Memoris de Louis Moinet, reprise en main avant les honneurs?
Sa sélection dans la catégorie Chronographe du Grand Prix d’Horlogerie de Genève 2015 la remet sous le feu des projecteurs, après sa première apparition à Baselworld. Se remémorer la Memoris? Un vrai délice…
Actuellement, un modèle de ce Chronographe-Montre Louis Moinet dont la production se résume à trois séries numérotées de 60 exemplaires chacune, une pour l’or rose et deux pour l’or blanc, se trouve en voyage autour du globe. En effet, il participe au world tour orchestré par le Grand Prix d’Horlogerie de Genève (GPHG) et sera sur la scène du Grand Théâtre de Genève le 29 octobre prochain, peut-être en gagnant, puisqu’il a été sélectionné pour se mesurer, dans la catégorie chronographes à cinq autres marques.
Louis Moinet Memoris en or blanc et platine bleue
Toute notre équipe éditoriale avait craqué face à ce vrai Chronographe. Pour la première fois, la conception d’une montre chargée de mesurer des temps intermédiaires, mettait la fonction chronographe à la une du cadran, reléguant l’indication de l’heure et des minutes au rang d’un simple compteur, posé à 6 heures. Un cadran se différenciant des autres par son fond émaillé de couleur crème. Bref, une petite montre discrètement installée dans un garde-temps, presque destinée à se faire oublier tant l’architecture du calibre, généreusement visible, donne la vedette aux compteurs chronographiques et aux éléments mécaniques qui leur permettent de fonctionner. La marque Louis Moinet lançait alors l’appellation Chronographe-Montre, histoire d’insister sur ce qui différencie cette pièce d’une habituelle montre dotée de la fonction chronographe, qu’elle ait été obtenue à partir d’un ajout modulaire ou qu’elle ait été incluse dans la conception de son mouvement.
Louis Moinet Memoris en or blanc et platine bleue
L’avoir au poignet, le temps d’un test
Cette Memoris, j’en avais envie, je l’ai donc portée. Le test a duré quelques jours durant lesquels je me suis familiarisé avec les aspects techniques du mouvement. Dès la prise en main, j’ai été captivé par la présence sur la face de la roue à colonnes, des bascules, des cames, de l’embrayage et autres roues, bref de tous les attributs d’un mouvement de chronographe. Même si l’architecture de ses composants me paraissait des plus familières, rien n’y faisait, le côté inhabituel de ces spectacles micromécaniques, avec toutes les fonctions du chronographe visibles côté cadran, restait purement inédit et addictif. Je ne saurais dire combien de fois j’ai activé le mécanisme pour le seul plaisir d’assister à ce ballet mécanique qui jusque là, sur tout chronographe normal, restait de l’ordre de l’imaginaire.
Louis Moinet Memoris en or blanc et platine bleue au porté
Si le monopoussoir est une référence au passé, il est aussi pour ce chronographe apparent le meilleur choix possible. Car il est plus esthétique qu’un mécanisme avec deux poussoirs, d’autant plus que ses cames sont visibles. Quant au fait de pouvoir activer au moyen d’un seul poussoir tant la mise en marche, l’arrêt, et la remise à zéro, il s’apparente sur cette pièce ouverte à une cinétique magique. Malgré les générosités de l’ajourage du mécanisme, la lisibilité est sauve. Tout se lit de manière aisée, en particulier cette seconde du chronographe libre qui balaie la partie centrale de la montre. Quant aux minutes et aux heures non chronographiques, elles sont affichées sur un fond de sobriété à 6 heures. A cette esthétique réussie et disruptive s’ajoutent la beauté du jeu des finitions et le mariage des matériaux. Soudain, naît le sentiment que la pièce est à l’aise dans son époque, qu’elle est résolument contemporaine. Quoiqu’il en soit, et les quelques envieux qui l’admireront à mon poignet le confirmeront, la Memoris fascine autant ceux qui la désirent du regard que ceux qui la portent.
Le calibre LM54 dispose d’une réserve de marche de 48 heures
Bienfaits du système Energie Plus
Côté technique, tout a donc été pensé pour que soit mis à l’honneur le chronographe. Ainsi ont été séparés les 147 composants liés à son fonctionnement et les 155 servant au calibre dont la partie automatique se trouve sous la platine. Si la prouesse technique de son monopoussoir, une seule tige capable d’appeler toutes les fonctions, a déjà fait couler beaucoup d’encre, il est une subtilité qui mérite également qu’on s’y attarde. Baptisée Energie Plus, elle se résume à l’ingénieux système qui améliore la performance de remontage du mouvement d’environ 30% par rapport à un calibre identique qui en serait dépourvu.
Le dessous de la Louis Moinet Memoris en or rose
Cette optimisation a été rendue possible grâce à un plateau excentrique muni de deux levier-cliquet qui permet d’exploiter dans les deux sens, et surtout avec un minimum de chemin perdu, les allées et venues de la masse oscillante. Le tout étant coordonné par un ressort en forme de patte de crabe et mu par un micro roulement à billes en céramique, chaque bille faisant 0,397 millimètres de diamètre. Rappelons que la céramique, tout en restant légère au niveau du poids, dispose d’une haute intensité de masse et de facultés auto lubrifiantes avérées. Rappelons également que cette technologie Energie Plus a certainement été à l’origine du prix obtenu par Louis Moinet au Concours de Chronométrie 2013, une compétition bisannuelle dont les seuls critères, les plus indiscutables qui soient, sont ceux de la précision la plus objective et mesurable.
Zoom sur le cadran du Louis Moinet Memoris, la roue à colonnes à midi
Cohérence historique
Finalement, il y a pour la marque Louis Moinet une logique cohérente à vouloir revisiter le chronographe. N’est-ce pas cet horloger contemporain de Breguet mais d’une vingtaine d’années son cadet, d’une érudition autant discrète que pluridisciplinaire, qui fut l’inventeur du chronographe? Figurez-vous qu’environ 10 ans avant la date retenue par l’histoire, c’est à dire en 1816 soit il y a près de 200 ans, ce génial horloger inventait un instrument étonnant, le Compteur de Tierce, présentant toutes les caractéristiques modernes du chronographe. Bref un incroyable chronographe fabriqué une décennie avant même que le mot ne soit créé suite à l’apparition d’un objet bien plus rustique, inventé par Nicolas Rieussec (1781-1852 ou 1866) – un horloger d’origine toulousaine exerçant à Paris – non pas destiné à scruter les étoiles et les temps sidéraux, mais à mesurer les temps intermédiaires lors des courses de chevaux! Et ce avec une tâche d’encre déposée sur le cadran – chronos signifiant le temps et graphe désignant l’écriture.
La version en or blanc avec platine rhodié du chronographe Louis Moinet Memoris
En mars 2013, face aux cautions scientifiques apportées par un collège d’historiens émérites, l’Histoire fut réécrite et la paternité du premier chronographe attribuée à Louis Moinet, reléguant l’invention de Rieussec au premier chronographe-encreur. En 10 ans d’existence, c’est somme tout le petit espace temporel qui sépare également les deux inventions, la marque Louis Moinet, créée par Jean-Marie Schaller, aura rendu à l’horloger dont elle fait perdurer la mémoire, le plus prestigieux des hommages: celui de replacer son génie créatif à sa juste place dans la connaissance universelle, au point de contraindre Wikipedia à se mettre à jour.