L’horlogerie industrielle au cœur de l’habitat
S'il est absolument impossible de déterminer l'endroit précis où a été inventée l'horlogerie, il ne fait aucun doute que les villes du Locle et de La Chaux-de-Fonds ont joué un rôle essentiel dans le développement de l'art de la mesure du temps.
De la fin du 19ème siècle jusqu'à aujourd'hui, les deux cités des montagnes neuchâteloises n'ont cessé d'appliquer un urbanisme audacieux, mélangeant subtilement bâtiments d'habitation et structures industrielles. Cette intégration des activités industrielles dans l'habitat a fini par créer un phénomène urbanistique tel qu'un dossier a été préparé pour présenter les deux villes à l'inscription du patrimoine mondial de l'UNESCO. Et après des années de travail, le 27 juin 2009, cette inscription était acceptée.
Deux villes neuchâteloises du haut
On le sait c'est au Locle, mère commune des montagnes neuchâteloises, que tout a commencé.
Pourtant, l'exemple le plus frappant est sans aucun doute la ville de La Chaux-de-Fonds.
En 1794, la petite bourgade de La Chaux-de-Fonds, construite autour et sur la colline de son "Grand Temple" était totalement réduite en cendres. Avant de reconstruire, les habitants ont mené une réflexion afin de créer un habitat le plus confortable possible, tout en favorisant le travail de construction des montres. Pour cette réflexion, ils ont tenu compte de trois facteurs, à savoir les vents, l'ensoleillement et, dans une région enneigée plus de 4 mois par an, la circulation des véhicules, à l'époque calèches, chars et autres moyens de déplacement.
Bien plus qu’une affaire de lumière
Les constructeurs et architectes ont donc examiné la vallée de La Chaux-de-Fonds et ils ont constaté que les vents venaient soit de l'ouest, soit de l'est, c'est à dire qu'ils suivaient la forme de la vallée. Ils ont donc décidé, pour conserver la chaleur des bâtiments, de construire des blocs de quatre ou cinq maison mitoyennes de 6 appartements chacune. Ainsi pour 6 maisons il n'y avait qu'une seule façade ouest et une en est, sur la partie la moins large du bâtiment.
Ensuite, les questions de lumière et d'ensoleillement furent analysées. Les constructeurs qui allaient bâtir les maisons face au sud, ont mesuré à quelle hauteur le soleil montait le 21 décembre au jour le plus court de l'année.
L'objectif était de construire des maisons dont chaque appartement serait éclairé par le soleil durant toute l'année. Ils ont constaté que s'ils voulaient ériger des maisons de 3 étages avec deux appartements par étage, il fallait inclure un certain espacement entre elles face au sud. C'est ainsi qu'est né le concept: Rue – Jardin – Maison. En clair cela signifie qu'à partir de l'avenue Léopold-Robert qui longe la vallée à son point le plus bas, on allait installer des blocs de maisons puis, derrière, en remontant vers le nord, on allait tracer une rue et derrière elle, installer un jardin potager d'environ 15 mètres de largeur, tout au long de la maison, avant de bâtir une nouvelle maison, et ainsi de suite. Chacun des appartements bénéficiait donc du maximum de soleil tout au long de l'année. Cet apport de lumière a évidemment favorisé le développement d'activités techniques relatives à la fabrication des montres, notamment toutes les parties mécaniques et industrielles. Toutefois, le promeneur constatera que de nombreux bâtiments industriels possèdent aussi des fenêtres de grande dimension au nord. Là, on installait les horlogers qui ont besoin d'une lumière régulière.
Perles architecturales historique
Enfin, dans cette ville construite à l'américaine avec de longues rues, on a pensé aux déplacements durant l'hiver et on a pris le parti de construire un damier, c'est-à-dire que toutes les rues allant de l'est à l'ouest étaient coupées, tous les 250 mètres, par une rue perpendiculaire nord-sud. C'est ainsi que fut reconstruite La Chaux-de-Fonds qui connut un développement extraordinaire au 19ème siècle et durant les 50 premières années du 20ème siècle, comme en témoignent les nombreux bâtiments d'un patrimoine architectural et technique unique au monde. Et ce patrimoine est bel et bien exceptionnel puisque la ville construisit un théâtre avant d'édifier un hôpital, que ce théâtre à l'italienne, magnifique, est aujourd'hui monument national, pour ne citer qu'un seul exemple.
En parcourant les rues de la métropole de l'horlogerie, puisque c'est ainsi qu'était qualifiée La Chaux-de-Fonds au temps de sa splendeur, le promeneur aura l'opportunité de découvrir de véritables merveilles de l'art nouveau et de l'art déco, notamment d'innombrables maisons d'habitation décorées de vitraux tous plus beaux les uns que les autres ainsi que des balcons décorés de ferrures art nouveau qui sont de véritables œuvres d'art.
Les horlogers de l'époque, et notamment de nombreuses familles juives, qui furent à l'origine du développement de marques de grande renommée, étaient des amateurs d'art et on raconte que La Chaux-de-Fonds fut l'un des endroits au monde où les collections des œuvres des grands impressionnistes étaient les plus riches de la planète.
A parcourir et à visiter
Aujourd'hui, la ville s'est étendue et les nouvelles constructions industrielles relatives à l'horlogerie s'installent le plus souvent à l'ouest de la vallée, juste avant la descente qui mène au Locle. S'il n'est plus question du concept Rue - Jardin – Maison, chaque marque qui s'implante ou se développe dans les deux villes veille à construire un ou des bâtiments qui restent en harmonie avec l'esprit de la construction de l'époque et le respect du style de cette vallée toute entière tournée vers la haute technologie de la mesure de la fuite du temps.
Et pour toutes celles et ceux qui souhaitent découvrir de patrimoine urbanistique, des promenades sont organisées.