Impression 3D, bouleversements et prouesses techniques
En quelques années, la technologie de l'impression en trois dimensions a su séduire l’horlogerie. En quoi les métiers vont-ils être transformés? S'agit-il d'une nouvelle révolution industrielle? Eléments de réponse.
Sébastien Actis-Datta est un designer horloger qui a toujours su anticiper les nouvelles technologies. Depuis près de vingt ans, il s’adonne au prototypage en trois dimensions. Une envie de découvrir une nouvelle manière de travailler, mais aussi et surtout le souhait de répondre à l'exigence des marques horlogères. Du coup, il apparaît comme logique qu'il soit le précurseur dans le canton de Vaud dans le domaine des fablabs. Il vient d'en inaugurer un à Renens, baptisé «FABLAB-Chêne20», son adresse, en partenariat avec l'école de design industriel Athenaeum. Pour rappel, un fablab est un lieu où peuvent se retrouver ceux qui veulent concevoir une idée, mais qui n’en ont pas les connaissances nécessaires.
Le but premier du fablab n’est donc pas de mettre à disposition du matériel, mais de pouvoir partager des connaissances et de pouvoir obtenir de l’aide.
Derrière cette mise à disposition d'un matériel dernier cri servant aux designers et aux autres métiers demandant imagination, on retrouve des concepts primordiaux et propres à l'univers horloger: «On peut évoquer les termes de «Mitmachen», «collaboration», «partage de savoir-faire», ils sont l'essence d'un fablab», note le designer. «Mais c'est surtout la rencontre de créatifs qui est essentielle. Passionné de design depuis toujours et de prototypage rapide depuis mes premières expériences au début des années 90, j'ai toujours souhaité partager mes connaissances. C'est de la rencontre avec le nouveau directeur de l'Athenaeum qu'est née l'idée de créer un partenariat entre le savoir-faire et les équipements d'Actis-Datta SA et les besoins de l'école, et surtout de ses élèves. Cela a engendré Oblong Impression, un bureau de service dédié à l’impression 3D. Puis, voyant l’incroyable essor d’une technologie en laquelle j’ai toujours cru, l’idée d’un centre ouvert à tous, dédié à la 3D et au partage de savoir-faire m’est venue. Ce lieu, c'est le FABLAB-Chêne20.»
Partage de connaissances
Ce nouvel espace de partage créatif est ouvert à tous. Sera-t-il le lieu de naissance de nouvelles vocations pour les futurs designers horlogers? Olivier Barbeau, directeur de l'école Athenaeum à Renens, en est convaincu: «L'idée est de démocratiser et démystifier les nouvelles technologies disponibles. Le fablab doit permettre de réaliser des rêves. Le secteur horloger devrait bénéficier de cette éclosion de talents ces prochaines années, c'est en tout cas notre souhait le plus profond. Il s'agit d'une branche qui a constamment besoin de nouveaux talents. Elle se porte très bien et permet aux esprits les plus créatifs de s'y épanouir, c'est une évidence.»
Xavier Comtesse, le fondateur du Swiss Creative Center de Neuchâtel est également enthousiaste lorsqu'il s'agit d'évoquer l'impact de ces nouvelles technologies sur l'industrie horlogère: «L'industrie horlogère, pour l'essentiel, utilisait les techniques du soustractif (usinage par enlèvement de matière, décoltage, etc.). Demain, elle va façonner par additif (couche de matière additionnée), c'est une révolution sans commune mesure depuis très longtemps malgré tous les progrès techniques et innovants de ces dernières décennies. Il s'agit d'un changement de paradigme car une nouvelle ère nouvelle de la créativité vient de s'ouvrir.»
L'enthousiasme des experts permet donc de souligner encore davantage les espoirs placés dans cette nouvelle technologie: «Le développement de la technologie d'impression tridimensionnelle, nous a offert un nouveau moyen de communication, par de nouveaux outils de présentation, précise Sébastien Actis-Datta.
Quoi de mieux, pour présenter un nouveau concept de montre, que de mettre dans les mains de son client, en plus des dessins habituels, une impression 3D, qui lui donne une parfaite indication des dimensions, du volume et du confort de la pièce proposée. «Avec les imprimantes que nous avons à disposition, il est aussi facile de sortir le prototype d'un bracelet complètement articulé, pour parfaitement simuler un bracelet métal qu'un brun de cuir, ou de caoutchouc, dans une matière souple ou une glace en matière transparente. Les technologies d'impression 3D permettent d'accélérer les prises de décisions de nos clients, grâce à une compréhension concrète du produit. Que ce soit pour un ensemble boite-bracelet, pour de petits détails de surfaces ou pour l'aménagement d'un cadran, l'impression 3D est un merveilleux outil de communication.» Et d'ajouter en guise de conclusion: «Aujourd'hui, il ne me paraît plus possible de travailler sans cette technologie, tant le gain de temps et d'aide à la compréhension des intentions du design sont importants. La démocratisation de ces outils est un bienfait pour les designers.»
Un marché de niche?
Si le prototypage est le premier segment qui puisse bénéficier de l'impression 3D, il semble que d'autres révolutions se préparent. Ainsi, la société Hoptroff, basée à Londres, est parvenue à relever un défi un peu fou. Elle a, en effet, créé une montre dont le boîtier a été entièrement manufacturé par une imprimante 3D. Si la méthode est, pour l'instant, encore imparfaite, en matière de précision, les débuts sont là. Mais cela risque de rester encore très longtemps marginal. En effet, la demande de précision, surtout de l'horlogerie suisse, est bien trop importante pour se contenter de modèles approximatifs. Les professionnels de la branche parlent tous de marché de niche. Mais cela a le mérite de proposer de nouveaux débouchés, notamment pour les firmes qui attachent moins d'importance au rendu final.