradée en 48 heures dans une montre classique. Qui dit mieux?

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