Hommage Breguet aux Etats-Unis: art horloger et innovations
Né à Neuchâtel en 1747, l’horloger créateur Abraham-Louis Breguet révolutionne l’art de la mesure du temps. Une magistrale rétrospective lui est consacrée à San Francisco jusqu’en janvier 2016.
L’exposition «Breguet: Art and Innovation in Watchmaking» choisit pour écrin du 19 septembre 2015 au 10 janvier 2016, le California Palace of the Legion of Honor de San Francisco, un de ces palaces qui incarnent les démesures du Nouveau Monde.
Envergure et mythes
Tout ce qui se lit sur cet horloger, sa manière d’être encore autant respectée par les élites créatrices horlogères du moment, qu’il s’agisse des garants de l’esthétique, des gourous du marketing ou de la caste hermétique des motoristes de génie, rend ultra périlleux tout acte réducteur le concernant. Or une exposition est avant tout un acte réducteur. Par les inévitables impasses qu’elle est obligée de faire, par les options qu’elle privilégie. Reste qu’elle peut être aussi, justement parce qu’elle assume ses choix, une incitation à en savoir plus, une véritable porte ouverte sur la connaissance.
C’est le Fine Arts Museums de San Francisco qui, en collaboration avec la Maison Breguet, relève le défi d’orchestrer pour la première fois aux Etats-Unis une telle exposition forte de plus de 70 pièces. «Ce n’est sans doute pas un hasard si le musée a souhaité inscrire cette rétrospective à son prestigieux programme. Quel meilleur endroit, en effet, que cette ville mythique de San Francisco, pour mettre en valeur une œuvre qui fut en son temps probablement aussi révolutionnaire que bien des produits imaginés ces dernières années dans la Silicon Valley toute proche. De nouvelles solutions techniques, de nouveaux outils, de nouveaux usages, Breguet en testa toute sa vie. Il n’eut pas peur d’innover, au risque de choquer peut-être» s’enthousiasme Marc A. Hayek, Président & CEO de Breguet.
Une œuvre en quinze tableaux
Aujourd’hui encore, presque 270 ans après sa naissance, 240 ans tout juste après sa première installation à son compte à Paris, l’esprit d’Abraham-Louis Breguet survole l’horlogerie mécanique d’excellence, comme en témoignent ces trois premières évidences qui me viennent spontanément: cette forme d’aiguille ou de spiral qui porte toujours son nom, toutes marques confondues; l’invention du Tourbillon, dont la résurgence dès les années 1980, permit – et permet encore – d’injecter dans les veines de nombreuses enseignes actuelles, un sang neuf dont les retombées lucratives sont loin de se tarir. Puis, en allant plus loin, on pourrait presque lui attribuer la partenité du crowd funding puisqu’à son époque déjà, certaines de ses pièces se prévendaient en souscription. D’ailleurs, deux de ces trois évidences auront leur propre galerie, au nombre de la quinzaine de tableaux que proposent les organisateurs de l’exposition.
Justement, la galerie 1 est consacrée à ces montres à une seule aiguille et cadran émail, baptisées Souscriptions, parce que leur mode de production englobait l’idée qu’un quart du prix devait être avancé par le futur acquéreur. Des pièces fiables, d’un prix relativement abordable, «dotées d’un mouvement spécial d’une grande simplicité, construit autour d’un barillet central» comme l’indique le catalogue de l’exposition. Il faut attendre la Galerie 14 pour entrer dans l’univers breveté le 26 juin 1801 du Tourbillon, après avoir visité d’autres mondes, celui des «Montres à Tact» (Galerie 2), des Montres à Répétition ou Perpétuelles (respectivement les Galerie 4 et 5) ou celui du tableau numéro 8 dédié aux «Garde-Temps», une désignation que Bréguet réservait à ses montres les plus précises.
Breguet et les Etats-Unis
L’Horloger du Roi – ainsi appelé jusqu’aux heures de la Révolution qui le contraignent à revenir en son neuchâtelois berceau – eut la particularité d’avoir un sens aigü des relations. Cela lui permit, déjà de son vivant, de jouir d’une notoriété enviable et peu courante au sein des gens de son métier. Toutefois, malgré son espoir de conquérir les Etats-Unis, seuls quelques noms précurseurs apparaissent vers 1800 dans ses livres de clientèle: au nombre d’entre eux, un Ministre de la Guerre, le général Knox, acquiert une répétition minute; un certain William R. Davie, père fondateur des Etats-Unis et fondateur de l’Université de la Caroline du Nord fera directement ses emplettes à la source, c’est à dire au Quai de l’Horloge dans l’Ile de la Cité à Paris.
En retraçant les liens de Breguet avec les Etats-Unis, l’exposition a le mérite de ne pas occulter qu’ils sont assez récents. Preuves en sont les propos écrits par Poletica, grand ami russe d’Antoine-Louis, fils de Breguet, en plein périple américain: «En un mot, cher Monsieur Breguet, ce pays est un paradis […] mais je pense qu’il n’est pas encore mûr pour les chefs-d’œuvre des arts mécaniques: les connaisseurs manquent encore et nécessairement aussi les acheteurs. Dans un demi-siècle ou cent ans, il en sera autrement, mais ni vous ni moi ne serons plus!» Les choses ont bien changé. La marque Breguet, qui vient d’inaugurer en mai un salon à Atlanta, s’apprête à offrir aux Américains et à ceux qui feront le détour par San Francisco, un pan de ses trésors historiques. Un parcours muséal expérientiel humblement et fidèlement construit autour d’un personnage de légende. La célébration culturelle de liens commerciaux toujours plus serrés.
Exposition «Breguet: Art and Innovation in Watchmaking»:
Du 19 septembre 2015 au 10 janvier 2016
California Palace of the Legion of Honor
Fine Arts Museums of San Francisco
Lincoln Park, 34ème Avenue et Clement Street
San Francisco, CA 94121, USA