Le design chez Baume & Mercier, une chasse gardée

Le créatif que vous êtes est-il plutôt laborieux et méthodique ou instinctif et spontané?

Les deux… Les idées peuvent arriver de façon spontanée, et c’est d’ailleurs le rêve de tous les designers. Cependant un travail long et rigoureux est le plus souvent nécessaire pour obtenir la meilleure des idées. De plus, les aléas d’un projet nous poussent le plus souvent à changer la nature de notre idée originale, et cela le plus souvent à l’avantage même de cette idée, qui mûrit, se bonifie et devient, du moins on l’espère, la meilleure.

Avec tout ce que le passé de la marque compte d’audaces créatives, est-il encore possible qu’il y ait un style Baume & Mercier?

Ce «style» existe même s’il est assez délicat à démontrer. Les designers de Baume & Mercier ont la chance de pouvoir «visiter» chaque année la collection de montres anciennes disponibles au HQ.

Plus de 1’000 pièces anciennes, qui retracent l’histoire de Baume & Mercier quasiment de ses débuts à nos jours, la plus ancienne de ces pièces datant de 1848. Ils peuvent ainsi ressentir, expérimenter, capter, ce qu’est le style de la Maison.

La pièce historique qui a inspiré la collection Promesse
 

Existe-t-il à l’interne un charte contenant les directives stylistiques de Baume & Mercier?

Cette charte, ou plutôt ces chartes existent et elles sont réécrites quotidiennement. Elles existent pour chacune des lignes. Pour rester en relation avec notre ADN, pour pouvoir le faire évoluer, des directives sont proposées aux designers, comme des guides, ou des balises qui nous aident à voir ce qu’il faut faire et aussi ce qu’il ne faut pas faire. Mais ces règles ne sont pas incontournables. Il est parfois nécessaire d’y faire quelques entorses pour mieux coller à l’un des traits de la Maison, la contemporanéité. 

S'il fallait définir le style Baume & Mercier, quels mots clefs utiliseriez-vous?

Elégant, intemporel, discret, juste.

L’esprit horloger de la famille Baume alié à l’ouverture sur le monde de Mercier a-t-il influencé les valeurs stylistiques de la marque?

Bien sûr. Le choc des deux cultures a été fort pour la Marque. Il s’agit d’ailleurs plus d’un savant mariage que d’un choc.

Allier la tradition horlogère de la famille Baume à la créativité commerciale et stylistique de Mercier est la recette de la réussite de la Maison.

Baume & Mercier Promesse
 

A propos, quelle est la marge de manœuvre d'un designer face aux contraintes d’un patrimoine tel que celui de Baume & Mercier?

Cette contrainte est très grande et à la fois salutaire. Il n’y a pas de «créateur» chez Baume & Mercier, il y a des Designers. J’insiste sur cette différence d’appellation car elle est importante pour comprendre les impératifs du développement des nouvelles collections chez nous. L’idée d’une nouvelle ligne vient de la réflexion autour de nombreux paramètres. L’esthétique bien sûr, mais aussi le prix, le positionnement de la ligne par rapport à la concurrence, et aussi les possibilités techniques de la réalisation de ces pièces, dont dépendront directement les deux premiers éléments. Cette délicate alchimie doit être respectée et maîtrisée pour aboutir à la meilleure solution.

Une icône est-elle est effrayante, est-elle excitante, est-elle paralysante? Comment aborde-t’on le travail de design sur des pièces emblématiques?

Les icônes sont une richesse inouïe et une responsabilité incroyable. Quelle chance d’avoir tout au long de l’histoire des modèles qui ont marqué les esprits, par leur créativité, leur technicité, leur audace.

Et quelle responsabilité que de devoir penser aux montres de l’avenir, tout en respectant ce patrimoine et tout en essayant, en toute humilité, d’en faire peut-être partie dans l’avenir. Travailler sur une pièce emblématique est de ce fait un beau challenge. On a entre les mains une riche source d’inspiration et de possibilités. Mais il faut faire attention de ne pas s’éloigner du style de la pièce ni de celui de la marque.

Baume & Mercier Promesse
 

Lorsqu'on travaille sur une icône, se peut-il qu'on ait le sentiment de lui être infidèle?

Toujours un petit peu… c’est aussi ce qui fait le charme de ce genre de travaux. Jusqu’où vais-je pouvoir aller? Que vais-je pouvoir me permettre?

Il y a bien sûr un peu de timidité dans les premiers traits de crayons et il faut alors faire preuve d’un peu d’audace….

Le designer a-t-il d'autres termes pour exprimer ce que le langage marketing appelle l’«ADN» de la marque?

Pour nous cela correspond à un type de courbe, de forme, de couleurs, le tout devant servir le confort, les conforts... Le confort au poignet, l’ergonomie doit être murement réfléchie, la montre doit se faire oublier sur le poignet; le confort du regard, aucun attribut gratuit destiné à faire «briller» artificiellement l’esthétique, pas de show-off, rien que de la douceur; et enfin le confort du porte-monnaie, car si Baume et Mercier est une Maison de luxe elle est aussi une Maison vouée à la célébration.

On s’offre ou on se fait offrir une Baume & Mercier le plus souvent pour célébrer un premier moment de la vie, un diplôme, des fiançailles, un mariage, etc… et là, le prix le plus juste revêt toute son importance.

Quels sont vos maîtres à penser?

Ouh la la… ils sont nombreux. Les maîtres artistes/artisans japonais, d’hier et d’aujourd’hui, qui conservent à l’esprit que l’on reste sa vie entière un débutant, qui a encore des tas de choses à apprendre. Les «inventeurs» du Design, de Raymond Loewy à Le Corbusier, en passant par les architectes Mies van der Rohe ou Frank Lloyd Wright. Et il y a aussi les premiers artistes qui dans les grottes savaient saisir l’essentiel en trois traits et avec 2 ou 3 couleurs.

L'arrière du boitier de la Baume & Mercier Promesse

Quels sont les objets références que vous auriez rêvé dans une autre vie d'inventer ou de designer?

La chaise longue de Le Corbusier et la chaise Panton de Verner Panton. La villa impériale de Katsura à Kyoto. Le trombone (pas l’instrument… le bout de fer plié!) Mais aussi l’œuf, objet parfait créé par la poule…

Chez Baume & Mercier quelle est la création dont vous êtes le plus fier?

Quelle difficile question… J’hésite entre la «Classima» de 2004, la «Riviera 4vis» de 2005 et la «Diamant» de 2005. Trois styles radicalement différents, mais trois caractères bien trempés.

Si vous deviez vous résumer en quelques mots, ou par quelques réalisations marquantes…

J’ai un diplôme des Métiers d’Art de l’Ecole Boulle à Paris, section Gravure et Arts du feu, en 1987. De 1988 à 2001 j’ai été Designer, puis Head of Horlogerie Design, chez Cartier à Paris. Depuis avril 2001, je suis Directeur Design chez Baume et Mercier. Je suis amoureux de la Culture traditionnelle Japonaise, adepte des activités de montagne, ski apin et de randonnée, alpinisme. Je suis un mari heureux et un père de famille comblé, c’est une activité à temps plein… Pour les réalisations marquantes, c’est l’avenir qui nous le dira…