Vaucher Manufacture: la réserve de marche multipliée par six. Révolution!
Lancé le 15 septembre 2014 au CSEM à Neuchâtel, le régulateur mécanique Genequand, du nom de son inventeur, occupe le même encombrement dans un calibre horloger. Sans spiral, ni perte chronométrique.
Avant ce fameux 15 septembre 2014, l’unité de mesure de la réserve de marche des mouvements mécaniques se déclinait en heures, voire en jours. Désormais, elle se comptabilisera en mois. Après 10 ans de recherches conjointement menées avec le CSEM de Neuchâtel, Vaucher Manufacture Fleurier, sous la houlette de son patron Jean-Daniel Dubois, était en mesure de présenter un calibre 8 jours dont l’organe réglant avait été remplacé par ce nouvel échappement, sans que son encombrement initial n’en soit modifié. Miracle, les performances chronométriques sont identiques, même si les tests entrepris qui le démontrent déjà devront encore parler sur une durée plus significative!
Autrement dit, après une phase de mise en production, les premières montres pourraient débarquer sur les marchés dans 3 ans, d’abord chez Parmigiani Fleurier, marque sœur appartenant au même actionnaire la Fondation Sandoz, puis chez d’autres clients, pourquoi pas en commençant par Hermès, propriétaire d’environ 30% du capital de Vaucher Manufacture. A terme, et puisque en filigrane se profile toujours plus distinctement l’inéluctable quête d’indépendance en matière d’approvisionnement de calibres mécaniques, ce régulateur ingénieux pourra même remplacer les organes réglants des montres dont l’accessibilité en matière segment de prix rime avec volumes importants.
Une invention de rupture
Jusqu’ici, les travaux menés sur le silicium s’étaient limités à la réplique dans un matériau aux propriétés particulièrement attractives, d’un spiral dont le secret de fabrication, maîtrisé par la filiale du Groupe Swatch Nivarox, reste parmi les mieux gardés de la planète. Certes, on sait plus ou moins de quoi son alliage est composé, mais qui peut aujourd’hui, hormis Nivarox, en maîtriser une production de millions de pièces annuelles, tout en garantissant sur un mode de répétitivité et de régularité, une telle qualité d’exécution? Ça pousse à l’admiration, au respect. Oui, l’excellence industrielle existe, elle est plus perceptible face à des volumes importants que dans les niches d’une horlogerie dite «haute.»
Toujours est-il que les avancées permises par la maîtrise du silicium ont toutes été vers le remplacement d’un spiral traditionnel par un spiral en silicium. Une sorte de copié collé rendu possible par le CSEM SA, ce Centre Suisse d'Electronique et de Microtechnique qui, sous mandat de la Confédération Helvétique, reste une organisation privée employant à Neuchâtel plus de 400 personnes actives aussi dans les Medtech, l’industrie des machines ou le spatial. Une structure devenue le berceau des travaux sur le spiral en silicium et dont partent certaines productions actuelles de marques prestigieuses, Rolex, Patek Philippe, Groupe Richemont ou Ulysse Nardin.
Pour la première fois, les recherches menées sur ce matériau, ont enfanté une invention de rupture. Il aura fallu qu’un retraité, ancien chercheur de ce centre, profite de son temps fraîchement libre pour se dédier à un rêve fou. Celui d’étendre à l’horlogerie les technologies Flextex destinées à d’autres applications, celles qui occupèrent sa carrière de chercheur et d’inventeur.Autrement dit, de faire bénéficier l’horlogerie de son expérience en matière d’application des propriétés d’absence de jeu et de friction des articulations flexibles aux mécanismes de précision développée dans le domaine du guidage des fibres optiques et des projets de mécaniques spatiales. Tout un programme.
10 ans après, l’aboutissement
En gestation durant 10 ans, le nouveau régulateur connaîtra trois phases déterminantes. La première en 2004 prendra la forme d’une maquette à l’échelle 20:1. Elle était dans le hall à Neuchâtel, telle une sorte de vestige intemporel aux allures de machine à Tinguely, fonctionnelle. Puis, sur présentation de ce prototype géant, le CSEM décidera d’entreprendre, dès 2007, une deuxième maquette au 5:1, se rapprochant plus en taille de la réalité horlogère. Finalement, en 2014, un calibre horloger réel, un 8-jours de réserve de marche issu du catalogue Vaucher Manufacture Fleurier, sera équipé de ce régulateur.
Jean-Daniel Dubois, d’abord sceptique lorsqu’il reprend les rênes de la Manfacture et hérite de ce projet, se laisse convaincre de sa faisabilité par la détermination de ses collaborateurs. Il imposera que le nom de ce nouveau régulateur soit celui de son inventeur. Il fallait voir la pétillance des yeux de Pierre Genequand, présent à Neuchâtel face aux médias et aux techniciens, pour réaliser à quel point cette reconnaissance professionnelle lui aura fait du bien, sans pour autant le départir de sa légendaire modestie.
Le système Genequand permet au porteur d’une montre mécanique de ne remonter sa montre qu’une fois par mois. Il est composé de trois pièces, un compensateur d’isochronisme, un oscillateur Wittrick et d’une ancre.
Grâce à des lames d’une épaisseur de 0.02 millimètre, il oscille à 86'400 alternances par heure, soit une fréquence de 12,5 Hertz. Côté encombrement, il mesure 10 millimètres sur 15. Il aura occupé une équipe de 20 personnes. Il aura démontré une fois de plus que la recherche, lorsqu’elle s’ancre dans le tissu industriel, porte des fruits prometteurs. Son seul hic, la montre qui en sera équipée ne fera plus tic tac et son aiguille des secondes, au lieu d’avancer à raison de 4 sauts par minute, donnera l’impression d’une course continue, à la manière des montres électriques ayant eu leur heure de gloire dans le passé ou ayant encore leur actualité dans les halls de gare… Il reste encore des choses à inventer. Comme par exemple un tic tac qui ne serait pas issu d’un choc entre deux composants!
La réserve de marche, le client final en redemande!
L’argument «réserve de marche» est de plus en plus utilisé par les marques horlogères suisses. Il percute sur les marchés, car il témoigne de la capacité d’un mouvement à être optimisé, à être maîtrisé jusque dans ses performances les plus utiles.
Quoi de plus pratique en effet que de porter une montre automatique, de celles qui s’auto remontent grâce à un rotor, une masse oscillante sensible aux gestes du porteur? Seulement voilà, lorsque la montre est posée dans un coin, elle s’arrête au bout d’un certain temps. Cet arrêt, inévitable puisque la montre est immobile, les horlogers n’ont eu de cesse de le repousser toujours plus loin dans le temps. Idéalement, la montre ainsi ôtée du poignet au début d’un week-end, doit être capable de continuer à fonctionner sans que le lundi, son possesseur ne doive la remettre à l’heure. Désormais, celui qui aura une montre mécanique dotée du régulateur Genequand, partira tranquillement plusieurs semaines en vacances…. La révolution.
La vidéo sur le système Genequan