Klokers

Klokers – Réussites et risque industriel

Dans le petit monde du crowdfunding horloger, Klokers faisait office de référence en termes de concept, de communauté et de réussite. À la surprise de tous, la marque d’Annecy a déposé le bilan début Juillet 2019. Nous avons rencontré Richard Piras, son CEO, pour essayer de comprendre.

Par Benjamin Teisseire
Contributeur

Deux campagnes de financement participatif avaient levé près de € 650.000 en 2015 et plus de € 500.000 en 2017. La marque avait le vent en poupe avec son design novateur présentant le temps à la manière d’une règle de calcul des années 70. La communauté – développée en direct grâce à l’outil digital – était forte et grandissante, engagée et active. Les prévisions de croissance étaient exponentielles. Que s’est-il passé pour arriver à ce message lapidaire du 4 juillet dernier : « Klokers, c’est fini ! » ?
 

Risque industriel

Richard Piras répond en toute transparence : « La marque est empêtrée dans un nœud juridico-financier. Avec deux entités – une maison mère française et une filiale suisse de production – le risque s’est accru et l’on se retrouve avec des dettes bancaires qui étouffent le business. La situation est due à un événement majeur datant de Juin 2017. Un véritable accident industriel. » De quoi s’agit-il ? Il développe : « Notre fournisseur de boîtiers pour la Klok-01 et Klok-02 nous a livré des lots entiers sur lesquels des problèmes d’étanchéité graves sont apparus : 100% sur la 02 et 50% sur la 01 ! Après enquête, nous nous sommes rendu compte qu’ils avaient complètement changé l’outillage sans nous prévenir. La perte nette pour l’entreprise s’est élevée à plus de 1,5 millions d’euros. Toutes les liquidités y sont passées. À partir de ce moment, en Décembre 2017, la chaine de dominos s’est enchainée pour arriver à la situation actuelle de redressement judiciaire. »
 

Sur les 30.000 montres produites, une partie a purement et simplement été détruite, même si plus de 20.000 montres ont été livrées au final. Selon, le CEO seule une centaine de « backers » n’ont pas reçu leur garde-temps. Essentiellement des Klok-08 avec verre saphir pour lesquelles les livraisons dudit verre ont pris trop de temps.
 

Ce fut le plus grand enseignement pour l’entrepreneur : le caractère industriel de cette entreprise de croissance crée des risques financiers extrêmement forts auxquels il faut être prêt. Klokers et ses investisseurs ne l’étaient pas suffisamment. Ils sont allés trop vite et la croissance n’a pas été maîtrisée.

Des réussites incontestables

Malgré cette triste fin, il faut reconnaitre certaines réussites de l’aventure Klokers. La première est la communauté qu’elle a réussi à créer grâce à la puissance de l’approche digitale. Près de 40% du chiffre d’affaire était réalisé en direct !
 

Un vrai succès commercial avec une distribution dans 19 pays, dont le Japon, véritable juge de paix en matière d’horlogerie. Ce marché - le plus exigeant au monde - est un vrai gage de qualité du concept et des produits. 300 points de vente à travers le monde et un SAV facilité. Lors de la levée de fond de 2017, les investisseurs présentaient leur plan de développement – ambitieux – de vendre 120.000 montres en 2020 pour un chiffre d’affaire prévisionnel de 20M€. Les bases saines du début de l’aventure n’auront malheureusement pas suffi à assurer sa pérennité et à atteindre ces objectifs.
 

La marque existe toujours

Cependant certains actifs clés subsistent. La marque n’a pas disparu, elle appartient à Affordances, basé à Annecy. L’écosystème qui l’accompagnait commençait à se développer. Selon Richard Piras « 40% des clients en direct revenaient dans l’année pour acheter un 2ème accessoire, comme un bracelet ou un support de table. »
 

Il y a surtout des brevets sur cette mise en scène si différente du temps car Klokers n’était pas juste un nouveau design de cadran, mais bel et bien une innovation horlogère. Cela restera et peut-être que l’aventure n’est pas terminée. Évidemment déçu, Richard Piras avoue : « Mon rêve aujourd’hui est que Klokers continue – avec ou sans moi – car le concept a fait ses preuves. La communauté est grande et solide. L’engouement n’appartient désormais plus à ses créateurs. »
 

Si les contraintes juridico-financières arrivent à être résolues, l’aventure Klokers n’est effectivement peut-être pas complètement terminée. Affaire à suivre.
 

(Images fournies par Klokers)

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