Monaco, la crique aux vanités peuplée de yachts
Directement envoyés du Palais, mes cartons d’invitation au Monaco Yacht Show 2016 fleurent bon, Deo Juvante, le total laisser-passer. Ah que ces armoiries sont inspirantes!
Par Joel Grandjean
Rédacteur en Chef
Le spectacle commence déjà - Son Altesse Sérénissime ne fait pas les choses à moitié - dans cet hélico qui balaie le ciel de ses pales, entre Nice aéroport et la Principauté, survolant un littoral pittoresque dont le bleu se ponctue d’un nombre anormalement élevé de tâches blanches ou brillantes. D’en haut, on dirait de minuscules embarcations dont certaines affichent toutefois une taille inhabituellement grande. Des yachts, ce sont des yachts, ils sont partout, il sont légion et leur flux s’étiole jusque du côté de Cap Ferrat. Il y a même, arrimé en périphérie du port monégasque, ce monstre des mers qui sommeille façon «La croisière s’amuse.»
Régals pour les yeux, le porte-monnaie et les poignets, puisque quelques horlogers suisses y font régulièrement escale, la manifestation draine son lot de people, de journalistes, de curieux et surtout d’acheteurs: 34’000 visiteurs attendus pour 125 superyachts amarrés ici. Inévitablement, ce show qui est au yachting mondial ce que le Salon de Genève est à l’automobile, booste l’économie portuaire et ses alentours, remplissant les grands hôtels, les bars banchés, éphémères ou installés à l’année. La nuit venue, on affiche complet et le show continue, également sur les ponts privés où, par centres d’intérêts ou connexions d’affaires, les invités se trient sur le volet. J’irai à l’Hôtel Hermitage où la soirée inaugurale bat son plein récompensant au passage trois spécimens d’exception de la grande plaisance.
Hydros s’envole pour Dubaï
Entre autres, je suis ici pour saluer le départ pour Dubaï d’une aventure entrepreneuriale qui me fait rêver et sur laquelle j’ai eu l’occasion d’écrire. Celle de ces constructions flottantes - telles que l’Hydroptère sponsorisé par Audemars Piguet - qui, depuis le campus de l’EPFL où elles sont conçues, volent au-dessus de la surface des eaux, économisant au passage jusqu’à 30% d’énergie: de l’élégance sur fil, de la grâce qui vous transporte l’esprit et les émotions, sur fond de déferlante et d’embruns. L’aventure s’appelle Hydros, elle a pris la forme d’une Fondation et d’une compétition annuelle l’Hydrocontest qui permet aux cerveaux estudiantins en ingénierie marine de confronter leurs inventions. Hydros n’aurait pu voir le jour sans l’opiniâtre et fortuné Thierry Lombard. Où est-il au fait? Le cocktail mondain dans lequel j’évolue semble l’avoir avalé. Heureusement, Jérémie Lagarrigue est là, tout sourire, harassé certes d’avoir pré-vendu pour environ CHF 1,5 millions pièce une demi-dizaine du premier yacht à moteur Hydros équipé d’ailerons rétractables lui permettant de se hisser en pleine prise de vitesse à fleur de crêtes de vagues. Et d’annoncer le rachat de son bébé par ENATA Industries, entité fondée par le Français Sylvain Vieujot dont le chantier naval vient d’être achevé dans la mégapole persique des Emirats Arabes Unis. Pincement au coeur, bon vent.
Ulysse Nardin, Kerbedanz et Rebellion
Côté horlogerie, le chronographe Longines Hydroconquest en version acier et fond bleu que je porte au poignet me permet d’aller et venir sans trop faire tâche, de stands en salons privés d’hôtel. Première visite de courtoisie, la marque Ulysse Nardin, créée en 1823 au Locle. Elle et son imagerie marine sont sponsor de cette grand-messe du yacht depuis 8 ans. Elles y ont ancré leur image, grignotant ainsi une place alors occupée par Blancpain. Cette année, la bientôt bicentenaire marque, fierté de feu Rolf W. Schnyder, lance une édition limitée de sa Diver Chronograph Monaco, 44 mm de diamètre, lunette tournante unidirectionnelle, esthétique global blue saupoudré de rouge vif. Ce garde-temps mécanique de puissance navale, d’obédience marine, est habité par un calibre mécanique maison, le UN-150 à échappement silicium. Quelle autre enseigne pourrait aujourd’hui, à l’heure du branding ultra régulé, ajouter Monaco à l’appellation de l’un de ses modèles?
Puis, dans les allées peuplées du show, entre stands et embarcadères, on me hèle et me signale la présence de Kalust Zorik et Aram Petrosyan de la marque neuchâteloise Kerbedanz, l’enseigne qui «donne du sens à la beauté» et qui a introduit dans son ADN les acrobaties ultimes de la pièce unique. Leurs sourires laissent présager le meilleur, à savoir un ou plusieurs succès de vente auprès d’une de ces MIP - Most Important Personnalites - qui composent leur exclusive clientèle. Motus et bouches cousues: en trois ans à peine, plus de 400 oeuvres horlogères ont déjà trouvé preneur, une performance honorable au su de la valeur des pièces. Nul doute qu’ici à Monte-Carlo, là où se sont concentrées tout ce que la planète compte de surfaces financières illimitées, la marque dispose d’un potentiel qui n’a d’égale que son sens de la discrétion sur ses heureux propriétaires.
Tandis que les afters works sévissent et entraînent les faunes alentours dans les abysses nocturnes encore douces pour la saison, une équipe de rebelles s’est emparée des espaces d’exposition à l’Hôtel Hermitage. L’occasion de revoir et pourquoi pas de toucher, sur fond de vrombissements domptés, quelques garde-temps virils, dotés de complications inédites, d’un esprit zéro compromis et d’une audace assumée. The Right Place? Oui, d’autant que la présence d’un bolide rouge vif attire les regards, reléguant les transporteurs du cru, Bentley, Ferrari ou autres Aston Martin, au rang d’objets pour blasés. Vanité des vanités! Monaco by night, ça mérite aussi le détour!
Prochain rassemblement de marques horlogères dans la Principauté, le Salon Top Marques, du 20-23 Avril 2017 - http://www.topmarquesmonaco.com
Crédits photos de la première image: Monaco Yacht Show