Gérard Horlogerie: une affaire familiale à l’heure de la Réunion
A la Réunion, île française de l’océan Indien, Gérard Horlogerie perpétue depuis 1978 le savoir-faire horloger. En famille et avec fierté.
Morteau, Brazzaville, Martinique, Le Havre, Ajaccio... Avant d’atterrir à la Réunion, le 25 juin 1978, Gérard Montandon avait déjà énormément baroudé. Lui qui a grandi à Pontarlier a gardé de ses origines suisses l’amour de l’horlogerie. A chaque instant. Même durant son service militaire, en Afrique au milieu des années 50, il choisit l’aviation et l’entretien des mécanismes des appareils de navigation. De retour dans la vie civile, Gérard promène son savoir-faire, son épouse Madeleine et ses deux enfants de ville en ville, d’île en île, d’atelier en atelier.
En 1978, direction la Réunion, caillou français posé à quelques encablures de Madagascar, à une demi-heure d’avion de l’ìle Maurice, «un endroit réputé accueillant». Un caillou où les Montandon ouvrent très vite un atelier dans une des chambres de l’appartement familial, au 1er étage du 23 rue Pasteur, en plein centre-ville de Saint-Denis, ville préfecture. «A l’époque, il n’était pas banal de voir les Réunionnais monter un étage puis traverser un appartement pour faire réparer une montre», se souvient Patrick, le fils de Gérard. Ce quadragénaire tient l’horlogerie installée depuis 1979 au... 30, rue Pasteur: Gérard Horlogerie.
Que du neuf, pas d’occasion
Si la boutique porte le prénom du père fondateur, celui-ci s’en est allé en 1997. Mais Patrick, aidé de sa femme Véronique, entretient la flamme. Discret mais fier de son affaire familiale, il présente son antre, impeccable, dénichée quelques mois après leur arrivée. «Elle mesurait alors 10 m², nous avons agrandi en 1984, puis en 2003.» Madeleine, maman de Patrick, n’est jamais très loin des présentoirs. Quand on évoque l’installation réunionnaise, la caution historique de l’établissement sourit: «C’était l’aventure !» Et Patrick d’ajouter: «On ne savait même pas ce qu’était un cyclone...»
15 000 €, prix plafond
Sans oublier les prix «métropole» pratiqués. Chez Gérard Horlogerie, les coûts de transport et des taxes douanières ne sont pas répercutés sur le prix proposé au client. Un phénomène rarissime à la Réunion. «Nous pensons que cette politique tarifaire est indispensable pour attirer et retenir une clientèle réunionnaise qui voyage et a tendance à se dire qu’ailleurs, il sera plus aisé de comparer et de trouver de meilleurs prix.»
Les adeptes réunionnais de belles montres – «dont la part est proportionnellement aussi importante ici que dans le reste du monde», selon Patrick – peuvent donc trouver leur bonheur à des prix «normaux», parmi les nombreuses marques que l’horloger dionysien représente: Breitling, Omega, Tag TAG Heuer, Longines, Bell & Ross, Oris, Hamilton, Seiko...
Des marques que l’horloger choisit en fonction du marché local. «Notre clientèle est variée, aisée parfois, et nous croisons une dizaine de véritables passionnés de montres chaque mois. Mais le prix plafond se situe environ à 10 000, voire 15 000 €. Au-delà, les demandes sont très rares et deviennent des commandes particulières. L’intérêt est donc nul pour nous d’acheter du stock dans cette catégorie de produits... surtout dans cette conjoncture», analyse-t-il. Prudent voire méfiant quand il évoque les marques qu’il distribue et ce qu’il peut en dévoiler, Patrick s’emporte en revanche rapidement quand un mot est prononcé au détour d’une phrase: Internet. «Les gens achètent n’importe comment et n’importe quoi sur la Toile, sous prétexte que c’est moins cher. Ils viennent ensuite nous voir pour que nous réparions leurs montres alors que nous n’avons ni la marque, ni les pièces... ni l’envie. Nous refusons donc souvent ce type de réparations, je ne suis pas l’atelier d’Internet !»
L’attachement au symbole
Quant à la clientèle du monde réel, elle repart elle aussi parfois déçue. Pas pour les mêmes raisons. En effet, dans certains cas, Patrick doit se résoudre à ne pas réparer tel ou tel modèle ancien. «A la Réunion, avec la distance, trouver et importer des pièces est difficile. Si nous devions répercuter le coût du transport et de la douane, le temps passé en recherche, en paperasse, en réparation, la facture présentée au client serait indécente. Je préfère décliner la réparation. Mais il faut faire œuvre de pédagogie. Et même de psychologie... Pour certains clients, c’est un déchirement de ne pas pouvoir offrir une seconde vie (ou plus) à une montre de famille.»
L’attachement au symbole, à l’histoire personnelle que «porte et portera toujours» la montre permet à Patrick de penser que l’horlogerie a encore un bel avenir devant elle. «De toute façon, il n’y a qu’à voir les efforts d’innovation et de perfectionnement des marques pour être rassuré. Si tant est qu’il faille l’être.» C’est donc sans crainte que la passion horlogère se perpétue chez les Montandon depuis plus d’un demi-siècle. De père en fils. Et l’histoire n’est pas près de s’arrêter: Nicolas, le fils de Patrick, suit actuellement une formation en horlogerie.
Gérard Horlogerie
30, rue Pasteur
Saint-Denis de la Réunion
www.ateliergerard.com