Testé pour vous: Jaquet Droz Grande Seconde Quantième Email Ivoire

A moto, les trombes d’eau ne lui auraient pas été profitables et l’essentiel est de la découvrir dans un contexte qui est le sien: dans le cadre du travail et de la vie sociale. Au retour, protégée dans l’intérieur cosy de la voiture et au poignet, elle était bien plus à son aise et se laissait découvrir au gré des changements de vitesse. Portée à droite, elle tombait parfaitement juste sur un poignet de presque 20cm de circonférence, consécutif à une pratique assidue de la voile. On notera que la première impression est celle d’un juste équilibre que l’on doit sans doute à la parfaite adéquation entre le diamètre de la boîte (43 mm) et la taille du porteur (un mètre soixante quinze).

Cette pièce en or rouge possède des traits aristocratiques dans sa structure architecturale. On pourrait chercher longtemps les raisons de cette sensation qui se perçoit également sur le modèle en or blanc comme sur la version de 39 mm de diamètre. Elle est sans doute liée à l’histoire de la maison qui est ancienne (1738), mais également au dessin du boîtier qui, récemment repensé, souligne encore plus sa finesse tout en lui conservant ses lignes lui permettant d’être identifié par un amateur connaissant la marque. Ses formes douces et l’absence de toute visserie sur le fond ouvert (clippé), comme les inscriptions limitées à leur plus simple expression (nom et numéro de la série), sont autant d’éléments offrant à cette montre de s’inscrire sans difficulté dans le quotidien de celui qui la porte.

En ce mois d’août, difficile de la porter au poignet lors d’une soirée digne d’elle. Impossible de la faire se confronter véritablement au regard des autres et de lui offrir les moyens de ses ambitions. En dehors d’un ami détaillant travaillant à quelques distances de la boutique parisienne de Jaquet Droz, le plaisir de partager les avis a été réduit. Aussi, dans le cas présent, le plaisir du porter cette référence, quoi qu’entier, fut totalement égoïste. Par conséquent, la mission de sonder des passants pour avoir leur avis sur ce bel instrument de mesure du temps a été confiée sur Genève, à Louis Nardin pour the Watches TV. Son reportage sur le terrain est à suivre ici:

Sur le plan du ressenti personnel, on notera que le disque blanc ivoire surligné par la lunette en or rouge possède quelque chose de presque hypnotique. Le cadran de cette montre offre, il est vrai, une profondeur unique et une puissance que seul l’émail «grand feu» peut apporter. Héritage du passé, il est ici réalisé selon la technique dite du «double émaillage» requérant le savoir-faire des artisans talentueux de Rubattel et Weyermann, une société du Swatch Group installée aussi à La Chaux-de-Fonds. L’émail épais, permettant d’y creuser le compteur dans la matière, subit sous la main experte des artisans, le passage au feu (cuisson à 800°c). Durant cette opération, la matière déposée ayant cette teinte ivoire se vitrifie en fines couches. Le résultat est impressionnant et s’observe avec un réel plaisir à la loupe d’horloger, car chaque détail prend une dimension rare. Grâce au double émaillage, le «blanc» du cadran possède une véritable densité et se fond dans la matière. On retiendra que lire l’heure à ce cadran de grande taille offre une expérience qui n’est pas sans rappeler celle que l’on peut vivre en tirant de sa poche une montre de gousset de qualité supérieure, datant de la fin du XIXième siècle. Irrésistible, une fois passée au poignet, cette pièce que l’on devine complexe à réaliser, dégage un petit quelque chose de furieusement aristocratique.

Cette montre entretenant l’esprit de tradition en toute modernité possède une grande trotteuse qui, l’emportant en taille sur l’heure pour former un 8 infini et propitiatoire, peut être perçue comme une sorte d’ancrage pérenne dans un monde en permanent mouvement. Et, parce que tout à un sens, ce compteur associe le temps le plus court (la seconde) avec un affichage du quantième (le jour). Intégré avec intelligence, celui-ci se fond dans le décor et se fait presque oublier, sauf des amateurs de ce type d’information qui seront ravis de la retrouver. Faite pour passer les années sans prendre une ride, cette pièce d’horlogerie fine méritait de voir son caractère inaltérable entretenu en enfermant dans son délicat boîtier bassiné un calibre mécanique à remontage automatique de belle facture suisse que les anciens appelaient, du temps de Pierre Jaquet-Droz, des mouvements pour montres perpétuelles. Visibles par le fond transparent, les finitions haut de gamme de ce cœur réputé ont quelque chose de rassurant. Le rotor en or massif sobrement travaillé en éventail renvoie au traitement spécifique des Côtes de Genève également en éventail, qui s’étendent sur des ponts agrandis et finis à la main avec soin. Qu’importe que l’on soit un expert en mécanique ou non, le traitement graphique du calibre assure à qui possède un minimum de connaissances horlogères, la garantie d’un travail manuel réalisé dans les règles de l’art (anglage main, roues moulurées et cerclées, acier adouci, etc.)

Montre sobre en apparence, la Grande Seconde Quantième Email Ivoire cache bien son jeu car la présence du quantième attire le regard grâce à quelques touches de couleurs qui viennent ponctuer d’un peu de fantaisie, un ordonnancement de cadran d’une rigueur horlogère que l’on devine héritée du passé glorieux de cette maison à la renommée internationale. On retiendra que son prix est, globalement, dans l’esprit de ce que pratique la concurrence. Toutefois, cette pièce numérotée a en plus pour elle d’être parée d’un magnifique cadran en double émail «grand feu» qui se trouve être unique.

L’ensemble place ce garde-temps en très bonne position dans la sphère des montres de prestige destinées à être portées en toute urbanité aussi bien en costume la journée durant qu’en tenue de soirée… Dans le cas présent, cette pièce testée était équipée d’un organe de régulation de nouvelle génération intégrant un spiral en silicium et une ancre aux cornes inversées. Précise et contrôlée au Witchi tout en étant parfaitement de série, elle a affichée une marche diurne de seulement 2 secondes d’avance par jour. Soit un résultat de qualité chronométrique tout à fait acceptable pour une référence qui n’est pas livrée avec un bulletin de chronométrie.

En conclusion: cette montre de très belle facture à porter sur un souple et beau bracelet en alligator mat raconte une histoire: l’histoire d’un savoir-faire datant du XVIIIème siècle, le grand siècle où l’horlogerie a su trouver l’équilibre pour faire de la montre un bijou ayant une fonction d’objet scientifique. Cet esprit des Lumières se retrouve dans cette pièce au chic certain et aux lignes intemporelles, à retenir pour être la compagne de ceux voulant pouvoir la porter en toute urbanité du matin au soir.

Photographies par Sandra Garrido Campos pour Watchonista.