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Thierry Stern parle des 175 ans de Patek Philippe

Rencontré à Bâle dans le nouveau stand de la marque, Thierry Stern se livre à la veille des festivités du 175e anniversaire de Patek Philippe dont le coup d’envoi sera donné à Genève en octobre 2014.

Par Watchonista

Comment se sent-on quand on a 175 ans?

Hum, moi je me sens encore très jeune et motivé. Evidemment, il y a la fierté d’être encore là, d’autant qu’il y a eu plein de changements dans l’horlogerie ces dernières années. Ma plus grande fierté, c’est peut-être que Patek Philippe est restée une entreprise indépendante. En faisant le bilan depuis que je suis là, pour avoir beaucoup parlé avec mon père de l’histoire de l’horlogerie et surtout des marques, c’est le fait que nous ayons réussi à nous démarquer en restant indépendant et que nous n’ayons pas été vendus qui ressort. Beaucoup de belles marques familiales sont aujourd’hui au sein de groupes. Nos 175 ans représentent plus qu’un enjeu commercial. Ils sont l’accomplissement d’une famille qui a réussi à se préserver, et surtout à croire en elle, à croire en la belle horlogerie. Je suis encore plus motivé qu’avant surtout pour travailler pour les 200 ans. Car pour moi, les 175 ans, c’est plus la fête de mon père que la mienne. C’est lui qui les mérite, pas moi. Moi, ce sera les 200 ans…

Comment appréhender l’avenir quand on a 175 ans?

En fait, aujourd’hui, l’avenir est déjà construit. Pour créer des nouveautés, il y a deux choses à faire, le design et le mouvement. Le design c’est, entre guillemets, le plus facile puisque nous commençon à créer 2 ans. Parfois un peu moins, ça dépend des modèles et aussi des quantités que nous produirons. Au niveau mouvement, c’est plus long. Un mouvement simple, c’est 4 ans, à développer, à tester, à valider… Ensuite à fabriquer. Un mouvement compliqué, c’est 6 ans, et un mouvement très compliqué, c’est minimum 8 ans. Aujourd’hui, dans mon portefeuille mouvements pour le futur, je suis déjà en 2025. J’y suis obligé, je n’ai pas le choix, car il faut prévoir. 2025 c’est loin! Si je suis donc assez confiant c’est que je sais les nouveautés techniques qui vont apparaître. Il y en a de très belles. Donc je me sens serein. Je pense qu’avec la bonne gestion que nous avons faite de nos points de vente et de la marque, si nous continuons sur cette lancée, je ne vois pas vraiment de risque.

En 175 ans, vous avez généré un patrimoine extraordinaire, beaucoup de créations, de complications, de mouvements innovants, de nouvelles techniques, de nouveaux matériaux… Si vous deviez n’en garder qu’un, laquelle choisiriez-vous?

Comme ça sans réfléchir? … Je garderais les répétitions minutes. C’est quelque chose de très simple pour le client à écouter, et donc à vérifier si c’est beau ou pas.

Tout le monde est capable de dire si c’est un beau son ou pas. D’un autre côté, c’est très technique à réaliser et c’est ce qui me plaît dans cette complication. Commercialement parlant, ce n’est peut-être pas la réponse la plus intelligente, mais pour le plaisir, ce sont les répétitions minutes que je garderais.

Patek Philippe Annual Calendar Chronograph Ref. 5960/1A-001 à Baselworld 2014   Patek Philippe Annual Calendar Chronograph Ref. 5960/1A-001 à Baselworld 2014 
 

Une référence en particulier?

Pas forcément. Parce qu’elles évoluent sans arrêt et que chacune à chaque fois reste une nouvelle célébration. Je n’arriverais pas à en choisir une. Il y en a qui sont peut-être plus mythiques que les autres, mais nous nous sommes donnés tellement de peine à les créer, d’abord belles esthétiquement puis surtout techniquement à les développer, à faire que leur son soit de plus en plus joli, harmonieux et puissant, que pour finir, je serais inujuste d’en choisir une.

Il me semble que chaque fois que je vous vois, vous portez une…

Là, je porte une 5970. C’est vrai que je l’ai depuis un moment. Je dirais que je  n’ai pas beaucoup de pièces pour en changer fréquemment. J’ai essentiellement 2 pièces, cette 5970 et une Aquanaute Travel Time. Deux modèles que j’aime bien, qui me correspondent bien. La 5970 reste ma favorite. Au niveau des complications elle est très belle, au niveau esthétique aussi. C’était une montre extrêmement difficile à réaliser pour moi puisque j’ai du refaire le boîtier de la 3970 qui était une icône pour Patek Philippe.

C’était très dur puisque dès le départ, ma mission était de modifier ce boîtier et tout le monde pensait «c’est impossible de faire mieux» puisque le 3970 était une boîte vraiment connue chez Patek. Or on s’appeçoit qu’avec du travail et de la passion, nous avons pu faire un truc pas mal. C’est pour ça que je la porte, car j’ai mis plus de 2 ans à la faire.

Qu’est-ce qui n’a jamais changé en 175 ans?

La volonté de faire mieux. La volonté de s’améliorer, aussi bien dans la gestion au quotidien de nos affaires que dans la relation client et détaillants. C’est évident, les produits ont évolué, la qualité aussi, mais cette volonté derrière et la stratégie mise en place, ça n’a pas changé et ne doit pas changer.

D’un autre côté, qu’est-ce qui a radicalement changé?

Peut-être la manière de fabriquer des montres, on est passé d’une ère traditionnelle, où il y avait un horloger qui faisait le mouvement de A à Z, ou alors s’il ne le faisait pas en entier, ils étaient peu, à une ère d’industrialisation mais toujours avec ce souci de la qualité et du savoir-faire. Aujourd’hui, nous avons réussi à mettre en place un outil de production permettant de produire une même pièce une centaine de fois avec la même qualité et les mêmes critères.

Dans les produits de cette année, la Nautilus Chrono Travel Time s’est-elle faite sous votre impulsion?

De toute manière toute montre voit le jour sous mon impulsion puisqu’en fait chez Patek, le Président et la famille contrôlent la création. C’est obligatoire car si nous ne la contrôlions pas, nous ne serions que des hommes d’affaires. Le but, quand vous rentrez chez Patek Philippe en tant que membre de la famille, c’est d’aimer le produit. C’est l’éducation qu’on a reçue, c’est la vision de la marque qu’on a pu apprendre à travers non seulement le travail dans l’entreprise, mais surtout avant, au sein la famille. On est imprégné dès le plus jeune âge, c’est ce qu’on peut appeler l’ADN de la marque. Il est injecté très tôt dans nos veines. En étant passionné, on peut conserver cet ADN tout en permettant à la nouvelle génération d’y mettre un peu du sien. Chaque membre de la famille qui reprend la marque va y ajouter sa propre touche. C’est ce qui fait la force de Patek Philippe aujourd’hui.

Le stand Patek Philippe à Baselworld 2014 Le stand Patek Philippe à Baselworld 2014

Quel conseil vous donnez à des collectionneurs qui n’ont pas encore les moyens d’acheter une complication chez vous, mais qui aiment la marque?

Aujourd’hui, le gros avantage, c’est que cette jeune génération a les outils nécessaires pour se renseigner par elle-même. Elle a les magazines, elle a des spécialistes dans la presse, elle a internet, elle a tout à disposition pour prendre conseil.

La chose que j’ai remarquée, très souvent, et c’est valable pour toutes les marques, c’est qu’il y a énormément de modèles. Si je prends Patek, on est quasiment à 200 modèles dans la collection. C’est très dur de choisir… Même s’il y a un critère de prix et qu’on élimine certaines pièces car elles sont trop chères pour les jeunes, le seul conseil que je donne, c’est d’acheter la première pièce que vous avez vue et aimée. Très souvent, j’ai remarqué que c’est celle-là qu’il faut acheter. Il ne faut pas trop changer d’avis, car après on le regrette.

Vous vous souvenez de votre première Patek.

Oui, très bien. C’était la Nautilus la 3800, elle était en or jaune et en acier, une très belle pièce, je l’ai toujours. Dans la famille, on ne va pas recevoir une complication à 18 ans, c’est trop. Pour moi la référence 3800 est belle, simple, automatique, étanche. Je pouvais tout faire avec, aussi bien être en costume, ce qui était rare à 18 ans, mais aussi être en jeans ou en costume de bain.

Votre premier souvenir lié à la Manufacture.

Le premier souvenir, ce n’est pas la Manufacture, c’est la magasin de la rue du Rhône. C’est là qu’étaient les bureaux et une partie de la Manufacture. J’avais 6 ans, c’est même un de mes tous premiers souvenirs: je me souviens avoir ouvert un tiroir, face au bureau de mon père, où il y avait 6 montres de poches émaillées. C’était de très belles pièces. C’était les premières pièces de musée.

C’est vraiment depuis ce jour-là que j’ai eu envie de créer des pièces. Je me souviens de l’odeur du tiroir, de sa couleur, un peu bordeau, en velours...

La vraie date d’anniversaire de vos 175 ans, c’est bien le 1er mai?

En fait, toute la célébration se fera en octobre. Tout sera fait à Genève, dans la Manufacture. On va présenter les nouveautés.

Comment appréhendez-vous le digital, sur le plan personnel d’abord, et pour Patek Philippe ensuite?

Je suis comme tout le monde, c’est très utile mais on ne doit pas en devenir tributaire. Je crois que c’est un fabuleux moyen déjà pour apprendre. J’ai moi-même deux enfants, et ils peuvent prendre des cours de maths pour l’un, d’anglais pour l’autre, avec un prof qui est au Canada et l’autre quelque part en Europe. Il ne faut pas en avoir peur, surtout pour une marque comme la nôtre. C’est un outil qui nous permet de communiquer avec le client, de diffuser des films, de toucher peut-être plus de gens. C’est quelque chose de tout à fait compatible avec la marque. Au niveau des plans, quand j’ai commencé, nous avions des planches à dessin. La moindre erreur et il nous fallait recommencer l’ensemble du plan. Aujourd’hui, avec un simple clic on va effacer l’erreur et continuer.

Vous avez été une dernière marque à mettre pied sur le web horloger. Comment envisagez-vous la suite?

Il n’y a aucune raison de s’arrêter. C’est en marche. Nous ne serons peut-être pas les précurseurs, sauf sur certains points. Il fallait déjà que ça se mette en place, d’une manière très constructive et avec les bonnes personnes. C’est un nouveau challenge pour les marques, qui vont devoir sélectionner les bons. Ce n’est pas évident car il y en a de plus en plus. Ce n’est pas mon rôle d’appréhender et de construire le digital, il faut savor déléguer cette mission à des personnes qui sont plus capables que vous, qui en ont les compétences. Construire une stratégie autour, c’est ma responsabilité. Il faut sélectionner les bons sites et les bonnes personnes. On en revient à l’humain. Ce qui est intéressant avec le digital c’est qu’il y a quand même quelqu’un qui pianote sur le clavier et c’est celui-ci qu’on va devoir valider.

 

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