Hyetis Crossbow

Affaire Hyetis, tout le monde savait?

Dans les événements horlogers qui regroupent les acteurs de la sous-traitance, on croise souvent Polichinelle et ses secrets. Ainsi, à propos de Hyetis, tout le monde aurait su...

Par Joel Grandjean
Rédacteur en Chef

Secret de Polichinelle? Reprises par les médias grand public suisses, les nouvelles inquiétantes liées à la marque Hyetis, à savoir qu’il pourrait y avoir un défaut de livraison du au fait que les montres pourraient ne pas être produites, n’ont pas surpris grand monde dans le secteur horloger. Diable, pour quelle raison tous ceux qui pensaient savoir se sont tus…?

Hyetis Crossbow prototype Prototype de la Hyetis Crossbow

Les mauvais payeurs passent-ils à la caisse?

Le secteur possède lui aussi ses casseroles, il les connaît, il les entend de loin et surtout, lorsqu’elles débarquent avec leurs grands sabots, il s’en distance ou s’en amuse parfois au risque d’oublier de tirer d’utiles sonnettes d’alarme. Dommage, car cette fois, ce n’est pas drôle du tout, puisqu’au bout de la chaîne, quelques crédules pourraient bien n’avoir plus que leurs yeux pour pleurer. Et comme cette fois il ne se serait pas agi d’acteurs de la sous-traitance horlogère mais de clients finaux, on se serait peut-être lavé les mains un peu trop vite. Ô indifférence coupable, qui sait si bien se détourner de ce qui ne nous regarde pas! Ainsi, l’arrivée de la marque Hyetis et de son directeur général Arny Kapshitzer dans l’univers nébuleux du crowdfunding, ces levées de fonds qui s’opèrent par toile interposée via la pré-vente sur plan de modèles chargés de promesses, aurait fait se dresser quelques cheveux à même le crâne de certains sous-traitants. Elle aurait même fait grincer quelques dents au sein de sociétés horlogères qui feraient état de défauts de paiement antérieurs liés aux mêmes acteurs.

Arny Kapshitzer Hyetis CEO on the brand's first video keynote Arny Kapshitzer,  Hyetis CEO sur le premier keynote video (source: Youtube)

Le revers de manivelle

A vouloir trop jouer avec les les règles du jeu médiatique, il faut parfois savoir ramasser quelques coups bien envoyés. D’honnêtes entrepreneurs, parfois décriés pour les défauts de leurs qualités de manager, ne cessent d’en faire l’amère expérience. Ici ils se font tâcler pour leur autoritarisme, là pour le risque pris qui s’avère être un flop alors que s’il avait débouché sur un succès, il les aurait désignés comme faisant partie de la race des visionnaires. Dur, dur. La vie médiatique est une jungle, la surexposition aux projecteurs produit son lot de coups de soleil. On n’aime si peu ce qui brille ou sort du lot, qu’il faut bien qu’un redresseur de torts, souvent un journaleux pétri de bonnes intentions et de déontologie, viennent fouiner là où le bat blesse. L’intéressé ramasse, c’est un cycle. Le retour de manivelle le frappe alors avec une intensité proportionnelle à l’importance de son exposition médiatique. Ça fait mal, ça vous écorne un ego, ça vous déride un impassible, ça vous déglingue un bien-élevé.

Hyetis Crossbow Hyetis Crossbow (Modélisation)

Heureusement, il arrive que le retour de manivelle soit plutôt bénéfique lorsqu’il fauche des faiseurs d’affaires qui, par leur bluff conceptuel ou par leurs prédispositions communicationnelles, font injustement couler une encre médiatique qu’il aurait mieux fallu garder pour de belles histoires, saines, bref, pour des histoires bien moins interessantes. Ainsi, lorsque, suite aux révélations d’Ariane Dayer dans le Matin Dimanche, la Tribune de Genève balance sous la plume de Richard Etienne la mise en doute étayée de l’aventure Hyetis, s’appuyant sur le témoignage du mécontentement d’investisseurs acheteurs convaincus qu’ils ne verront jamais ni la montre souscrite ni leur argent en retour, le secteur horloger, dans son versant sous-traitance, applaudit. Car, à tort où à raison, le bruit courait déjà depuis un moment, la suspiscion, en une sorte de contagion corporatiste, se répandait déjà de fabriques en fabriques. Il paraîtrait que pas grand monde n’aurait accepté de bosser pour ce projet, sauf contre paiement à la commande, ce qui d’ailleurs pourrait bien expliquer l’étendue des retards accusés, et donc, c’est le serpent qui se mord la queue, le mécontentement des investisseurs.

Hyetis Crossbow Hyetis Crossbow

Tout faire pour croiser Polichinelle

Ainsi donc, pour ne citer que deux foyers de lucidité, dans les couloirs du salon EPHJ-EPMT-SMT, la plus grande manifestation professionnelle annuelle de Suisse avec ses plus de 800 exposants, comme durant les pauses café ou lunch de l’annuelle journée d’Etude de la SSC, la Société Suisse de Chronométrie, l’«affaire Hyetis» aurait été entendue, sa cause jugée. Dans ce genre d’endroits où tous les journalistes ne vont pas et où les acteurs de l’horlogerie ne sont pas ceux qui squattent les étages directoriaux ou marketing des marques de montres, il n’est pas rare de croiser Polichinelle et ses secrets…  Des secrets parfois bien plus instructifs qu’une simple affaire de crowdfunding qui pourrait mal tourner. Des secrets sur les nouveaux matériaux, sur «qui fait quoi et sous couvert de qui» en-deça des lisses devantures ou des beaux discours identitaires, des secrets sur… Je n’en dirais pas plus puisque quoiqu’il arrive, tout finit un jour par se savoir…

Hyetis Crossbow Rotors Rotor destiné au Hyetis Crossbow

Lire l’artice paru dans la Tribune de Genève le 4 août 2014.

http://www.tdg.ch/economie/entreprises/Un-horloger-genevois-suscite-l-ire-de-ses-investisseurs/story/28591337

Et recevez chaque semaine une sélection personnalisée d'articles.