Swiss horology great creators

Les grands faiseurs de complications de l’horlogerie suisse

A force de se mesurer aux complications horlogères les plus prestigieuses, certains horlogers inventent, innovent. Leurs créations engendrent une esthétique fonctionnelle.

Par Joel Grandjean
Rédacteur en Chef

A l’origine, les complications horlogères partent souvent d’une réalité pratique. Face à un besoin utile, le maître horloger d’antan se triturait les méninges pour apporter une réponse qui tienne dans un aussi petit espace qu’une montre de poche d’abord, puis qu’une montre bracelet. Sur un mécanisme de base, il greffait des rouages nouveaux jusqu’à ce que le garde-temps ne se contente plus seulement d’indiquer l’heure, les minutes ou les secondes, mais aussi des fonctions supplémentaires. Déjà, l’indication de la date, puis du jour de la semaine, sont des complications en soi. Arrive alors le défi d’aller plus loin, de concevoir un mécanisme qui saute du 30 au 1er sans passer par le 31, et une fois par année du 28 au 1er, mois de février oblige.

Jean-Claude Nicolet Jean-Claude Nicolet

On parle de quantième annuel, qui précède en complexité le quantième perpétuel qui parvient à indiquer, une fois tous les 4 ans, le 29 février des années bissextiles. Et ainsi de suite…

Tandis que les phases de lunes permettaient d’appréhender les périodes les plus favorables aux labours, la répétition minute offrait l’écoute de l’heure durant la nuit, à une époque où le rituel de l’extinction des feux prenait un certain temps. Quant au célèbre tourbillon inventé par Abraham-Louis Breguet, il avait pour mission de compenser une certaine baisse de précision liée aux différentes positions occupées par une montre de poche durant la journée. En logeant son organe réglant dans une cage tournant sur elle-même, en général en une minute, il avait imaginé pouvoir contrecarrer les lois de l’apesanteur. Reste que l’opération requiert une habilité tellement hors normes que de nombreux disciples contemporains s’y essayèrent. A commencer par George Daniels, disparu l’année passée, François-Paul Journe, Jean-Claude Nicolet, Robert Greubel et Stephen Forsey, Christophe Claret…

Saskia Maaike Bouvier Saskia Maaike Bouvier

Poésie micromécanique

A l’heure où la simple caresse d’un écran tactile permet l’obtention des données les plus complètes en matière d’appréciation horaire, les complications horlogères ont troqué, grâce à la résurrection de l’horlogerie mécanique, leur désuétude programmée contre une culture de la célébration de savoir-faire séculaires pétris de pulsions innovantes. Les horlogers d’aujourd’hui, gardiens de ce patrimoine, ont osé leurs interprétations personnelles voire écrit leurs propres partitions, revisitant à chaque fois l’esthétique classique. Ils sont en ce sens, les designers du fonctionnel.

Ludovic Ballouard Ludovic Ballouard

Ainsi, l’aiguille rétrograde, qui, une fois arrivée à son terminus, revient à son point de départ par un saut instantané, libère sur le cadran une place nouvelle ouverte à toutes les poésies. Jean-Marc Wiederrecht, passé maître de ce mécanisme pour avoir déposé en 1986 le brevet 666.591, a d’abord créé pour Harry Winston le Quantième Perpétuel Birétrograde. Ses plus emblématiques créations? Le Pont des Amoureux pour Van Cleef & Arpels et, plus récemment pour Hermès, Le Temps Suspendu. Une montre qui, à la demande et lorsqu’un moment hors du temps se présente, s’interdit de donner l’heure: les aiguilles se déconnectent de leurs positions comme si elles étaient devenues folles, pour les retrouver dès qu’une piqûre de réalité temporelle l’impose.

Van Cleef & Arpels Pont des Amoureux Van Cleef & Arpels Pont des Amoureux

Dit comme ça, ça n’a l’air de rien, mais cette notion de mémoire mécanique relève du génie mécanique.

Préparateurs de mouvements

Ils sont à l’horlogerie ce que Pininfarina est à l’automobile. Tantôt horlogers expérimentés capturés par quelque marque haut de gamme, telle Carole Forestier-Kasapi chez Cartier, Grégory Bruttin chez Roger Dubuis ou Denis Flageollet chez de Bethune, Pierre Gygax pour Ulysse Nardin, tels Mathias Buttet chez Hublot, Michel Navas et Barbasini Enrico récemment annexés par Louis Vuitton, Kilian Eisenegger chez MHVJ ou Cédric Grandperret fondateur de Magma Concept racheté par la marque Union Horlogère, tantôt créateurs de leur propre entreprise pour mieux servir les marques: David Candaux (DCHC), Christophe Claret, Nicolas Commergnat (GMTI), Jean-François Mojon (Chronode), Fabien Lamarche (IMH), Pierre-Laurent Favre (MHC), Philippe Ruedin (ASXP-Engineering), Andreas Strehler (Urh Teil AG)… D’autres ont créé leur marque éponyme, à commencer par Daniel Roth, François-Paul Journe, Philippe Dufour, Sven Andersen, Antoine Preziuso, Thomas Prescher, Peter Speake-Marin, Laurent Ferrier, Ludovic Ballouard, Vianney Halter, Daniel Nebel de Nord Zeitmaschine ou Saskia Maaike-Bouvier…

Jean-Marc Wiederrecht Jean-Marc Wiederrecht

Ils peuvent être aussi parfois des franc-tireurs, des sortes de savants éclairés, tel Ludwig Oechslin qui, en marge de son titre de Conservateur du Musée International d’Horlogerie de La Chaux-de-Fonds (MIH), participera tant aux recherches sur des mécanismes compliqués chez Ulysse Nardin qu’à la crétation récente de la marque Ochs und Junior.

George Daniels George Daniels

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