Fabergé place son deuxième fuseau horaire au centre du cadran
Une heure sautante magnifiée par une loupe et encadrée par un dôme finement travaillé domine le cadran de la Visionnaire DTZ, une montre née de l’imagination de Jean-Marc Wiederrecht.
Retraité, Jean-Marc Wiederrecht ? Il est bien seul à croire à cet innocent mensonge qu’il profère pourtant, l’œil pétillant, sur le stand bâlois de Fabergé. Il y accueille journalistes et clients avec une simplicité désarmante, saluant chacun, passant d’un groupe à l’autre, faisant tourner de mains en mains des pièces d’exception qu’il tire de leur écrin et manipule avec ce plaisir tactile qui trahit l’artisan. Il a un bras en écharpe, un bête accident domestique, mais cela ne freine en rien son enthousiasme.
Cadran complexe et lecture intuitive
Il détaille le mouvement de cette spectaculaire « Visionnaire DTZ » une montre GMT qui bouscule l’affichage du deuxième fuseau horaire. C’est de là d’ailleurs qu’elle tire son nom, DTZ pour « Dual Time Zone ». Le deuxième fuseau surgit au centre de la montre, sous la forme d’une heure sautante magnifiée par une loupe. Malgré un cadran complexe où voisinent donc cette loupe, le dôme qui l’encadre, une masse oscillante circulaire, un disque saphir qui accueille les index et les épaisses aiguilles heure/minute de l’heure locale, la montre propose une lecture intuitive et limpide.
Fabergé Visionnaire DTZ (titane et or blanc - titane et or rose)
Elle est née dans les ateliers genevois d’Agenhor, l’entreprise familiale de Jean-Marc Wiederrecht qui met son talent au service des grands noms du luxe lorsqu’ils sont en quête d’une pièce d’exception: «Le Temps suspendu pour Hermès», le «Pont des Amoureux» pour Van Cleef & Arpels, des créations pour Harry Winston, et tant d’autres encore.
Douze mois pour une naissance
Aujourd’hui, c’est donc chez Fabergé qu’on le retrouve, pour la deuxième année consécutive. Il apprécie cette maison, son héritage, sa capacité aussi à prendre des décisions rapidement, à lancer et réaliser un projet sans se noyer dans les méandres technocratiques où s’égarent parfois les grands groupes horlogers. En 2015, il avait présenté la Peacock qui voit les plumes d’un paon se déployer pour indiquer les minutes en une jolie prouesse rétrograde, et le voilà à peine douze mois plus tard avec sa Visionnaire DTZ. La maison mène en effet ses projets tambour battant, et cette idée de retraite avec laquelle joue l’horloger s’apparente décidemment à une coquetterie!
Comme toujours chez lui, l’élégance technique se double d’une réjouissante créativité. Côté technique, ce calibre est entièrement intégré, pas question de se contenter d’ajouter des modules à une base existante, d’autant que l’affichage central du deuxième fuseau horaire dicte une architecture différente. On admirera par exemple au dos du mouvement ce disque des heures entièrement squeletté, visible à travers le fond saphir, sur lequel les 24 chiffres ne sont tenus que par d’invisibles barbillons métalliques. L’heure à afficher passe sous un cache dont le fond noir permettra au chiffre, peint en blanc, d’apparaître clairement au travers de la loupe.
Quand un paon picore des grains de blé
Côté créativité, on a l’embarras du choix. Le cache sur lequel se détache le chiffre de l’heure est travaillé en forme de soleil, sur lequel une lune est gravée, là où un simple disque aurait suffi. «C’est le même prix avec ou sans détails, alors autant en faire», s’amuse Jean-Marc Wiederrecht. Et des détails, il y en a bien d’autres. L’un des composants du mécanisme de l’heure sautante, à peine visible sous le disque des heures, est découpé en forme de paon, et lorsque le mécanisme s’enclenche, il vient picorer les grains de blés qui sont gravés sur la came!
L’œil s’arrête aussi sur cette petite vis que l’horloger peut tourner en position ouverte ou fermée. Lorsque je l’interroge sur le sujet, il délaisse la montre pour empoigner une maquette en plexiglas de son invention qu’il tient absolument à ce que je comprenne. En gros, la vis commande une pince qui remplace le piton et permet de régler la longueur active du spiral sans avoir à intervenir sur le balancier. Une subtilité technique qui simplifie le travail des artisans. Il s’interrompt le temps d’une diatribe contre les spiraux en silicium, une énorme erreur industrielle et stratégique selon lui, qui permet aux grands groupes de se passer, pour le réglage, du savoir-faire des horlogers, vidant les montres de leur substance.
Une lune à la place du GMT
Puis il reprend son explication, passe côté cadran, pointe les aiguilles qui jaillissent sous le cache central encadrant l’indication du second fuseau horaire. «Des aiguilles normales, explique-t-il, dont le trou a simplement été agrandi pour s’adapter aux contraintes particulières du mouvement.» Cela permet d’installer le module GMT, mais aussi n’importe quel autre élément central, comme ce visage de lune qu’on devine en transparence à travers la nacre, selon l’angle sous lequel on regarde cet autre modèle, la Fabergé Dalliance.
Si l’esthétique de DTZ, dans son boîtier or et titane, est évidemment dominée par l’affichage de l’heure sautante, d’autres éléments retiennent l’attention. La masse oscillante circulaire est décorée de fines stries qui en signalent discrètement la rotation en créant une animation sous le disque saphir qui accueille les index. Ce dernier est métallisé sur sa moitié extérieure pour assurer un bon contraste et un grand confort de lecture.