Questions de temps: Manfred Brassler de MeisterSinger se dévoile

Etes-vous toujours à l’heure?

La ponctualité est une question de courtoisie. J'essaie toujours d'être là un peu plus tôt. Derrière cette attitude se cache aussi mon besoin de ne pas être sous pression si ce n’est pas nécessaire de l’être.

Existe-t-il un retard ou une avance qui vous a permis de vivre le meilleur, un instant béni, privilégié?

Parce que mon train était en retard, j'ai failli renoncer à un entretien, j'étais bien trop tard… Or, il s'est avéré que le directeur du personnel était dans le même train. C'était comme un appel à la sérénité. C'est peut-être d’ailleurs la perception du temps que MeisterSinger professe: calme et détendu, avec le sens du relatif.
 

Quel fut votre jour le plus long?

Quand ma fille Nina est née, le 24 décembre 1985. J'ai passé la nuit d’avant la naissance et d’après à l'hôpital, sans fermer les yeux. Arrivé à la maison où j’étais allé chercher des affaires pour mon épouse, il me fut même impossible d'enlever mes chaussures. Je suis tombé dans mon lit et je me suis immédiatement profondément endormi. Ma journée la plus longue venait de durer deux jours et deux nuits. Sans que je ne veuille en rater une seule seconde.

Hormis une montre ou un garde-temps, quel est le design que vous considérez comme le plus intemporel?

Le design de la Porsche 911 et celui d’une IWC Portugaise. Tous deux sont reliés à l’idée de base constante, qui peut être déclinée, comme la mélodie d'un morceau de musique. C'est ce même genre d’idée qui se niche dans les designs de MeisterSinger: des variations autour d’un thème de base classique et intemporel.
 

Citez-moi l’objet personnel que vous souhaiteriez soustraire à l’emprise du temps, pour qu’il ne se dégrade jamais?

J'étais là quand mes enfants sont nés. C'était tout un défi, être présent: à chaque fois, je n’aurais jamais pu imaginer une telle densité d’atmosphère. Malgré la gravité de la situation, tout était lumineux et édifiant. Comme si cet être apportait une étincelle venue d'un autre monde. Dans ces moments-là, loin de tout ce qui est religieux ou spirituel, une idée s’impose à vous, celle que nous pourrions venir de l'infini et peut-être aussi y retourner. Sinon, je ne crois pas qu'aucun objet ne sera impérissable.

Quel est le type de «chronophage» (mangeur de votre précieux temps), que vous redoutez le plus?

Les temps d'attente dans les cabinets médicaux et chez les concessionnaires automobiles. Grâce à mon IPad, ils ne sont plus aussi ennuyeux.
 

Si le temps vous était conté. Un titre de livre, un proverbe, une citation?

Cette remarque de Thomas Mann sur le temps: «Le temps est la paix même. Et la guerre n'est rien d'autre que l'éperon sauvage du temps, sa fuite dans une impatience insensée.»

Un proverbe du sud dit «Vous avez l’heure, nous avons le temps!». Commentaires…

Chez MeisterSinger, nous nous engageons pour une perception ralentie du temps dans la vie quotidienne, une perception où la minute n'est pas si importante.
 

Votre premier souvenir se rapportant à une durée, positive ou négative?

Ce n'est qu'à 12 ans que j'ai commencé à jouer du piano. J'ai dû m'exercer sur de vieux instruments désuets dans les salles enfumées des restaurants de notre petit village. Désirer un piano dépassait tout. Lorsque ce souhait s'est enfin réalisé, le temps d'attente entre la visite chez le marchand de pianos et l'arrivée au bout de quelques semaines m'a semblé insupportablement long. Probablement la plus longue attente de ma vie. Au bout du compte, c'est une grande passion qui s'en est dégagée et qui se perpétue encore aujourd'hui.

Quels sont vos moments qui ne devraient jamais s’arrêter?

Nous sommes probablement toujours heureux quand nous faisons consciemment l'expérience du moment sans penser à l'avenir et au passé en même temps. (…) Le moment est aussi le temps de l'accès à nous-mêmes. (…) Le moment est notre vraie réalité. Nous l'oublions surtout parce que nos pensées, ces bruits constants entre nos oreilles, nous en détournent. Et quand parfois le désespoir nous envahit, c'est généralement parce que nous pensons trop fort au passé et à l'avenir.
 

Quelle différence faîtes-vous entre temps et éternité?

Lorsqu’on arrive à 80 ans, on a vécu que 29’200 jours! Nous ne sommes que rarement vraiment conscients à quel point notre vie est limitée. Ce sont précisément ses limites qui rendent la vie si précieuse. D'un autre côté, le temps semble infini (…) Il ne serait pas surprenant que l'infinie brièveté du moment et l'infinité du temps et de l'univers soient les deux faces de la même médaille.

Votre première montre?

Ma première montre était une Stowa dotée d'un cadran de couleur crème, que j'ai obtenue pour confirmation.
 

Si vous possédez plusieurs montres, quels rôles jouent-elles dans votre existence?

Mes parents avaient une épicerie. La nourriture était toujours là. Rien de spécial pour nous, les enfants. C'est comme ça pour moi aujourd'hui avec les montres mécaniques. Elles sont juste là. Pour MeisterSinger, d'abord les montres sont créées dans ma tête et plus tard aussi physiquement, de sorte que je suis toujours entouré par elles.


Celle que vous aimeriez avoir le plus, hormis la marque pour laquelle vous travaillez?

En fait, il ne s’agit pas de montres. J’aimerais avoir de très vieilles horloges historiques. Pièces uniques et faites à la main. Ces joyaux me rendent parfois fou. Surtout si - comme mes horloges comtoises - elles fonctionnent encore parfaitement après 300 ans.
 

La montre de votre marque dont vous êtes le plus fier. Son rapport au temps?

Chez MeisterSinger, nous construisons des montres qui affichent l'heure comme les premières montres mécaniques avec une seule aiguille. Pour moi, c'est toujours la N° 01, avec laquelle tout a commencé.

Si, privé d’indicateur horaire, vous deviez planter un objet personnel dans le sol pour qu’il vous renseigne sur l’heure qu’il est, à la manière de l’antique cadran solaire, quel serait-il?

Je suis proche du sujet avec MeisterSinger! Car nous vendons chaque année environ 10'000 montres inspirées par le cadran solaire…