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L’horloger qui comparait le client aux félins

L’homme aux deux montres. Il explique que c’est arithmétique et ne possède malheureusement que deux poignets. L’homme qui part en Afrique deux fois par année portant sa montre de Safari pour en faire un.  Un homme qui se dit s’adapter à la nature, Rolex Safari au poignet, en or jaune avec cadran et lunette chocolat monté sur bracelet Nato.

Par Eléonor Picciotto

L’homme collectionneur depuis plus de 40 ans et qui assumait à 14 ans avoir plus de connaissances horlogères que certains vendeurs ne peut-être que Denis Asch. Horloger et passionné depuis toujours mais pas que…

Sa première montre, une Omega des années 50-60 lui avait été offerte par son grand-père à l’âge de 6 ans, raison pour laquelle il clame être collectionneur depuis! Au delà de l’esthétique même de la pièce il voulait savoir comment elle fonctionnait. Grâce à son argent de poche d’enfant économisé semaine après semaine, il achète quelques outils au BHV,  acquiert une montre de poche et la démonte pour savoir ce qu’il y a derrière. Rares furent les fois où il arrivait à remonter ses pièces, mais qu’importe, il voulait savoir quelle était cette partie technique qui se cache derrière tant d’esthétisme. Aussi maniaque que méticuleux, Denis Asch ne pouvait par la suite que devenir horloger… De Paris en passant par les îles Caïman avant d’atterrir à Genève, le fondateur de L’Heure Asch a plus d’une vis à son établi!

25 ans dans le métier … vous pensez en avoir pendant encore combien de temps? 

L’espérance de vie augmentant…Jusqu’à 120 ans au moins! Je tremblerais peut-être mais au moins si je tremble mes montres automatiques se remonteront plus vite !

Denis Asch Denis Asch pose dans boutique genevoise: L'Heure Asch

Qui a été la personne influente dans certains de vos choix de vie?

Mon grand-père, collectionneur, que je voyais à 6 ans accrocher derrière son lit 30 montres, une à une. Il portait 4 montres aux poignets si ce n’est 5 avec une dans la poche. Tous les matins, il choisissait la montre qu’il allait porter.

En deuxième position vient mon père. Après avoir fait quelques stages en banque qui ont tourné à l’échec, mon père nous a toujours suivi dans nos choix, nous encourageant pleinement à faire ce que nous aimions avec l’unique condition de le faire avec passion! “Choisissez ce qui vous plait, mais vous devez avoir la niac!” répétait-il. Mon frère jumeau est ainsi devenu champion de France de pilotage et haute voltige, ma soeur dessinatrice et moi horloger.

Auriez-vous pu considérer un autre métier ? 

Absolument pas. Je savais à 6 ans que j’allais continuer ma collection mais je n’ai réalisé qu’à 14 ou 15 ans que je voulais prendre ce chemin. Je commençais déjà à faire les magasins, j’apprenais aux vendeurs leurs métiers, malgré mes 13-14 ans où l’on ne me considérait pas et on me riait au nez. Je devais avoir 14 ans quand j’ai tapé à la porte du patron de chez Breguet… après 2 ou 3 minutes un peu sceptiques, il a fini par m’écouter et nous avons discuté pendant une heure.  Comme disent les Anglais, “I had to guts to enter a shop.” Comme j’avais plus de connaissances que de moyens, j’échangeais, je rachetais, je vendais. Elles pouvaient couter 10CHF mais j’achetais mes propres montres.

Denis Asch Denis Asch

Un souvenir horloger…

La vue d’un QP Squelette Vacheron qui à l’époque coutait près de 110 000 Fr. Français (soit près de CHF 25’000 aujourd’hui.) Je me demandais comment une montre pouvait se vendre une telle fortune? J’étais à la fois fasciné par le mouvement et le prix.

Mon deuxième souvenir est la première montre un peu chère que je me suis achetée, une Breitling Chronomate – mécanique.

Paris, les îles Caïmans puis Genève … un changement de destination serait-il envisageable?

Déménager dans les îles Cayman c’était pour Rolex uniquement. Le magasin sur place avait un gros débit de SAV et à du sollicité Rolex pour un horloger dédié a cela. J’ai postulé, suis parti. Maintenant, je suis plutôt ouvert… Miami est une ville qui bouge aussi bien dans l’art que l’horlogerie. Il y a de plus en plus de jeunes et de moins jeunes et même des retraités de tous les âges!

J’ai assez d’idées pour rebondir sur autre chose que de l’horlogerie. Cuisinier peut-être ? En fait non… absolument pas. Je ne changerai que pour quelque chose que je maîtrise. La photo peut-être!

Qu’est-ce qui vous a fasciné dans le métier d’horloger? 

J’ai réussi à vendre des montres non pas parce que je suis vendeur mais car j’ai su vendre – j'ai su transmettre ce que je ressentais. En racontant de vraies histoires et en racontant la vérité. On raconte une seule fois des bobards à un client et il va ailleurs. Les montres ressemblent à leurs créateurs. Je pense avoir un instinct sur les produits et les hommes. Ce qui m’a aidé à choisir.

Denis Asch Le jeune Denis Asch

Qu’est ce qui vous façonne à la vente et aux félins ?

Partager un rêve. Partager, vendre, acheter. Cela fait plaisir de vendre, mais si le client est là c’est que cela lui fait plaisir d’acheter. Donc c’est un plaisir partagé. La personne est heureuse et se fait plaisir. Vendre c’est facile mais suivre ensuite son client sans bon SAV et donc fidélisation… on ne fait qu’une seule vente.

Concernant les félins c’est en rapport aux rêves d’enfants. On a tous été fasciné par des beaux animaux raison pour laquelle on a tous eu des peluches. Dans la vraie nature (la leur), on reproduit ce qui nous a fasciné. A moins de partir en Safari, les félins nous ont fasciné étaient principalement au zoo. J’ai toujours dit à mes neveux que un peu plus grands, je les emmènerai en safari, car c’est vraiment de l’émotion en barre. La vue des animaux qui vivent ensemble et dans leur environnement est juste sublime. Alors que parfois l’animal en lui-même ne l’est pas forcément. Le rhino qui renifle le moteur de la voiture ou l’éléphant qui s’approche de nous c’est beaucoup de frissons. Heureusement que l’on a de bons guides !!!

Quel est le fil conducteur entre l’horlogerie et les félins?

Le défi technique qui est double. Il y a d’abord le défi de faire une belle photo. Faire une photo d’objet c’est statique, n’importe qui peut le faire.

Le défi de vendre une montre ou de faire une photo d’un animal qui ne pose pas et ne nous attend pas c’est un défi. La lumière non plus ne nous attend pas. Et ce n’est pas parce que l’appareil est bon que la photo est belle, mais parce qu’il est bien réglé. Il faut prévoir, anticiper le regard ou le comportement du félin ou du client: même combat.

Denis Asch Denis Asch lors d'un safari en Afrique

Vos expositions sont toujours liées à des associations…

En effet, n’étant pas connu et faisant 2 safaris par années, je voulais faire quelque chose pour les animaux. Personne ne peut-être insensible à cela. Pour la première exposition de photos faite en Octobre 2013, les 22 photos finales ont été sélectionnées parmi plus de15’000. J’en ai passé des heures en savane! Mon idée était de soutenir un orphelinat d’éléphants. Il n’y a pas plus dépendant qu’un éléphanteau. Comme la maman ne peut pas avoir de bébés tout le temps, elle surprotège son éléphanteau en le gardant sous elle pendant des mois pour la chaleur. Quand par malheur la maman éléphant se fait tuée, les bébés se retrouvent seuls et meurent de tristesse, de solitude où se font manger par les lions. C’est une des raisons pour lesquelles les éléphants sont toujours en famille et ne se font pas attaquer à moins d’avoir 10 lions d’un coup! La suivante était en Juin 2014, et la prochaine d’ici la fin de l’année avec le but de reverser les bénéfices à l’association Save the Rhino.

Comment a démarré votre passion pour la photo ? 

Vers 13 ou 14 ans quand on rentrait à la maison avec nos premières copines, mon père nous prenait des photos “officielles” de couple. Puis j’ai commencé à le faire tout seul, en prenant des portraits de mes copines. Ce sont les portraits uniquement qui m’amusaient. Les paysages et objets m’emmerdent car il n’y a pas de défi. J’ai un peu évolué dans la technique en apprenant par instinct et expérience.

Découverte de l’Afrique?

C’était en 2001 pendant l’éclipse du soleil en Afrique du sud j’étais en safari chez les bushman au Botswana avec sa soeur.  Cela a été une révélation. Désormais, dès que je pars d’Afrique, je cherche une date pour y revenir. Jamais lassé, jamais blasé.

The yellow gold Rolex Safari with a chocolate dial and bezel Rolex Safari au poignet, en or jaune avec cadran et lunette chocolat

Qu’est-ce qui vous fait rêver ? 
Beaucoup rêvent d’enfants par conscience familiale et sociale. Je n’en ai pas et me fous de ce qu’on pense.
Mon rêve c’est de voir d’autres félins en Sibérie ou en Asie. Ceux qui vont bientôt ne plus exister. Ce genre de voyage me fait vibrer …

Entre bidouiller quelques montres, nager, et manger quelques cannelés, quels sont vos hobbies ?

Rien d’insolite, que du classique : le voyage et la photo.  Je voyagerai dans le monde entier pour aller voir ou écouter un opéra. Mes parents nous on amené à l’opéra depuis qu’on avait 6 ans. Mon frère et ma sœur n’y voient aucun intérêt moi pas ! Je prendrai autant d’avions qu’il faut pour faire un safari ou voir un opéra.

Comment pourriez-vous vous décrire ?

Rêveur ambitieux et perfectionniste. Si j’ai fait de la vente comme j’en ai fait c’est parce que j’ai su partager- pas parce que je suis vendeur. La combinaison : éducation + diplomatie qui ne s’apprennent pas dans les livres y est pour beaucoup je pense. La clef est de dire bonjour de la même facon à un ouvrier ou à un banquier.

Dans le village Genevois dans lequel nous sommes, vous êtes un personnage connu dans le monde de l’horlogerie : pourquoi faisons appel à vous ? 

Je reste fidèle à mes principes, mes valeurs et connaissances. Je continue de fidéliser les gens qui sont venus il y a 15 ans.

The Gatsby by Laurent Favre Gatsby par Laurent Favre

Pourquoi avoir organisé L’exposition Watch ‘up (du 18 au 25 juin) à L’heure Asch?

Afin de promouvoir des marques rares et marques de niche. Trop d’horlogers ont du talent mais trop peu d’entre eux sont connus. Ils ont du talent dans leur fabrication mais beaucoup n’ont pas les moyens de communiquer. L’idée est d’offrir une plate-forme de communication pour promouvoir leur talent. Watch ‘up à L’Heure Asch c’est 14 indépendants, 70 pièces et beaucoup de savoir-faire !

Coup de Coeur de l’exposition Watch ‘up?

La Gatsby de Laurent Favre. C’est beau, c’est bien fini et cela ne ressemble à aucune pièce.

Coup de Coeur non-horloger ?

Les Carbonara et le tiramisu du restaurant Pasta Prima Rue du Conseil-Général à Plainpalais. J’ai même leur carte de fidélité ! C’est rare que les deux soient bons en même temps… Je fais toujours le test dans tous les restaurant italiens de tous les pays du monde où je vais.

Cannelés of course but what else?

Mon concept ailleurs ;)  (aka - L’heure Asch – Nulle part ailleurs)

http://www.heure-asch.com/

http://www.watch-up.net/

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