Tag Heuer Mikropendulum

Les 50 ans de la Tag Heuer Carrera, 50 ans de recherches et d’innovations - Partie 2

Attention, on passe sans transition à Baselworld 2013. Car la gamme Carrera existe toujours et l’innovation est toujours présente en cette année de 50ème anniversaire de ce modèle mythique.

Par Malik Bahri

Tag Heuer Carrera Calibre 36 ref: CAR2B11.BA0799

Vous remarquerez qu’à chaque génération les références deviennent plus complexes… En sautant presque 30ans (dont une longue interruption d’une dizaine d’années, du milieu des années 80 jusqu’à 96), on passe de références à six chiffres à ce type de ref : CAR2B11.BA0799. Ouf. 

Tag Heuer Calibre 36 Baselworld 2013 Carrera Calibre 36 ref. CAR2B11.BA0799 dévoirée é BaselWorld 2013

Avant de détailler ce Calibre 36 qui m’a particulièrement séduit, deux autres modèles méritent une mention particulière en cette année anniversaire.

C’est donc, bien entendu, LE modèle anniversaire, la Jack Heuer Carrera  décliné en deux versions, qui correspondent aux deux décennies fondatrices de la ligne Carrera.

Le premier modèle est donc la Jack Heuer Calibre 17, 80éme anniversaire (celui donc de Jack Heuer) qui est la descendante directe de la 2446 évoqué en début d’article, 41mm en acier, Calibre 17, elle reprend jusqu’au cadran panda ! C’est donc trait pour trait la première Carrera, dans un format plus moderne. Indémodable, efficace.

Le second modèle, c’est la Jack Heuer calibre 1887, format… Bull-head! Cette disposition est la résultante d’une rotation à 90° du calibre, ou les poussoirs se retrouvent à 11h et 1h et la couronne à 12h.

Tag Heuer calibre 1887 Jack Heuer anniversary Tag Heuer calibre 1887 Jack Heuer anniversary

C’est la configuration de chronographe la plus emblématique des 70’, directement inspiré par l’agencement des boutons des Stopwatches (notamment Heuer), typiques des stades olympiques mais aussi des cours d’EPS des 70’!

La surprise provient du fait, qu’à cette époque, et contre toute attente, il n’y a pas eu de Heuer Carrera avec ce type de configuration. On dirait presque que Tag Heuer veut réparer cet oubli, en proposant une montre à la disposition si emblématique. Le boitier fait 45mm, il est en acier et en titane DLC au niveau de la lunette, et est pourvu du calibre 1887. Cette montre mériterait une longue revue, pour l’examiner sous tous ces aspects, historiques, techniques, culturels…

Pour revenir au Calibre 36, elle est doté avec d’un cadran bicolore et cette montres est passionnante à plus d’un titre. C’est une montre de synthèse des tendances passées chez Tag.

Tag Heuer Calibre 36 Tag Heuer Carrera Calibre 36

Avant de parler de son esthétique, il faut se pencher sur son moteur. La montre est équipée d’un Calibre 36, soit un Zenith El Primero modifié pour Tag Heuer.

Aujourd’hui, Zenith et Tag Heuer travaillent de concert au sein du groupe LVMH. Mais ça n’a pas toujours été le cas : à la fin des années 60, ces marques s’étaient lancées dans une course technologique, pour savoir qui proposerait un chronographe automatique en premier.

Sans suspens, sa longévité le prouve, l’El Primero, a gagné sur les deux plans : d’une part, il a été présenté quelques semaines avant le Calibre 11 de 1969; mais il s’est surtout avéré être une meilleure solution en termes de fréquence, de fiabilité et même d’esthétique : c’est le plus beau calibre de chrono automatique de cette époque.

Personne n’est parfait, les compteurs centraux sont trop proches et à cause de sa haute fréquence, la réserve de marche est souvent un peu courte selon le type de ressort de barillet que l’EP embarque…

Test au porté de la Tag Heuer Carrera Calibre 36 Test au porté de la Tag Heuer Carrera Calibre 36

Dans cette version récente Tag Heuer a néanmoins fait le travail de modification nécessaire : la RdM de 36h a été portée à 50h, ce qui est suffisant pour déposer la montre le Week End. Pour rappel, le EP/Calibre 36 est cadencé à 5Hz/36000a/H, fait 30mm de diamètre et est empierré de 31 rubis.

De même, une astuce a été employée pour proposer une esthétique donnant du sens aux sous-compteurs trop rapprochés.  Cette Calibre 36 de 43mm reprend l’esthétique des stopwatches  vintage, montres de poche surtout destinées au chronométrage sportif. Le large chemin de fer justifie les sous-compteurs rapprochés.

Tag Heuer Calibre 36 Tag Heuer Calibre 36

Bien évidemment on avait déjà vu ce cadran au charme suranné sur les Mikrograph et Mikrogirder de 2011-12 ; c’était d’ailleurs l’une des forces de ces montres, faire cohabiter une mécanique issue de l’aérospatiale avec un habillage néo-classique.

Ici, pour des raisons de coût, le mécanisme est bien sûr moins novateur. Mais le calibre 36 est néanmoins très beau et en harmonie avec ce cadran bicolore. C’est d’ailleurs l’un des cadrans les plus qualitatifs jamais proposés par Tag Heuer : la laque blanche ne brille pas trop, le satiné gris central a des reflets discrets mais chaleureux et l’ensemble aiguilles/index est conforme aux Carrera vintage.

Le boitier de 43mm est plus massif que celui de ces dernières, mais la montre n’est pas trop grosse selon les critères actuels.

Il est à noter que cette CAR2B11.BA0799 a fait l’unanimité auprès de la profession, la plupart de nos confrères journalistes et bloggeurs étant tombés sous le charme de cette pièce… Son prix est dans la moyenne du marché pour des produits équivalents, soit 8000CHF environ.

Tag Heuer Carrera MikroPendulum

Vous l’aurez compris, les montres Carrera, c’est une histoire dynamique faite d’innovations et de recherches. Or, ces dernières années Tag Heuer a été la marque de masse la plus innovante, très loin devant ses concurrents directs…
 

Les innovations sont centrées autour de deux axes principaux : la très haute fréquence (plus de 5Hz) et le magnétisme. Il convient de se rappeler que, d’après les préceptes de la mécanique quantique, le magnétisme est l’une des quatre forces qui régissent l’univers, les trois autres étant l’interaction forte (qui maintient la cohésion des atomes), l’interaction faible (à l’origine de la radioactivité) et la gravitation.

Tag Heuer Carrera MikroPendulum La Tag Heuer Carrera MikroPendulum à haute fréquence (>5hz)

L’électromagnétisme est notamment la force qui anime les photons, celle qui nous illumine au quotidien et fait pousser nos récoltes…  Accessoirement, elle maintient la liste des courses sur le réfrigérateur...

Bref, cette force majeure de l’univers a paradoxalement toujours été combattue par les horlogers, qui ont tout tenté, avec un certain succès, pour en débarrasser les mouvements d’horlogerie (montres amagnétiques, métaux faiblement magnétiques, etc.) , le point le plus critique étant le bloc d’échappement. Les spiraux vintage étaient très sensibles aux champs magnétiques et même aujourd’hui, les spiraux magnétisés sont une cause fréquente de retour SAV.

Bref. Dans une montre mécanique, le magnétisme, à l’instar de l’eau, c’était le mal incarné. Jusqu’au Pendulum de Tag Heuer.

Cette montre concept présentée en 2010 proposait une révolution technique sans précédent : la disparition du spiral au profit d’une double paire d’aimants engendrant un phénomène de pendule par l’attraction/répulsion de pôles magnétiques opposés. Vous vous souvenez des aimants de notre enfance qui se repoussaient mutuellement ? C’est ce phénomène qui est à l’œuvre dans le Pendulum. L’objectif, c’est de remplacer le couple mécanique du spiral par le couple magnétique du Pendulum.

Avant de poursuivre l’explication, il convient de faire un point sur le Spring-Drive de Seiko comparé au système du Mikropendulum. Comme vous le savez, Seiko, notamment au travers de la fourniture d’assortiments et de pointages, est l’un des partenaires horlogers de la marque de la Chaux-de-Fond.

Ce qui pourrait prêter à confusion. Mais il n’y a aucun rapport entre le Spring-Drive et le Pendulum: Le Spring-Drive est une montre mécanique régulée par un quartz qui commande un frein magnétique et le Mikropendulum est une pure montre mécanique, sans quartz, dont le balancier est freiné uniquement par l’interaction d’aimants.

D’ailleurs, la construction du mouvement du MikroPendulum est très classique ; si ce n’est l’absence de spiral, tout le reste ressemble à ce que l’on connait et que l’on aime dans une montre mécanique.

Un Pendulum est pourvu d’un balancier classique. Par contre en dessous de ce dernier, point de spiral. Il faut chercher au niveau du plateau qui se situe au pied de la tige de balancier, plateau relié à l’ancre.

Ce n’est pas un plateau ordinaire : il est pourvu de deux aimants occupant chacun 180° du plateau ; l’un est positif, l’autre est négatif. De part et d’autre du plateau, il y a une bague qui inclut deux autres aimants (qui occupent chacun 90° de la circonférence, il y a deux zones neutres de 90°), toujours un positif et un négatif.

Le principe est finalement très simple, d’une grande fluidité et permet de surcroît de diminuer légèrement les frottements… L’énergie se dévide par le barillet de manière classique, mais la force magnétique qui s’oppose dans les aimants va réguler cette énergie en lieu et place du phénomène d’élasticité du spiral.

Avant de se pencher sur les problématiques que cela peut engendrer, il convient de se poser la question de la valeur ajoutée?

Le spiral classique a une précision maximum de +/- 1 seconde par jour. Cette limitation est due aux procédés de fabrication qui ne permettent pas de descendre en dessous de 0.1 micromètre, ce qui conditionne une précision moyenne d’environ 0.99sec/jour, au mieux (les calibres de grande diffusion sont en général très précis, grâce à la super industrialisation du processus de fabrication du bloc d’échappement).

Pour repousser les limites relativement floues de la précision dans une montre mécanique, il faut donc se doter d’un nouveau type d’organe réglant. Qui fasse uniquement appel à des principes mécaniques, sinon ça s’appelle le Spring Drive… Le silicium est une solution, car la marge de fabrication est encore plus basse que celle des spiraux en Elinvar et consorts. Mais si le silicium est une innovation en termes de matériau, il ne remet pas en cause le principe du spiral.  En outre, dans cet environnement le silicium est potentiellement plus fragile que l’Elinvar.

Bref, ce matériau n’est pas assez segmentant pour créer une véritable révolution technique. Ceci peut être considéré comme une réponse au sujet dédié à l’emploi du silicium en horlogerie… ;)

Le Pendulum (nommé en hommage à une pendule de Huygens, théoricien au XVIIème de l’horlogerie moderne) permet de repousser certaines des limites de l’horlogerie mécanique traditionnelle, tant en termes de précision que de résistance aux chocs, voire, dans une certaine mesure, de résistance aux champs magnétiques.

Lors de sa présentation en 2010, celui-ci était réglé à 6Hz et bien que fonctionnel (ce qui est suffisamment rare dans le monde des dreamwatchs pour le signaler), sa stabilité n’était pas assurée.

Donc, ce que va démontrer le MikroPendulum c’est que désormais cette régulation magnétique fonctionne.

Cette montre reprend l’esthétique et même une partie de la technologie mise en œuvre dans la série des Mikros. C’est bien évidemment un boitier de Carrera moderne, inspiré des 60’s. La montre est en titane grade 5 et fait 45mm ; le boitier présente une alternance assez réussie de surfaces polies et sablées, ce qui est difficile à réaliser sur une variété de titane aussi dure.  Si la finition est impeccable, on peut se poser la question du rendu qu’un boitier de Carrera 60’s plus épuré, plus vintage, aurait sur ce modèle…

Niveau cadran, c’est le style du MikroTourbillonS qui est repris. Mais en plus froid : alors que ce dernier était bicolore, le cadran du Mikopendulum présente un gris sur anthracite avec une pointe de cendré. C’est de la technologie de pointe, c’est du sérieux.

Les finitions sont au niveau de celles du MikroTourbillonS, donc excellentes, mais il ne faut pas vous attendre à de la Haute horlogerie classique (type Parmigiani, Lange), pas d’angles rentrants, pas de cadran subtilement poudré, ou de gravures champêtres, malgré les belles finitions (CF les ponts detourbillons) c’est de la technologie de pointe, on n’est pas là pour rire, le classicisme Suisse n’est pas du tout de mise dans cette montre.

Le décroché entre la partie brossée du cadran et la partie comportant les côtes de Genève est très réussi. Ces dernières sont bien sûr un clin d’œil aux nombreux cadrans des Carrera vintage et leurs vagues de Genève.

La réserve de marche est affichée à 12h, le totaliseur de minutes à 3h et le totaliseur de secondes à 6h (car l’aiguille du chrono fait un tour de cadran par seconde).

L’innovation majeure se situe coté mouvement. Si la montre reprend le boitier de la Carrera version MikroTourbillonS, elle utilise l’architecture du Mikrograph agrémenté d’un organe réglant magnétique à haute vitesse.

Souvenez-vous du Mikrograph, une magnifique version spéciale avait été vendue lors d’Only Watch 2011 et avait donné lieu à un article.

Cette base de mouvement comporte deux échappements, un traditionnel avec un spiral en Elinvar, cadencé à 28800 a/h (4Hz) pour l’heure/minute/seconde.  Et un autre organe régulant Pendulum, donc un régulateur magnétique cadencé à 50Hz pour le chronographe (soit 360.000 a/h). L’aiguille du chronographe effectue donc un tour de cadran par seconde, ce qui est très très rapide. Le chemin de fer est pourvu de 100 graduations, pour donner le centième de seconde. Un chronographe classique vous paraît totalement poussif et arriéré quand vous avez eu la chance de jouer avec un Mikros… J’ai une préférence pour le 1/100, car si ce n’est pas la fréquence la plus rapide développée par Tag, c’est celle qui présente le meilleur compromis visibilité/rapidité.

Tag Heuer Carrera MikroPendulum Tag Heuer Carrera MikroPendulum

Si vous avez le privilège d’avoir la montre en main, observez le balancier du Pendulum (donc celui visible à 9h coté cadran), il y a un très léger temps d’inertie au moment où la montre stoppe. Vraiment bluffant.

Quand on voit des montres toute l’année, on devient un peu blasé, c’est regrettable ; mais la série des « Mikros » est le genre de claque technique qui vous remet immédiatement dans le droit chemin de la passion horlogère.

Le mouvement automatique fait 15lignes ¾, soit 35.8mm, pour 9.79mm d’épaisseur. C’est donc un gros calibre dont l’épaisseur importante a été très bien gérée : la montre ne paraît pas plus épaisse que la moyenne. C’est évidemment une montre complexe, avec 371 composants et 58 rubis. Le Pendulum fréquencé à 50Hz possède 90 minutes de réserve de marche, ce qui est normalement suffisant en utilisation courante. Le mouvement HMS tourne lui à 4Hz pour 42h d’utilisation. Le système unique de régulation d’énergie permet de certifier COSC aussi bien la partie montre que la partie chronographe ; pour l’instant, seul Tag Heuer possède le niveau technologique nécessaire à la certification COSC d’un chronographe en fonction.

Ce qui est surprenant avec cette montre, c’est qu’une innovation aussi importante n’est pas produite par un horloger illuminé, travaillant pour une maison indépendante et mettant au point son œuvre dans une grange perdue au fond d’une vallée bucolique. Non, ici c’est une grande marque présumée conservatrice voire frileuse à l’image de ses consœurs, qui présente une telle innovation!

Et là où c’est encore plus impressionnant mais finalement logique, vu le positionnement tarifaire raisonnable de Tag Heuer, c’est le prix. Le MikroPendulum est vendu 35000CHF, le prix d’un chronographe sportif dit de Haute horlogerie (on sait tous que cette notion est bien floue). Tag a l’impudence de proposer un produit avec un niveau de finition analogue, mais avec une technologie embarquée qui ringardise nombres d’innovations récentes…

Test de la Tag Heuer Carrera MikroPendulum Test de la Tag Heuer Carrera MikroPendulum

Alors que durant l’essai du MikroTourbillons je savais que le tarif élitiste ne me permettait même pas de rêver de l’acheter, ici, à l’annonce du prix, j’ai immédiatement appelé mon banquier pour ouvrir un compte-épargne-MikroPendulum.

Plus profondément, c’est une montre qui réussit pleinement là où le Calibre 11 de 1969 était en demi-teinte. Cette fois-ci, Tag Heuer détient le palmarès de l’innovation et de la primauté de cette innovation.

Carrera MikroPendulumS concept

Avant d’examiner en détail cette concept-watch, il faut revenir en 2010, à l’époque où le premier Pendulum concept cadencé à 6Hz a été présenté. Vous avez noté, plus haut, que la phase de mise au point de ce premier prototype a été relativement longue (3ans).
 

Si on examine en détail les problématiques posées par le premier Pendulum dévoilé en 2010, on est assez proche des problématiques rencontrées par les paléo-spiraux en acier bleui (XVIII-XIXème siècle), à savoir:

  • Résistance aux champs magnétiques.
  • Stabilité sur la plage d’amplitude thermique.
  • Linéarité du couple sur toute la durée de réserve de marche.

En sus de ces problématiques classiques vient s’ajouter une couche de problèmes liés aux matériaux des aimants du pendulum. Et contrairement à l’horlogerie traditionnelle, il est quasi-impossible de masquer une qualité moyenne des alliages par un excellent travail d’appairage et de régleur.

Les problématiques sont tellement nouvelles et sont tellement éloignées du coup de marteau, qu’il fallait aller au cœur de l’atome pour mettre au point le MikroPendulum.

Concept de la Tag Heuer MikroPendulumS Concept de la Tag Heuer MikroPendulumS

Pour les amateurs, les ferromagnétiques employés sont de type « durs » ; cela signifie qu’ils sont fortement chargés en énergie, présentent une grande stabilité dans le temps et doivent subir une charge électromagnétique au moins équivalente à celle emmagasinée lors de la fabrication pour être neutralisés.

L’alliage des aimants est constitué de Cobalt, Samarium et Gadolinium (ces deux derniers métaux sont dits « terres rares »).

Le complexe Samarium-Cobalt est bien connu dans le monde du magnétisme. C’est actuellement l’alliage qui permet d’obtenir la plus haute résistance aux champs magnétiques. Il est utilisé dans tous les domaines, informatique, militaire, aéronautique, mais aussi, d’une manière plus surprenante, dans le domaine médical : il existe des projets de pacemaker contenant des aimants au Co-Sm.

L’alliage Co-Sm permet donc de résoudre la problématique majeure du magnétisme parasitaire, c’est un peu l’équivalent de l’Invar pour les spiraux classiques. Mais en l’état, l’écueil des changements de température conditionne une précision de +/- 45sec jour…

Zoom sur le cadran de la Tag Heuer Carrera MikroPendulum Zoom sur le cadran de la Tag Heuer Carrera MikroPendulum

Pour contrer les effets de l’amplitude thermique, il fallait ajouter un autre élément, beaucoup plus spécifique : le Gadolinium. Lors d’une montée en température, les matériaux se dilatant, les champs magnétiques ont tendance à accroître leur zone d’influence. Comme l’effet du magnétisme est exponentiel à mesure que l’on se rapproche de la source, l’effet de la dilatation est désastreux sur l’isochronisme. C’est là qu’intervient le Gadolinium : ce métal a la propriété d’être une « éponge » atomique, il absorbe le surplus de particules générés par d’autres éléments chimiques. Il permet donc de neutraliser les effets de l’amplitude thermique.

Pour résoudre les problèmes de linéarité du couple, les aimants Co-Sa-Gd ont bénéficié d’un travail plus horloger, avec un réglage de la géométrie des éléments.

Ce problème étant résolu, la « V1.0 » du Pendulum permet d’obtenir une précision de +-1/sec jour, ce qui est ce qu’on peut obtenir de mieux avec un spiral en Elinvar.

Il faut bien comprendre que c’est une « V1.0 » et qu’avec les retours d’expérience l’affinage des alliages (notamment la proportion de Gadolinium) et l’amélioration de la géométrie, le système devrait encore gagner en précision dans les années à venir.

La Carrera MikroPendulumS La Carrera MikroPendulumS

Car ce qui caractérise les recherches de Tag Heuer, c’est l’aspect laboratoire permanent, un prototype en chasse un autre et la dernière innovation est immédiatement intégrée dans une montre commerciale… Le tout très très vite : on était ainsi passé d’un MikroGirder au 1/2000 de sec. pendant le SIHH2012 à un MikroGirder au 1/10.000ème de seconde pendant Baselworld 2012, soit une multiplication par cinq en l’espace de trois mois.

Ce qui nous conduit naturellement au dernier prototype de Tag Heuer, le MikroPendulumS. C’est basiquement un MikroTourbillonS (décrit dans cet article LIEN), avec des Pendulums en lieu et place des spiraux.

Sur le plan visuel, le MikropendulumS apporte trois modifications majeures par rapport au MikrotourbillonS. L’abandon des côtes de Genève au profit d’un brossé comme sur les Mikrogirder, une rotation du mouvement de 90° et une modification des ponts des tourbillons, les indications et fonctions restant les mêmes. Ce qui implique une configuration « Bullhead » des poussoirs, que l’on retrouve à 11-12-1h. Cette configuration a bien sûr été vue cette année sur la Jack Heuer. La configuration du MikrotourbillonS, ou du Mikropendulum (sans le « S »), me paraît plus harmonieuse et plus en accord avec l’histoire de la Carrera.

La Carrera MikroPendulumS au poignet La Carrera MikroPendulumS au poignet

Mais la question principale, c’est la technique ; et là, comme à chaque nouveau proto, le laboratoire de Tag Heuer repousse les limites du possible.

Si le design du boitier est désormais connu, son matériau ne l’est pas. Il s’agit d’un alliage Chrome-Cobalt, utilisé habituellement dans « l’aéronautique », pour les ailettes des turbines. La masse volumique du Cr-Co est équivalente à celle de l’acier et du bronze, soit un peu moins de neuf fois la masse de l’eau.

S’il n’y pas de gain de masse significatif, le gain se fait du côté des propriétés : cet alliage est plus résistant à tous types de contraintes, plus durable et plus dur, 530 Vickers, soit le double de la majorité des alliages d’acier utilisés en horlogerie.

Le Cr-Co est façonné par sintering laser, qui est la technique industrielle dont s’inspirent les imprimantes 3D : une poudre est fusionnée couche par couche à 1300°c, ce qui permet d’obtenir des formes et des niveaux de finition inaccessibles aux traditionnelles CNC… Cela ouvrirait-il de nouvelles possibilités dans le domaine des ébauches de mouvement?

Pour le moment, les métaux utilisés dans le mouvement automatique du MikropendulumS sont plus courants. Mais son architecture ne l’est pas.  Ce calibre fait 15 ¾ (soit 35.8mm), pour 9.84mm d’épaisseur ; il comporte 454 pièces et 75 rubis.

La Carrera MikroPendulumS La Carrera MikroPendulumS

Le bloc d’échappement réservé au décompte du temps est équipé d’un tourbillon Pendulum cadencé à 12Hz (soit 86400 a/h) pour 24h de RdM (plus la fréquence est élevée, plus l’autonomie diminue) et sa cage effectue trois tours par minute (donc c’est un tourbillon 20 secondes).

Le bloc d’échappement réservé au chronographe est un tourbillon Pendulum cadencé à 50Hz (360000 a/h) et sa cage de tourbillon effectue 12 rotations par minute (c’est donc un tourbillon 5 secondes) pour une réserve de marche de 60 minutes (c’est moins que le Mikropendulum, un tourbillon consomme beaucoup d’énergie).

Comme le MikrotourbillonS, le lancement du chronographe tourbillon du MikropendulumS est impressionnant, ça part comme un missile sol-sol, ou plutôt comme une voiture de sport équipée d’une transmission intégrale et du launch control. Ça part à fond, immédiatement et très vite. Encore une fois, le MikrotourbillonS est un poil plus démonstratif. Mais dans tous les cas, on est dans un domaine post-horloger.

Conclusion

Initialement, la Carrera, chronographe sportif, était à peine dérivée des montres classiques des 50’s. Ce style Suisse des années 50, fonctionnaliste-mais-élégant, était encore influencé par l’art moderne des 30’s ; les Suisses, avec leur prudence proverbiale, ont souvent un temps de retard sur les modes.
 

Donc, les premières Carrera étaient des épures ; mais au fil des 60’s, ces chronographes vont rapidement se dévergonder, intégrant des mouvements de plus en plus exotiques au gré des besoins d’affichage. L’une des particularités de la série Carrera est en effet d’avoir adapté des affichages et des mouvements aux besoins des utilisateurs finaux.

Ainsi, plutôt que de se contenter de produire des chemins de fer ou des lunettes dédiées à un usage spécifique, Heuer a souvent revu toute la mécanique pour coller au mieux aux besoins.

Dans ce sens, la quête de Heuer était d’adapter l’outil à un besoin, plutôt que de demander à l’humain de s’adapter à un outil. Aujourd’hui on dirait « user friendly ».

Les cadrans bénéficièrent également d’une grande variété de finitions et de styles, toujours dans l’optique de s’adapter aux besoins des utilisateurs finaux. Mais aussi dans la volonté de s’adapter à un autre besoin humain : le goût du beau.

Cette volonté d’esthétisme se retrouve aussi dans les boitiers ; le premier boitier des années 60 reste sans conteste le plus pur : à l’époque on savait faire des boitiers qui paraissaient très fins alors que les mouvements étaient relativement épais. Plus tard, on a privilégié l’esthétique à la mode; aujourd’hui, on privilégie la solidité…

L’histoire de la Carrera est tellement riche et complexe qu’elle mériterait un livre. Ces montres constituent un catalogue quasi-exhaustif du chronométrage sportif mécanique de ces 50 dernières années. Alors, bien sûr, cette histoire est un peu chaotique et le fil conducteur n’est pas aussi évident que pour d’autres montres mythiques. Mais cet aspect chaotique est ce qui constitue précisément la richesse de la gamme Carrera, une soupe originelle, une forêt amazonienne, un bouillon de culture horlogère, le chaos horloger fondateur.

Malgré les rachats, les changements de main et même l’intégration dans un grand groupe du luxe, les CEO successifs de Heuer, puis TAG Heuer, ont continué de croire en l’innovation et même d’appliquer au quotidien le TAG des années 80’ : Technique d’Avant-Garde (en Français dans le texte).

Il faut saluer en particulier l’équipe actuelle, pendant longtemps dirigée par Jean-Claude Babin (depuis peu remplacé par Stéphane Linder), qui a eu le courage de donner carte blanche à l’équipe emmenée par Guy Sémon pour maintenir un haut niveau d’innovation.

Car il n’est pas si facile que ça pour une grande marque d’horlogerie de maintenir un haut niveau de recherche et développement. L’inertie et la frilosité sont colossales dans les grandes maisons horlogères, on préfère engloutir des sommes pharaoniques dans une communication institutionnelle que de donner de l’argent au laboratoire. Et quand bien même les services R&D sont bien dotés, les innovations terminent dans un tiroir, la volonté industrielle du risque n’étant pas là.

Ceci s’explique d’une part, comme vous le savez, par la tradition d’innovation de Heuer, mais également par la structure bureaucratique de Tag Heuer : la société est dirigée comme une PME, les départements administratifs, commerciaux et marketing ne comptent en tout qu’une cinquantaine de collaborateurs. Pour comparer, le département R&D est composé de 45 personnes et il y a des milliers de salariés dans les diverses filiales manufacturières qui produisent les montres…

En définitive, cette créativité se reflète dans les brevets sur la haute fréquence : aujourd’hui la marque de la Chaux-de-Fond a pris plusieurs longueurs d’avance en présentant plusieurs avancées majeures en l’espace d’une poignée d’années. Ce qui constitue une revanche historique pour Heuer, car à son époque le calibre 11 avait été progressivement distancé par ses concurrents.

Aujourd’hui, le Mikropendulum distance la concurrence à la vitesse de l’éclair, tout en ayant l’insolence de se vendre à un tarif ultra-agressif au regard de sa mécanique d’exception. Un peu le concept des Muscle Cars.

Si on fait le bilan des 50 ans de la Carrera, le pari initialement lancé par Jack Heuer est incontestablement gagné.

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