Armin Strom: ma Skeleton Pure Air sur bracelet blanc?

Au cours de discussions, sans non plus en faire tout un fromage, il m’arrive de confesser mon affection pour les montres blanches. Certes, je regarde le contexte avant de m’épancher, histoire que la bizzareté de mes goûts – pour reprendre la terminologie de certains de mes proches – ne puisse pas être mal interprétée. Je trouve que cette couleur, au poignet d’un homme également, est un appel à la prise de couleurs. Je m’explique, observer une telle montre à mon bras m’incite carrément à trouver du soleil quelque part, coûte que coûte, histoire de rechercher pour ma peau fade un minimum de bronzage qui ferait ressortir le clair de ce garde-temps. En d’autres termes, les montres blanches, lorsqu’elles s’installent à mon poignet, me font du bien. Car même si je ne fais qu’y aspirer, le fait d’aborder dans ma tête le désir de soleil, m’est purement bénéfique.

Titane séducteur et signe esthétique distinctif

Le propos ne tombe pas à plat et Bettina Fleury, en charge des relations publiques de la marque Armin Strom, le saisit au vol. «Tiens, voici une Armin Strom Skeleton Pure Air. Tu la portes quelques semaines et tu me la renvoies en me donnant tes impressions.» Montée sur un bracelet cuir croco blanc horn back, c’est à dire avec, à fleur de ses extrémités reliées aux cornes, une sorte de petite crête cossue du meilleur effet, cette boîte de 43,4 mm de diamètre m’apparaît d’abord légère. Evidemment, il s’agit de titane. Oserais-je avouer qu’en général, quitte à être déclaré perdu pour la science, j’aime la valeur perçue, j’aime les montres qui pèsent? Qui pèsent leur pesant de quelque chose, qu’il s’agisse de l’illustration psychologique du prix qu’elles coûtent ou simplement de leur poids en matière précieuse. Donc, je le confesse, j’ai toujours eu pour le titane, dont j’agrée pourtant la noblesse et l’intérêt, une condescendance coupable. Celui de ma nouvelle montre est du genre à jouer la séduction. Il est poli mat façon gun, c’est à dire d’un gris qui fleure bon l’ambiance industrielle et froide du matériau high tech. Après tout, c’est cohérent. Et tant qu’à revendiquer sa légèreté, tout en revendiquant une étanchéité à 5 atmosphères, je dois dire qu’il m’a fait oublier à plusieurs reprises que j’avais au poignet un objet en prise si directe avec l’agaçante réalité temporelle…

Au fil de mes déplacements, de mes rencontres, mon Armin Strom s’est révélée fréquemment sous des angles qui font que je l’ai régulièrement regardée avec un œil nouveau. Reste que je demeure étonné par le fait qu’un point qui me saute aux yeux à moi soit passé totalement inaperçu: il est dans son design, un détail original qu’on ne trouve chez aucune autre marque. Je vérifie, ce détail existe sur l’ensemble des montres Armin Strom, quelle qu’en soit la collection. Il est de nature à faire que, même au fond d’un restaurant, c’est à dire de loin, une personne au courant de l’existence de ce détail pourrait savoir que vous possédez une Armin Strom. Quelle marque, à l’heure où toutes rêvent d’un signe distinctif à haute valeur identitaire ajoutée, ne rêverait pas de jouir d’un tel avantage? La Maison de Bienne Armin Strom en dispose, elle n’en parle pourtant hélas que très rarement, comme s’il fallait que ce genre de subtilités s’impose de soi-même sur la durée: il s’agit d’une petite languette de métal, disposée à 6 heures, qui s’inscrit si discrètement dans l’esthétique de la boîte, qu’on n’y prête pas attention. Cette mini surface, pourtant propice à tous les espoirs de personnalisation, vous reviendra en mémoire chaque fois que vous penserez désormais à la marque.

Arts du squelettage sur fond de calibre maison

L’autre pensée récurrente lorsqu’on parle Armin Strom, c’est le squelette.

Cet art qui consiste, sans dénaturer les performances chronométriques du garde-temps, à détourer, à creuser et à arracher de la matière, par sculpture, gravure ou autres procédés d’élagage horlogers. C’est d’ailleurs cette réputation qui fit le nom Armin Strom, d’abord pour des marques historiques, avant qu’il ne devienne lui aussi marque à part entière. Est-ce pour cela que ma montre me semble encore plus légère? Je revois l’œil intéressé et admiratif d’un horloger confirmé, promenant son regard muni d’une loupe d’horloger, à l’intérieur des entrelacs de composants décorés du mouvement. Comme moi, il n’eut cesse de remonter la montre, histoire de voir se mouvoir les deux roues dentées et évidées qui alimentent en énergie le double barillet.

Mouvement maison? Inutile pour s’en convaincre d’imaginer, comme nous le font si souvent croire certains,  qu’il ne s’agit que d’un moteur de base du marché, déguisé en mouvement in house grâce à une appellation ad hoc et à de simples modifications. Car l’excentrage particulier du calibre de mon Armin Strom Skeleton Pure Air, déplaçant l’ensemble architectural du calibre vers les 9h afin de dégager un espace semi-circulaire à 3h permettant d’inscrire le nom de la marque, est une preuve permanente, parlante pour les initiés, que son calibre ne se trouve nulle part ailleurs sur le marché.

Franchement, même si j’ai perdu l’habitude de devoir remonter mes montres, j’ai le sentiment de n’avoir jamais eu à me forcer d’y penser. La réserve de marche est plutôt balèze. Subtilement indiquée par une pointe rouge située à l’intérieur du cercle des 9h, je n’aurai finalement pas eu besoin de m’y référer puisque j’ai suffisamment de fois retourné ma montre, juste pour jouer à la remonter en raison du spectacle micro mécanique qui en résulte. Voir les rouages s’animer, voir leurs interactions imbriquées se mettre en solidarité, juste parce qu’on donne quelques coups de remontoir…

Pincement au cœur. Le moment de la séparation arrive. La montre repartira à la Manufacture. Peut-être la reverrais-je à Baselworld, entourée de ses sœurs et des nouveautés 2015? Quoiqu’il en soit, j’irai visiter le stand de cette enseigne à part, fleuron d’une indépendance intelligemment maîtrisée et à taille humaine. De celles qui résistent aux effets de mode et d’annonce parce qu’elles tendent à s’imposer sur la durée.